Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 28 février 2018, 16-50.015, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Frouin
ECLIECLI:FR:CCASS:2018:SO00308
Case OutcomeCassation sans renvoi
Date28 février 2018
CitationSur l'impossibilité de remettre en cause le montant du bénéfice net et celui des capitaux propres de l'entreprise établis par une attestation de l'inspecteur des impôts ou du commissaire aux comptes, à rapprocher : Soc., 10 janvier 2017, pourvoi n° 14-23.888, Bull. 2017, V, n° 4 (1) (rejet), et l'arrêt cité
Appeal Number51800308
Docket Number16-50015
CounselSCP Célice,Soltner,Texidor et Périer,SCP Thouvenin,Coudray et Grévy
CourtChambre Sociale (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBull 2018, V, n° 36
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le premier moyen du pourvoi principal des sociétés Wolters Kluwer France et Holding Wolters Kluwer France :

Vu l'article L. 3326-1 du code du travail ;

Attendu, selon ce texte, d'ordre public absolu, que le montant du bénéfice net et celui des capitaux propres de l'entreprise sont établis par une attestation de l'inspecteur des impôts ou du commissaire aux comptes et qu'ils ne peuvent être remis en cause à l'occasion des litiges relatifs à la participation aux résultats de l'entreprise ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Wolters Kluwer France (WKF) et la société mère Holding Wolters Kluwer France (HWKF) font partie du groupe hollandais Wolters Kluwer, leader européen de l'information juridique et fiscale, présent dans cent soixante-dix pays et dont le siège social est situé à [...] ; que l'activité en France, initialement composée de onze structures juridiques et opérationnelles, a été réorganisée en juin 2007 sous l'intitulé "opération Cosmos" ; que les sociétés Lamy et Groupe Liaisons et leurs filiales ont été dissoutes, avec transmission universelle de leur patrimoine entre les mains d'un actionnaire unique, la société WKF, qui a acheté toutes leurs actions et a pu augmenter ainsi son capital, tout en permettant à la société mère, la société HWKF, d'atteindre le seuil d'un milliard d'euros au bilan ; que, pour acheter ces actions, le 24 juillet 2007, la société WKF a souscrit un emprunt de 445 millions d'euros auprès de la société HWKF, remboursable sur quinze ans, qui a eu pour effet d'empêcher tout versement de participation aux salariés en raison de cet endettement ; que l'Union fédérale des ingénieurs, cadres et techniciens du livre et de la communication (UFICT-CGT), le Syndicat interprofessionnel de la presse et des médias de la Confédération nationale du travail (SIPM-CNT), le Syndicat national des journalistes (SNJ) et le Syndicat national de l'écrit (SNE-CFDT) ont saisi le tribunal de grande instance aux fins de déclarer l'opération de restructuration Cosmos intervenue le 30 juin 2007 inopposable aux salariés et d'obtenir la condamnation des sociétés WKF et HWKF à reconstituer une réserve spéciale de participation pour les exercices 2007 à 2022 et à la répartir entre les salariés ;

Attendu que pour déclarer les demandes des syndicats SIPM-CNT, SNJ et SNE-CFDT recevables à l'encontre de la société WKF et déclarer recevable l'intervention volontaire du syndicat UGICT-CGT à l'égard des sociétés WKF et HWKF, l'arrêt retient que les syndicats, sans remettre en cause la sincérité des attestations du commissaire aux comptes, sollicitent seulement que l'opération de restructuration Cosmos soit déclarée inopposable aux salariés de la société WKF, avec pour conséquence la réintroduction dans le bénéfice net des sommes soustraites abusivement à ce bénéfice du fait des charges de l'emprunt litigieux, afin de reconstituer la réserve de participation ; que les attestations établies par le commissaire aux comptes ne sauraient, en tout état de cause, faire obstacle à ce que le juge judiciaire, à l'occasion du litige dont il est saisi et qui relève de sa compétence, remette en cause, en cas de fraude de la société WKF, les comptes certifiés par ce professionnel sur la base des éléments fournis par la société ; que ces attestations ne sauraient donc faire obstacle à ce que l'opération Cosmos puisse, elle-même, être contestée dès lors que les syndicats appelants et intervenants ne se fondent pas sur ces attestations, qui sont postérieures au rapport de l'inspecteur du travail relevant le délit d'entrave, mais sur la base d'un ensemble de documents, comme les rapports d'expertise comptable, les procès-verbaux des réunions du comité d'entreprise et les propres déclarations des dirigeants de la société WKF ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le montant du bénéfice net devant être retenu pour le calcul de la réserve de participation qui avait été certifié par une attestation du commissaire aux comptes de la société dont les syndicats ne contestaient pas la sincérité ne pouvait être remis en cause dans un litige relatif à la participation, quand bien même l'action des syndicats était fondée sur la fraude ou l'abus de droit invoqués à l'encontre des actes de gestion de la société, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 février 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE IRRECEVABLES les demandes des syndicats SIPM-CNT, SNJ, SNE-CFDT et UGICT-CGT ;

Condamne le Syndicat interprofessionnel de la presse et des médias de la Confédération nationale du travail, le Syndicat national des journalistes, le Syndicat national de l'écrit CFDT et l'Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens CGT aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour les sociétés Wolters Kluwer France et Holding Wolters Kluwer France

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré recevables les syndicats SIPM-CNT, SNJ et SNE-CFDT en leurs demandes à l'encontre de la société Wolters Kluwer France, d'AVOIR déclaré recevable l'intervention volontaire du syndicat UGICT CGT à l'égard des sociétés Wolters Kluwer France et Holding Wolters Kluwer France, d'AVOIR constaté que l'opération de restructuration COSMOS est constitutive d'une manoeuvre frauduleuse de la part des directions des sociétés WKF et HWKF et, en conséquence, de l'AVOIR déclarée inopposable dans ses effets sur le montant de la réserve spéciale de participation pour les années 2007 à 2010, à l'égard des salariés de la société WKF, bénéficiaires du régime obligatoire de participation, d'AVOIR condamné solidairement les sociétés Wolters Kluwer France et Holding Wolters Kluwer France à payer à l'UGICT CGT une somme de 10.000 € de dommages-intérêts, d'AVOIR condamné la société Wolters Kluwer France à verser à chacun des syndicats SIPM-CNT, SNJ et SNE-CFDT une somme de 10.000 € de dommages-intérêts et d'AVOIR sursis à statuer sur le montant de la réserve spéciale de participation aux fruits de la société Wolters Kluwer France pour les exercices 2007 à 2015 à reconstituer et à abonder par les sociétés Wolters Kluwer France et Holding Wolters Kluwer France, pour le compte des salariés de la société Wolters Kluwer France ;

AUX MOTIFS QUE « sur la recevabilité de l'action des syndicats appelants. - Sur la recevabilité de l'appel de l'UFICT-CGT : les sociétés intimées soutiennent que la copie du jugement à signifier n'avait pas à être annexée à l'avis de passage de l'huissier intervenu le 5 février 2015, tandis que l'UFICT-CGT prétend le contraire, estimant que son délai d'appel ne courait qu'à compter de la remise de la copie du jugement à son représentant. Or, l'article 656 du code de procédure civile mentionne qu'en l'absence de la personne l'huissier, qui a vérifié l'adresse de la personne, laisse un avis de passage mentionnant notamment que la copie de l'acte à signifier doit être retirée dans les plus brefs délais à l'étude et que la date de son avis de passage fait courir le délai d'appel. En l'espèce, l'avis de passage en date du 5 février 2015 comporte les mentions légales et a bien été déposé à l'adresse de l'UFICT-CGT. L'UFICT-CGT ayant formé appel le 16 mars 2015, il est donc irrecevable en son appel, vu l'expiration du délai d'un mois suivant l'avis de passage de l'huissier. Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de l'UGICT-CGT. Les sociétés intimées contestent l'intérêt à agir de l'UGICT-CGT, au motif que les salariés journalistes sont déjà représentés dans la procédure par un autre syndicat le Syndicat National des Journalistes (SNJ) ; elles soutiennent aussi que cette intervention en appel est irrecevable. L'UGICT-CGT rétorque que son intervention volontaire, recevable en appel selon l'article L. 2132-3 du code du travail, est justifiée par le pluralisme syndical, et son intérêt à agir résulte du fait que le syndicat CGT des journalistes est affilié à elle. Selon l'article 554 du code de procédure civile, une partie, non représentée en première instance, peut intervenir en cause d'appel si elle y a intérêt et si sa demande se rattache par un lien suffisant à celle des parties initiales. Selon l'article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice concernant des faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent. L'UGICT-CGT est recevable à intervenir pour la première fois en appel, dans la mesure où ses demandes sont les mêmes que les autres syndicats déjà en la cause en première instance, et qu'elle défend l'intérêt collectif des journalistes salariés de la société WKF, qui dans le cadre du présent litige se sont estimés lésés au niveau de leur rémunération par les conséquences de l'opération de restructuration COSMOS sur leur droit à la participation, droit collectif issu de dispositions légales et faisant l'objet d'un accord collectif en date du 14 mars 2008 négocié par l'ensemble des organisations syndicales (SNJ, CFDT, CGT, FO, CFE-CGC et CFTC) pour l'année 2007. L'UGICT-CGT produit la délibération de son bureau en date du 1er avril 2015, qui décide de...

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