Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 14 février 2012, 11-11.750 11-13.130, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Favre
CitationSur le n° 1 : Dans le même sens que :Com., 21 juin 2011, pourvoi n° 09-67.793, Bull. 2011, IV, n° 101 (cassation)
Case OutcomeCassation
CounselMe Ricard,SCP Baraduc et Duhamel,SCP Célice,Blancpain et Soltner,SCP Bénabent
Date14 février 2012
Appeal Number41200213
Docket Number11-11750,11-13130
Subject MatterCONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 § 1 - Tribunal - Impartialité - Défaut - Examen du recours par la même formation que celle ayant examiné les présomptions justifiant les opérations de visite et saisie
CourtChambre Commerciale, Financière et Économique (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin 2012, IV, n° 32

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° Z 11-11. 750 formé par les sociétés Cemex bétons Sud-Est et Cemex béton France et n° Z 11-13. 130 formé par la société Unibéton ;

Attendu que la société Unibéton, la société Cemex France gestion, qui vient aux droits de la société RMC France, qui venait elle-même aux droits de la société Béton de France, et la société Cemex béton Sud Est qui vient aux droits de la société Brignolaise de béton et d'agglomérés se sont pourvues en cassation contre un arrêt de la cour d'appel de Paris qui, statuant comme cour de renvoi à la suite d'un arrêt de la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique, 3 mars 2009, pourvoi n° 08-13. 767 et a., Bull. IV n° 29), a annulé la décision n° 97- D-39 du 17 juin 1997 du Conseil de la concurrence et statuant à nouveau, dit que la société Unibéton, la société Béton de France et la société Brignolaise de béton et d'agglomérés ont enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, devenu l'article L. 420-1 du code de commerce, et prononcé, en conséquence, des sanctions pécuniaires à l'encontre de ces trois sociétés ;

Sur le pourvoi n° Z 11-11. 750 en ce qu'il est formé contre l'arrêt du 13 janvier 2011 :

Attendu qu'aucun grief n'étant formé contre l'arrêt rendu par la cour d'appel le 13 janvier 2011, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre cet arrêt ;

Sur les pourvois en ce qu'ils sont dirigés contre l'arrêt du 27 janvier 2011 :

Sur le premier moyen du pourvoi n° Z 11-11. 750, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que pour dire que les sociétés Cemex bétons Sud-Est et Cemex béton France avaient enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du code de commerce et prononcer une sanction pécuniaire contre chacune d'elles, l'arrêt relève que s'agissant du contrôle effectif contre l'ordonnance autorisant les visite et saisie de documents du 28 janvier 1994, ce contrôle exercé par elle n'implique pas de sa part une quelconque appréciation sur le bien fondé des griefs qui seraient plus tard articulés contre les entreprises visitées et pas davantage un préjugé sur les sanctions qui seraient prononcées contre les mêmes, qu'elle en déduit que ce contrôle est effectif ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'examen de l'existence de présomptions de pratiques anticoncurrentielles autorisant les visite et saisie par la même formation de jugement que celle appelée à statuer sur le bien-fondé des griefs retenus et de la sanction prononcée au titre de ces pratiques est de nature à faire naître un doute raisonnable sur l'impartialité de la juridiction, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur la deuxième branche du premier moyen du pourvoi n° Z 11-11. 750 et la deuxième branche du premier moyen du pourvoi n° Z 11-13. 130, réunis :

Vu l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que pour dire que les sociétés Cemex bétons Sud-Est et Cemex béton France avaient enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du code de commerce et prononcer une sanction pécuniaire contre chacune d'elles, l'arrêt relève que le délai raisonnable dans lequel doit pouvoir être exercé le recours contre les visite et saisie de documents constitue une exigence qui protège directement et exclusivement les droits de l'entreprise qui a subi la visite domiciliaire, que dès lors, ce délai court sur la période qui débute le jour où est ouverte la voie de droit, en l'espèce le jour de la perquisition (7 février 1994), et le jour où le juge compétent est saisi pour statuer sur les mérites de la décision critiquée, c'est-à-dire, en l'espèce, la date de la requête visant le texte applicable soit quinze années ; qu'il retient que cependant et conformément à la finalité de l'exigence du respect d'un délai raisonnable, l'autorité d'enquête ne saurait voir ses prérogatives mises en péril par la survenance d'événements dont elle n'aurait pas maîtrisé le cours ; qu'il ajoute qu'à cet égard, le temps de la procédure proprement judiciaire jusqu'à l'ouverture d'un nouveau recours par l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008, soit de 1995 à 2008, doit être déduit du total de quinze années ; qu'il en conclut que le délai imposé aux requérantes pour obtenir un exercice effectif du recours de fait et de droit, a été de trois ans de sorte qu'il n'est pas déraisonnable ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir que le recours en contestation prévu par l'ordonnance du 13 novembre 2008 répondait, en l'espèce, aux exigences de l'article 6 § 1 de la Convention, dès lors que les sociétés en cause n'ont pu contester en fait et en droit l'ordonnance autorisant les visite et saisie de documents que quinze ans après l'exécution de celles-ci, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CONSTATE LA DECHEANCE du pourvoi n° Z 11-11. 750 en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 13 janvier 2011 ;

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 janvier 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Condamne le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et le président de l'Autorité de la concurrence, ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi n° Z 11-11. 750 par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Cemex bétons Sud-Est et la société Cemex France gestion.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le pourvoi reproche aux arrêts attaqués d'avoir après réouverture des débats rejeté le recours des sociétés CEMEX FRANCE GESTION et CEMEX BETONS SUD-EST dirigé contre l'ordonnance d'autorisation de visites et saisies du 28 janvier 1994, d'avoir dit que ces entreprises avaient enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et d'avoir prononcé une sanction de 4. 500. 000 € à l'encontre de la société CEMEX FRANCE GESTION et de 45. 000 € contre la société CEMEX BETONS SUD-EST ;

AUX MOTIFS QUE « Réouverture L'article 5 IV alinéa 2 de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence énonce « si l'autorisation de visite et saisie n'a pas fait l'objet d'un pourvoi en cassation ou si cette autorisation a fait l'objet d'un pourvoi en cassation ayant donné lieu à un arrêt de rejet de la Cour de cassation, un recours en contestation de l'autorisation est ouvert devant la cour d'appel de Paris saisie dans le cadre de l'article L 464-8 du code de commerce, hormis le cas des affaires ayant fait l'objet d'une décision irrévocable à la date de publication de la présente ordonnance » ; que l'article 5 IV alinéa 3 de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence énonce : « lorsqu'est pendant devant la Cour de cassation un pourvoi formé contre un arrêt de la cour d'appel de Paris statuant dans le cadre de l'article L 464-8 du code de commerce, les parties ont la faculté de demander le renvoi à la cour d'appel de Paris pour l'examen d'un recours en contestation de l'autorisation de visite et saisie délivrée par le juge des libertés et de la détention » ; que la cour d'appel de Paris a examiné la présente affaire lors de son audience du 18 novembre 2010 ; que postérieurement à cette audience, dans des arrêts en date du 21 décembre 2010 (« affaire Société Canal Plus et autres c. France », requête n° 29408/ 08 ; « Affaire Compagnie des Gaz de Pétrole Primagaz c. France », requête n° 29613/ 08), la Cour Européenne des Droits de l'Homme …. Constate que la voie de recours prévue à l'alinéa 12 de l'article L. 450-4 du Code de Commerce, alors applicable, qui permettait à la requérante de faire contrôler la régularité du déroulement des opérations de visite et de saisie par le juge qui les avait lui même autorisées, ne garantissait pas à la requérante un contrôle juridictionnel effectif répondant aux exigences d'indépendance d'un tribunal posées par l'article 6 § 1 de la Convention. En effet, un contrôle des opérations effectué par le juge ayant autorisé les visites et saisies ne permettait pas un contrôle indépendant de la régularité de l'autorisation elle-même ; Que compte tenu de ces arrêts, le Président de la Chambre Régulation Economique de la Cour d'appel de Paris a, le 3 janvier 2011, informé les entreprises parties à l'instance, le Parquet Général, l'Autorité de la concurrence et le ministre chargé de l'économie que la Cour se tenait prête à recevoir d'éventuelles notes en délibéré ou, si cela lui était demandé, à rouvrir les débats ; (….) II-Sur la validité des preuves utilisées dans la décision 2a- Sur la saisine de la DGCCRF : que s'agissant des procès-verbaux et de leurs annexes, les sociétés Unibéton et RMC font valoir que l'enquête a débuté par une dénonciation de M. X..., ancien salarié de la société Unimix-devenue par la suite Unibéton-qui s'est présenté spontanément aux services de la DGCCRF, le 5 juillet 1993, pour y effectuer une déclaration et remettre aux enquêteurs 44 documents, et que le 16 août 1993, les enquêteurs ont restitué à M. X...17 feuillets...

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