Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 14 janvier 2010, 08-16.022, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Bargue
Case OutcomeRejet
CounselSCP Bouzidi et Bouhanna,SCP Thomas-Raquin et Bénabent
Appeal Number11000037
Docket Number08-16022
Date14 janvier 2010
CourtPremière Chambre Civile (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin 2010, I, n° 9

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu que la société Hôtel Franklin Roosevelt qui exploite, à Paris, un hôtel de même nom, a installé dans les chambres de son établissement des postes de télévision permettant la diffusion à ses clients de programmes audiovisuels de télédiffusion contenant des oeuvres musicales relevant du répertoire de la SACEM ; que prétendant que cette diffusion constituait, au sens de l'article L. 122-2 du code de la propriété intellectuelle, une nouvelle communication de ses oeuvres au public, soumise à autorisation, la SACEM a réclamé paiement des redevances dues à ce titre ; que devant le refus opposé par l'hôtelier, elle l'a assigné en paiement des redevances éludées et de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Hôtel Franklin Roosevelt fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 7 mars 2008) de l'avoir condamnée au paiement desdites redevances alors, d'une part, que la simple fourniture d'installations destinées à permettre ou à réaliser une communication n'est pas en soi un acte de communication, et alors, d'autre part, que chacun de ses clients pris individuellement ne saurait constituer un public ;

Mais attendu que la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE, 7 décembre 2006, Sociedad General de Autores y Editores de España (SGAE) contre Rafael Hoteles SA, Aff. C 306/05) a dit pour droit : 1) que si la simple fourniture d'installations physiques ne constitue pas, en tant que telle, une communication au sens de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, la distribution d'un signal au moyen d'appareils de télévision par un établissement hôtelier aux clients installés dans les chambres de cet établissement, quelle que soit la technique de transmission du signal utilisée, constitue un acte de communication au public au sens de l'article 3, paragraphe 1, de cette directive, 2) que le caractère privé des chambres d'un établissement hôtelier ne s'oppose pas à ce que la communication d'une œuvre y opérée au moyen d'appareils de télévision constitue un acte de communication au public au sens de l'article 3, paragraphe 1, de ladite directive" ; qu'ayant exactement retenu que les clients de l'hôtel, bien qu'occupant les chambres individuelles à titre privé, constituaient un public, au sens de l'article 122-2 du code de la propriété intellectuelle tel qu'interprété à la lumière de la directive de 2001/29/CE et de l'arrêt précités, la cour d'appel a jugé à bon droit, en vertu de ces mêmes textes, que l'hôtelier qui mettait à disposition de ses clients, hébergés dans les chambres de son établissement, un poste de télévision au moyen duquel était distribué le signal permettant la réception, par ces clients, des programmes de télédiffusion, se livrait à un acte de communication au public soumis à autorisation des auteurs et partant, au paiement de la redevance y afférente ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, tel qu'il figure dans le mémoire en demande :

Attendu qu'après avoir exactement retenu que la redevance perçue par les services fiscaux était indépendante de celles dues à la SACEM en contrepartie de l'autorisation donnée par celle-ci pour la communication des oeuvres de son répertoire, la cour d'appel a relevé que le contrat conclu avec la SACEM par la société TPS ne conférait pas à celle-ci le droit de relayer ou de communiquer au public, par quelque moyen que ce soit, les services qu'elle était autorisée à diffuser et en a justement déduit que ne pouvant transmettre des droits qu'elle n'avait pas, la société TPS n'avait pu délivrer à l'hôtelier l'autorisation requise ; qu'ayant ainsi fait ressortir que les redevances réclamées par la SACEM au titre de la diffusion des programmes de télévision dans les chambre de l'établissement n'étaient couvertes ni par celles versées aux services fiscaux ni par celles versées à la société TPS pour la diffusion directe de ses programmes, de sorte qu'elles étaient dues, la cour d'appel, qui n'avait pas à suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni à répondre à des moyens que ses constatations rendaient inutiles a, sans procéder par voie de simple affirmation, légalement justifié sa décision ;

Sur le troisième moyen, pris en ses trois dernières branches, tel qu'il figure dans le mémoire en demande :

Attendu que le respect des droits d'auteur ne constitue une entrave ni à la liberté de réception des programmes ni à la liberté d'information ; que la cour d'appel a retenu à bon droit que les redevances réclamées par les titulaires de droits d'auteur, dont elle relevait par ailleurs qu'il n'était pas démontré qu'elles aient été abusives ou disproportionnées, n'empêchaient pas l'accès à l'information ; que le moyen pris en ces trois branches n'est pas fondé ;

Et attendu que la première branche du troisième moyen et les trois branches du quatrième moyen ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CE MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Hôtel Franklin Roosevelt et MM. Philippe et Benjamin X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Hôtel Franklin Roosevelt et MM. Philippe et Benjamin X..., les condamne, ensemble, à payer à la SACEM la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux conseils pour la société Hôtel Franklin Roosevelt et MM. Philippe et Benjamin X...,

PREMIER MOYEN DE CASSATION

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT INFIRMATIF ATTAQUÉ D'AVOIR condamné la société exposante à payer à la SACEM la somme de 1 712,53 euros TTC pour la période du 1er janvier 2001 au 30 juin 2005 au titre des redevances de droits d'auteur éludés avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt ;

AUX MOTIFS QUE l'article L 122-2 du Code de la propriété intellectuelle résultant de la loi de 1985 dispose que «la représentation consiste dans la communication de l'oeuvre au public par un procédé quelconque, et notamment : 1°) par récitation publique, exécution lyrique, représentation dramatique, présentation publique, projection publique et transmission dans un lieu public de l'oeuvre télédiffusée, 2°) par télédiffusion. La télédiffusion s'entend de la diffusion par tout procédé de communication de sons, d'images, de documents et de messages de toute nature. Est assimilé à une représentation l'émission d'une oeuvre via un satellite» ; qu'il est ainsi énoncé au premier alinéa, en termes généraux, la notion d'acte de représentation comme une communication au public par un procédé quelconque, ce qui ne lie nullement la représentation à un lieu public mais seulement à un public, les cas cités dans les 1°) et 2°) et l'étant à titre d'exemple ; que l'article 3 de la directive 2001/29 CE précise également que les « Etats membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d'autoriser ou d'interdire toute communication au public de leurs oeuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à disposition du public de leurs oeuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l'endroit et au moment qu'il choisit individuellement » ; que ces textes ne donnent pas de précision sur ce qu'est le public ; que néanmoins, le public, dans un sens juridique (tel qu'il résulte du vocabulaire Cornu), et non pas dans son sens commun avancé par les intimés (nombre plus au moins considérable de personnes réunies pour assister à un spectacle, à une cérémonie, à une réunion, selon Littré) se définit comme « un ensemble indéfini de personnes qui peuvent être touchées par un moyen de diffusion » sans nécessité de réunion (ce qui s'oppose à la notion de cercle familial qui se limite au clan familial, exception visée par l'article L 122-5-1 du CPI) ; que tel est le cas de la clientèle d'un hôtel, à qui l'hôtelier transmet, par un signal, à l'ensemble des personnes s'adressant à lui pour un hébergement les programmes de télévision, c'est à dire à des personnes autres que celles à laquelle l'oeuvre était initialement destinée ; que...

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