Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 8 avril 2014, 13-11.765, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Espel
ECLIECLI:FR:CCASS:2014:CO00387
Case OutcomeCassation sans renvoi
CounselMe Foussard,SCP Gadiou et Chevallier,SCP Piwnica et Molinié
Docket Number13-11765
Date08 avril 2014
Appeal Number41400387
Subject MatterSEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Exclusion - Cas - Action en responsabilité contre une personne publique - Applications diverses
CourtChambre Commerciale, Financière et Économique (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBull. 2014, IV, n° 68

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par le Musée national des arts asiatiques-Guimet (le Musée Guimet) que sur le pourvoi incident relevé par l'établissement public Sèvres-Cité de la céramique (la manufacture de Sèvres) ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi principal et le premier moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi incident :

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble les articles L. 410-1, L. 464-7 et L. 464-8 du code de commerce ;

Attendu qu'il résulte de la loi et du décret susvisés que le juge administratif est, hors les matières réservées par nature ou par la loi au juge judiciaire, seul compétent pour statuer sur la responsabilité d'une personne publique lorsque le dommage qui lui est imputé résulte d'une activité de service public à caractère administratif ; que s'il résulte des dispositions combinées des articles L. 410-1, L. 464-7 et L. 464-8 du code de commerce que, dans la mesure où elles effectuent des activités de production, de distribution ou de services, les personnes publiques peuvent être l'objet de décisions de l'Autorité de la concurrence agissant sous le contrôle de l'autorité judiciaire, ce transfert de compétence se limite au seul contentieux ainsi visé, relatif aux décisions rendues par cette Autorité en matière de pratiques anticoncurrentielles ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la manufacture de Sèvres a organisé, en partenariat avec l'artiste ChuTeh-Chun et la galerie new-yorkaise Malborough, la fabrication de vases, décorés par l'artiste, qui ont été exposés, du 10 juin au 7 septembre 2009, au musée Guimet puis, pour partie d'entre eux, remis à la galerie Malborough qui les a commercialisés ; que la société Galerie Navarra, qui exploite une galerie à New York, et son dirigeant, M. X..., estimant que le musée Guimet et la manufacture de Sèvres, en mettant une partie de leurs moyens au service d'un projet commercial privé, initié par une galerie concurrente, avaient faussé le jeu de la concurrence, les ont fait assigner en réparation de leur préjudice ; que la manufacture de Sèvres et le musée Guimet, excipant de leur nature d'établissements publics exerçant une mission de service public, ont saisi le juge de la mise en état d'une exception d'incompétence de la juridiction judiciaire ;

Attendu que pour confirmer l'ordonnance qui avait rejeté l'exception, l'arrêt rappelle que, selon l'article L. 410-1 du code de commerce, les dispositions relatives à la liberté des prix et de la concurrence s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de délégations de service public, et que, dans la mesure où elles exercent de telles activités et sauf en ce qui concerne les décisions ou actes portant sur l'organisation du service public ou mettant en cause des prérogatives de puissance publique, les personnes publiques peuvent être sanctionnées par l'Autorité de la concurrence agissant sous le contrôle de l'autorité judiciaire ; qu'il en déduit qu'il convient de rechercher en l'espèce si les actes présentés comme ayant porté atteinte à une saine et libre concurrence ont concerné l'organisation du service public ou la mise en oeuvre de prérogatives de puissance publique, puis retient que tel n'est pas le cas de la production des céramiques en cause, suivie de leur exposition, et de leur offre à la vente ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a excédé sa compétence et violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :


CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Infirme l'ordonnance du 1er juillet 2011 du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris ;

Dit les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes pour connaître du litige ;

Renvoie les parties à mieux se pourvoir ;

Condamne M. X... et la société Galerie Navarra aux dépens exposés tant devant les juges du fond que devant la Cour de cassation ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer la somme de 3 000 euros au musée national des arts asiatiques-Guimet et la même somme à l'établissement public Sèvres-Cité de la céramique ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille quatorze.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour le Musée national des arts asiatiques

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation de l'ordonnance entreprise, rejeté l'exception d'incompétence soulevée par le Musée des arts asiatiques Guimet,

AUX MOTIFS QUE les juridictions administratives sont compétentes pour connaître des litiges concernant les actes ou opérations accomplis par une personne publique dans le cadre de sa mission de service public et qui relèvent de la mise en oeuvre de prérogatives de puissance publique ; que, par ailleurs, selon l'article L. 410-1 du code de commerce « les règles définies au présent livre s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public » et qu'au sens du droit communautaire, constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné ; que les dispositions relatives à la liberté des prix et de la concurrence, s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de délégations de service public ; que dans la mesure où elles exercent de telles activités et sauf en ce qui concerne les décisions ou actes portant sur l'organisation du service public ou mettant en cause des prérogatives de puissance publiques, les personnes publiques peuvent être sanctionnées par l'Autorité de la Concurrence agissant sous le contrôle de l'autorité judiciaire ; que ne sont pas contestées, en l'espèce, les conditions de réalisation des oeuvres en cause, en partenariat avec la MALBOUROUGH GALLERY, l'artiste CHU TEH-CHUN, le Musée Guimet et la Manufacture du Musée de Sèvres, ni le fait qu'au terme du partenariat mis en place, la plupart des vases sont devenus propriété de la galerie américaine privée MALBOUROUGH GALLERY et se retrouvent ainsi sur le marché de l'art ; que les intimés font valoir que les actes en cause relèvent bien de la compétence judiciaire et que la commission de tout acte anticoncurrentiel fonde la compétence de principe du juge judiciaire, sans qu'il soit besoin de distinguer les activités de service public administratif et de service public industriel et commercial et que si la juridiction administrative est compétente pour connaître des seuls actes anticoncurrentiels se rattachant à l'exercice de prérogatives de puissance publique ou ayant pour but l'organisation du service public, tel n'est pas le cas en l'espèce ; que, pour soutenir la compétence des juridictions de l'ordre administratif, le Musée Guimet invoque sa mission de service public, définie à l'article 2 du décret du 26 décembre 2003, qui a créé son établissement public et selon lequel, dans le cadre de son projet scientifique et culturel, l'établissement des arts asiatiques Guimet a pour missions de présenter au public, en les situant dans leur perspective historique, les oeuvres représentatives des arts de l'Asie, de contribuer à l'enrichissement des collections nationales par l'acquisition de biens à titre gratuit ou onéreux, d'assurer dans les musées qu'il regroupe l'accueil le plus large et d'en développer la fréquentation, de favoriser la connaissance de leurs collections, de concourir à l'éducation, la formation et la recherche dans le domaine de l'archéologie, de histoire de l'art et de la muséographie ; qu'il convient en l'espèce de rechercher si les actes présentés comme ayant porté atteinte à une saine et libre concurrence ont pu concerner l'organisation du service public ou la mise en oeuvre de prérogatives de puissance publique ; qu'à cet égard, par motifs pertinents qu'il convient d'adopter, le premier juge a retenu que si les faits reprochés, à savoir, pour le Musée Guimet, la présentation d'oeuvres d'art destinées à être vendues et, pour la Manufacture de Sèvres, la passation et l'exécution d'un contrat relatif à la réalisation, entrent effectivement dans les missions de ces deux personnes de droit public et ont trait à des activités au moins en partie économiques, elles ne constituent en revanche en aucun cas des mesures relatives à l'organisation du service public ; qu'il a pu relever à bon droit, d'une part, que l'organisation d'une exposition et l'offre à la vente de céramiques ne traduisent pas, à l'évidence, la mise en oeuvre d'un pouvoir hiérarchique et n'ont aucune portée réglementaire, critères caractérisant une telle organisation, d'autre part, que ces actions ne peuvent davantage être considérées comme mettant en oeuvre les prérogatives de puissance publique, lesquelles se rapportent selon une définition communément admise à un pouvoir de contrainte détenu par l'administration en vue de la satisfaction de l'intérêt général, et qui ne renvoient nullement au cas d'espèce ; qu'en effet, nonobstant l'intérêt artistique certain de faire connaître au grand public un artiste de...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT