Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 septembre 2016, 14-26.256, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Frouin
ECLIECLI:FR:CCASS:2016:SO01507
Case OutcomeCassation partielle
Date08 septembre 2016
Docket Number14-26256
CitationSur un autre cas d'accord collectif assurant la protection du droit à la santé et au repos pour les cadres soumis à la convention de forfait en jours, à rapprocher :Soc., 17 décembre 2014, pourvoi n° 13-22.890, Bull. 2014, V, n° 301 (2) (cassation partielle), et l'arrêt cité
CounselSCP Célice,Blancpain,Soltner et Texidor,SCP Lyon-Caen et Thiriez
Appeal Number51601507
Subject MatterSTATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Accords collectifs - Accords particuliers - Métallurgie - Accord d'entreprise du 21 février 2000 sur la réduction du temps de travail - Avenant du 10 novembre 2008 - Convention de forfait en jours sur l'année - Objectif de protection de la santé et de la sécurité du salarié - Respect - Détermination - Portée
CourtChambre Sociale (Cour de Cassation de France)

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé en 2010 par la société SGD, d'abord en contrat à durée déterminée puis, à compter du 1er juillet 2011, en contrat à durée indéterminée, en qualité de directeur du plan stratégique et des analyses ; qu'il a été licencié le 30 octobre 2012 pour motif économique ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes, notamment au titre d'un rappel d'heures supplémentaires ;

Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens du pourvoi principal de l'employeur et sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur :

Vu l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, les articles 3121-39 à L. 3121-45 du code du travail, interprétés à la lumière de l'article 17, §§ 1 et 4, de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ensemble l'accord collectif sur la réduction du temps de travail du 21 février 2000 pris en son avenant du 10 novembre 2008 ;

Attendu, d'abord, que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles ;

Attendu, ensuite, qu'il résulte des articles susvisés des directives de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur ;

Attendu, encore, que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ;

Attendu, enfin, que l'avenant du 10 novembre 2008 à l‘accord collectif sur la réduction du temps de travail du 21 février 2000 prévoit en son article 2 que « les conditions de contrôle et de suivi de l'organisation du travail, de l'amplitude des journées d'activité et de charge de travail des cadres au forfait jours sont décrites dans l'annexe jointe », laquelle recense un ensemble de thèmes, parmi lesquels les principes du droit aux repos hebdomadaire et journalier minimum, les moyens de contrôle et leur fréquence, hebdomadaire ou mensuelle, ainsi que « le suivi et le contrôle de la charge de travail » dont il est précisé qu'ils sont destinés à « permettre à chaque cadre d'alerter sa hiérarchie en cas de difficulté » au moyen d'une « zone de commentaire spécifique sur le relevé déclaratif » avec « possibilité de demande d'entretien auprès de la hiérarchie » et selon une « périodicité mensuelle » ;

Attendu que pour dire que la convention de forfait est nulle et de nul effet, l'arrêt retient que pour assurer le suivi du temps de travail et de présence, l'accord d'entreprise prévoit un relevé déclaratif mensuel co-signé par le salarié et son N+1 et validé par le service RH, que ledit relevé déclaratif figurant dans l'annexe comporte seulement l'indication de la présence du salarié cadre matérialisée par une croix dans un tableau calendaire et en cas d'absence les initiales correspondant au motif de celle-ci, mais qui porte donc seulement sur le nombre de jours travaillés ou non chaque mois mais qu'il n'existe pas de dispositif permettant de contrôler effectivement la durée maximale de travail en l'absence de toute mention dans l'accord collectif de l'obligation de déclarer la durée de travail tant quotidienne qu'hebdomadaire, que si l'annexe prévoit que le contrôle du repos journalier de 11 heures minimum s'effectue par l'indication du non-respect de cette durée de temps de repos sur le relevé déclaratif, ce dispositif ne prévoit donc rien pour le contrôle effectif de l'amplitude de travail, que le relevé déclaratif mensuel comporte une zone de commentaires, mais qu'aucune disposition conventionnelle ne prévoit que ces commentaires peuvent aussi porter sur la durée du temps de travail, qu'en effet l'annexe prévoit seulement que cette zone de commentaire spécifique sert au cadre pour alerter sa hiérarchie en cas de difficulté s'agissant du suivi et du contrôle de la charge de travail, ce dont elle déduit que ce dispositif conventionnel n'est pas de nature à garantir à tout le moins que l'amplitude de travail reste raisonnable et assure une bonne répartition dans le temps de travail de l'intéressé et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié ;

Qu'en statuant ainsi, alors que répond aux exigences relatives au droit à la santé et au repos, l'avenant du 10 novembre 2008 dont les dispositions assurent la garantie du respect des repos, journalier et hebdomadaire, ainsi que des durées maximales raisonnables de travail en organisant le suivi et le contrôle de la charge de travail selon une périodicité mensuelle par le biais d'un relevé déclaratif signé par le supérieur hiérarchique et validé par le service de ressources humaines, assorti d'un dispositif d'alerte de la hiérarchie en cas de difficulté, avec possibilité de demande d'entretien auprès du service de ressources humaines, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il juge nulle et de nul effet la convention de forfait jours conclue en application des accords collectifs et condamne la société SGD à verser à M. X..., avec intérêts de droit, les sommes de 44 456,11 euros de rappel d'heures supplémentaires au cours de la période 2010 à 2012, 4 445,61 euros de congés payés afférents, 12 048,59 euros de dommages-intérêts au titre du repos compensateur, l'arrêt rendu le 16 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit septembre deux mille seize.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société SGD.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ailleurs jugé nulle et de nul effet la convention de forfait jours conclue en application des accords collectifs et d'AVOIR condamné la société SGD à verser à Monsieur X... les sommes de 44.456,11 € à titre de rappel d'heures supplémentaires au cours de la période 2010 à 2012, outre 4.445,61 € à titre de congés payés afférents, et 12.048,59 € de dommages et intérêts au titre du repos compensateur ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le forfait jours, Monsieur X..., citant les dispositions constitutionnelles et les principes généraux de l'Union Européenne relatifs à la protection de la sécurité et de la santé ainsi qu'au repos des travailleurs, demande de juger nulle la convention de forfait jours conclue en application des accords collectifs d'entreprise. Il soutient en effet que les dispositions conventionnelles ne comportent pas de mesures de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restaient raisonnables. De son côté la société SGD répond que l'accord d'entreprise fixe valablement les conditions de contrôle et de suivi de l'organisation du travail, de l'amplitude des journées de travail et de la...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT