Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 3 juillet 2012, 11-13.795, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Lacabarats
Case OutcomeRejet
CounselSCP Coutard et Munier-Apaire,SCP Célice,Blancpain et Soltner
Docket Number11-13795
Appeal Number51201642
CitationSur la cessation des fonctions de pilote de ligne à 60 ans (comme mesure non-nécessaire à la réalisation des objectifs de sécurité aérienne et de politique de l'emploi), à rapprocher : Soc., 11 mai 2010, pourvoi n° 08-45.307, Bull. 2010, V, n° 105 (cassation partielle)
Date03 juillet 2012
Subject MatterCONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Discrimination entre salariés - Discrimination fondée sur l'âge - Justification - Objectif légitime - Caractérisation - Nécessité - Portée TRANSPORTS AERIENS - Personnel - Personnel navigant professionnel - Pilote atteint par la limite d'âge légal - Cessation obligatoire des fonctions - Compatibilité avec les dispositions des articles 2 § 5 et 6 § 1 de la Directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 - Appréciation - Portée
CourtChambre Sociale (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin 2012, V, n° 205

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 18 janvier 2011), que M. X... a été engagé en 1996 par la société Brit Air en qualité de pilote de ligne ; qu'après l'avoir informé qu'il ne serait plus légalement autorisé à voler au-delà du 3 juillet 2007, date de son soixantième anniversaire, et que des recherches de reclassement au sol allaient être effectuées, l'employeur a, par lettre du 10 avril 2007, notifié la rupture du contrat de travail de l'intéressé par application de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile fixant alors la limite d'âge des pilotes à soixante ans ;

Attendu que la société Brit Air fait grief à l'arrêt de dire nulle la rupture du contrat de travail du salarié et de la condamner à payer à ce dernier une somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que l'article 2.5 de la Directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 dispose que "la présente directive ne porte pas atteinte aux mesures prévues par la législation nationale qui, dans une société démocratique, sont nécessaires à la sécurité publique, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé et à la protection des droits et libertés d'autrui" ; que l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile français prévoyait à l'époque des faits que "Le personnel navigant de l'aéronautique de la section A du registre prévu à l'article L. 421-3 ne peut exercer aucune activité en qualité de pilote ou de copilote dans le transport aérien public au-delà de l'âge de soixante ans" ; qu'ayant constaté que "la limite d'âge imposée par la compagnie Brit Air à ses pilotes était justifiée par (un) objectif de sécurité", conformément aux dispositions susvisées de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile, viole les dispositions l'article 2.5 de la Directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 l'arrêt attaqué qui retient que la limite d'âge des pilotes n'était pas une condition nécessaire de la sécurité des vols ;

2°/ que l'article 6.1 de la Directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 dispose que, nonobstant l'article 2, paragraphe 2, les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ; qu'à la date des faits, l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile disposait que : "Le personnel navigant de l'aéronautique de la section A du registre prévu à l'article L. 421-3 ne peut exercer aucune activité en qualité de pilote ou de copilote dans le transport aérien public au-delà de l'âge de soixante ans", en précisant que "le contrat de travail du navigant n'est pas rompu du seul fait que cette limite d'âge est atteinte sauf impossibilité pour l'entreprise de proposer un reclassement dans un emploi au sol ou refus de l'intéressé d'accepter l'emploi qui lui est offert" ; que, en application de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile, le contrat de travail de M. X... n'avait pas été rompu du seul fait que celui-ci ne pouvait plus voler après 60 ans, mais, selon la lettre de rupture du 10 avril 2007, du fait de "l'absence de toute possibilité de reclassement au sol" après la survenance de cet événement ; qu'en cet état, prive sa décision de base légale au regard de l'article 6.1 de la Directive n° 2000/78/CE la cour d'appel qui s'est abstenue de rechercher, comme elle aurait dû le faire, si la cessation de l'exercice de ses fonctions par le pilote à l'âge de 60 ans avec maintien de son contrat de travail sauf impossibilité de reclassement ou refus de l'intéressé, était ou non nécessaire à la poursuite de l'objectif de sécurité ;

3°/ que lorsque le code de l'aviation civile autorise la conduite d'un avion par un seul pilote commandant de bord, il appartient à l'employeur de décider éventuellement, dans le cadre de son pouvoir de direction et d'organisation de l'entreprise, s'il y a lieu d'adjoindre un copilote au pilote commandant de bord ; que méconnaît le principe de la liberté d'entreprendre et viole l'article L. 1221-1 du code du travail, l'arrêt attaqué qui considère que la limite d'âge des pilotes n'est pas une condition nécessaire de la sécurité des vols dès l'instant où cette exigence peut être satisfaite par la présence additionnelle de copilotes plus jeunes ;

4°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que les rapports remis au Sénat et à l'Assemblée nationale préalablement au vote de la loi du 4 février 1995 prévoyant la limite d'âge à 60 ans pour les pilotes précisaient qu'il s'agissait d'une mesure de nature à favoriser l'emploi du fait que les postes libérés devaient permettre de créer 130 emplois équivalents plein temps, alors qu'il existait sur le marché environ 1 200 pilotes sans emploi (rapport n° 1764 à l'Assemblée nationale : "alors qu'environ 1 200 pilotes sont actuellement sans emploi" ; rapport n° 57 au Sénat : "alors qu'il existe sur le marché environ 1 200 pilotes sans emploi") ; que dénature les termes clairs et précis de ces rapports, en violation du principe susvisé et de l'article 1134 du code civil, l'arrêt attaqué qui, pour considérer que la limite d'âge à 60 ans n'aurait eu qu'une faible portée sur l'emploi, retient qu'"il résulte clairement des débats parlementaires, que la population de pilotes était en 1994 d'environ 6 000, que plus de 12 000 jeunes déjà formés étaient sans emploi, que la mesure préconisée permettrait l'embauche de 130 à 150 pilotes seulement...

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