Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 4 mai 2010, 09-14.187, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Tric (conseiller doyen faisant fonction de président)
Case OutcomeRejet
CounselSCP Célice,Blancpain et Soltner,SCP Vincent et Ohl
Date04 mai 2010
Docket Number09-14187
CitationSur l'obligation de restitution du dépositaire d'un fonds commun de placement, dans le même sens que :Com., 4 mai 2010, pourvoi n° 09-14.975, Bull. 2010, IV, n° 82 (rejet)
Appeal Number41000500
Subject MatterBOURSE - Valeurs mobilières - Fonds commun de placement - Dépositaire - Obligation de restitution - Décharge - Nantissement sur ses actifs ou délégation de conservation (non)
CourtChambre Commerciale, Financière et Économique (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin 2010, IV, n° 83

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 avril 2009), que le fonds commun de placement Day Trade Leverage (le fonds), qui entre dans la catégorie des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) alternatifs à règles d'investissement allégées à effet de levier, a été constitué par la société Day Trade Asset Management (la société DTAM), gestionnaire du fonds, et la Société générale, dépositaire des actifs du fonds ; que le 20 février 2007, la société DTAM a conclu avec la société de droit anglais Lehman Brothers International Europe (la société LBIE) un contrat dit de "prime brokerage" stipulant notamment que cette dernière fournirait au fonds des financements et qu'en vue de garantir les obligations en résultant, les actifs du fonds seraient nantis au profit de la société LBIE ; que le même jour, la société DTAM, la société LBIE et la Société générale ont conclu une convention tripartite par laquelle la Société générale désignait la société LBIE, "prime broker", en qualité de "sous-dépositaire" des actifs du fonds ; que la société LBIE ayant été, le 15 septembre 2008, placée sous administration judiciaire, la société DTAM a entrepris auprès de la Société générale des démarches, dont elle a informé l'Autorité des marchés financiers (l'AMF), en vue d'obtenir la restitution des actifs du fonds ; que par décision du 13 novembre 2008, l'AMF a ordonné à la Société générale de restituer les instruments financiers dont la conservation avait été confiée à la société LBIE ;


Sur le premier moyen :

Attendu que la Société générale fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours contre cette décision, alors, selon le moyen :

1°/ que les obligations de conservation et de restitution qui pèsent sur le dépositaire des actifs d'un fonds commun de placement ne peuvent porter que sur des instruments financiers ou des espèces dont ce fonds a conservé la libre disposition ; que le dépositaire n'assume, dès lors, aucune obligation de restituer au fonds les actifs qui, en vertu d'actes de disposition volontaires consentis du chef de la société de gestion du fonds, ont été licitement remis à un tiers et nantis à son profit ; qu'en l'espèce, la Société générale faisait valoir que la société DTAM, gérante du fonds avait conclu avec la société LBIE, "prime broker", un contrat en vertu duquel il avait été convenu que le prime broker consentirait au fonds des prêts et avances pour financer ses investissements et que l'intégralité des actifs en titres ou en espèces du fonds seraient, "à titre de sûreté permanente", nantie au bénéfice du prime broker, le créancier gagiste se voyant, au surplus, reconnaître un droit de s'opposer à tout acte de disposition des actifs nantis ainsi qu'un droit de disposer de ces actifs pour son propre compte ; que, pour approuver l'injonction faite par l'AMF à la Société générale, ès qualités de dépositaire des actifs du fonds, de restituer à ce fonds les instruments financiers inscrits dans les livres de la société LBIE, l'arrêt attaqué retient que le dépositaire, qui a reçu pour mission d'assurer la conservation des actifs de l'OPCVM dont il a la garde, est "en toutes circonstances" tenu d'une obligation de restitution immédiate de ces actifs "même s'il en a confié la sous-conservation à un tiers" ; qu'en se prononçant ainsi, sans procéder au moindre examen, des conventions conclues entre les sociétés DTAM, LBIE et Société générale, d'où il ressortait que la mainmise exercée par la société LBIE sur les actifs du fonds ne procédait pas d'une mission de "sous-conservation" que la Société générale lui aurait confiée pour sa propre convenance en application de l'article L. 214-26 du code monétaire et financier, mais de l'engagement contractuel régulièrement souscrit par la société de gestion du fonds de se dessaisir des actifs du fonds et de les nantir au profit d'un prime broker, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé, ensemble des articles 322-4 et 323-3 du règlement général de l'AMF ;

2°/ que lorsqu'un nantissement portant sur des instruments financiers et des espèces est constitué moyennant la mise en possession du créancier, conformément à la directive européenne n° 2002/47/CE relative aux contrats de garantie financière, l'obligation de restituer les actifs nantis au constituant ne peut plus incomber qu'au seul créancier gagiste ; qu'en l'espèce, la Société générale faisait valoir qu'en vertu d'un contrat de prime brokerage, il avait été convenu entre la société DTAM et la société LBIE que tous les actifs en titres ou en espèces appartenant au fonds seraient inscrits dans les livres de la société LBIE et nantis au bénéfice de cette société, le créancier gagiste se voyant reconnaître non seulement un droit de s'opposer à tout acte de disposition passé à l'initiative du fonds, mais encore un droit de disposer pour son propre compte des actifs nantis ; qu'en approuvant l'injonction faite par l'AMF à la Société générale de restituer au fonds les instruments financiers inscrits dans les livres de la société LBIE, sans avoir égard pour la circonstance que ces actifs avaient été intégralement mis en gage au profit de cette dernière, par application d'une convention régulièrement versée aux débats dont la Société générale pouvait se prévaloir à titre de fait juridique, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des textes visés à la première branche, ensemble des articles L. 214-26 et L. 431-7-3 du code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2009-15 du 8 janvier 2009, ensemble des articles 323-1 et suivants du règlement général de l'AMF ;

3°/ qu'aux termes de l'article 322-4, 3°, du règlement général de l'AMF applicable, selon l'article 323-2, au dépositaire d'un OPCVM, celui-ci n'est tenu d'une obligation de restitution qu'à l'égard des instruments financiers "inscrits en compte, dans ses livres" ; que tel ne peut être le cas des actifs sur lesquels la société de gestion du fonds commun de placement a librement consenti, au profit d'un tiers teneur de compte, un gage avec dépossession, ces actifs étant alors détenus par le gagiste dans les livres duquel ils sont inscrits, et qui en assume seul la conservation et la garde ; qu'en faisant injonction à la Société générale de restituer les actifs du fonds, sans avoir égard pour la circonstance que ces actifs avaient été intégralement nantis au profit de la société LBIE, en application de la convention qu'elle avait conclue avec le fonds, laquelle convention prévoyait que des comptes titres et espèces seraient ouverts dans ses livres pour recevoir les actifs du fonds nantis à son profit, en sorte que la restitution de ces actifs, qui n'étaient plus inscrits dans les livres de la Société générale, ne pouvait pour cette raison encore être mise à la charge de celle-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

4°/ que le constituant d'un nantissement n'est fondé à obtenir la restitution des biens mis en gage qu'à la condition de justifier d'une cause d'extinction du gage ou de l'accord du créancier gagiste, ce que rappelait expressément l'article 10.4 de la convention de prime brokerage conclue entre les sociétés DTAM et LBIE ; qu'en approuvant l'injonction faite par l'AMF à la Société générale de restituer immédiatement au fonds les instruments financiers inscrits dans les livres de la société LBIE, sans répondre aux conclusions par lesquelles la Société générale faisait valoir que la restitution de ces instruments financiers - quel qu'en soit le débiteur - ne pouvait, en toute hypothèse, être immédiate et se trouvait nécessairement subordonnée à la mainlevée du nantissement constitué en faveur de la société LBIE, suivant les règles et procédures inhérentes à la procédure de faillite ouverte à son encontre, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que l'article R. 214-12-I du code monétaire et financier prévoit expressément la faculté pour un OPCVM d'octroyer un nantissement sur ses actifs, que le bénéficiaire peut utiliser ou aliéner dans la limite de 100 % de sa créance, limite portée à 140 % pour les OPCVM mentionnés à l'article R. 214-32 ; que la constitution d'une telle sûreté fait nécessairement obstacle à toute demande tendant à la restitution des actifs ainsi nantis, tant que le gage continue de produire ses effets ; qu'en niant tout effet, au cas d'espèce, à un mécanisme de garantie qui n'était que la transposition de celui prévu par la loi et qui, comme tel, s'imposait au premier chef à l'AMF, laquelle ne pouvait avoir plus de droit que la société de gestion au nom de laquelle elle déclarait agir, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble les articles L. 214-26 du code monétaire et financier et 322-4 et 323-3 du règlement général de l'AMF ;

6°/ que le caractère d'ordre public des dispositions des articles L. 214-26 du code monétaire et financier, 323-2 et 322-4 du règlement général de l'AMF ne restreint pas la capacité juridique de la société de gestion d'un fonds commun de placement de nantir tout ou partie de ses actifs en faveur d'un tiers, peu important que la dépossession du constituant consécutive à une telle sûreté ait pour conséquence nécessaire de réduire l'assiette de...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT