Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 10 juillet 2018, 16-23.694, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Mouillard (président)
ECLIECLI:FR:CCASS:2018:CO00695
Case OutcomeCassation partielle
CounselSCP Boutet et Hourdeaux,SCP Bernard Hémery,Carole Thomas-Raquin,Martin Le Guerer
Subject MatterNOM - Nom patronymique - Possibilité de consentir une interdiction ou une limitation de son usage par le mandant - Mandataire - Conditions - Mandat spécial - Nécessité
Appeal Number41800695
Docket Number16-23694
CourtChambre Commerciale, Financière et Économique (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielCom., 10 juillet 2018, pourvoi n° 16-23.694, Bull. 2018, IV, n° 87 (cassation partielle).
Date10 juillet 2018
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Statuant tant sur le pourvoi principal formé par Mme X... que sur le pourvoi incident provoqué relevé par la société X... compagnie commerciale et viticole champenoise ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société holding D... X..., devenue GT Louvre (la société D... X... ), a, en 2002, apporté l'activité champagne à une filiale, la SAS X... compagnie commerciale et viticole champenoise ; que celle-ci était titulaire de la marque dénominative française "X..." n° 1 426 350, déposée par la SA X... le 16 janvier 1968 et régulièrement renouvelée, pour désigner des produits en classes 32 et 33, en particulier les "vins de provenance française à savoir Champagne" ; que la cession de la société Groupe X... ayant été décidée, Mme B... X... (Mme X...), actionnaire de cette société, a, le 19 juillet 2005, donné mandat à son père, M. X..., de la représenter dans la cession de ses parts sociales, avec faculté de substitution, dont celui-ci a usé au profit de Mme F... X... et M. A... ; que l'acte de cession de titres signé le 21 juillet 2005 réglementait, en son article 10-4, les conditions de coexistence des droits respectifs de la famille X..., de l'acquéreur, de la société D... X..., ainsi que de ses filiales, sur le nom de famille "X..." ; qu'à cet égard, l'article 10-4-2 stipulait que "La Famille X... s'engage irrévocablement au profit de l'Acheteur, de la société Groupe.. X... ainsi que de ses Filiales à ne pas, dans quelque partie du monde que ce soit, directement ou indirectement, faire quelque usage du nom "X...", que ce soit à titre de marque de commerce ou de service, de nom commercial, de nom de domaine ou autre, pour désigner et/ou promouvoir tout produit ou service en concurrence avec tout ou partie de l'Activité et/ou avec tout ou partie des produits ou services dérivant des opérations de l'Activité" ; que la E... X... compagnie commerciale et viticole champenoise a été revendue en 2006 à une société, créée à cet effet avec la même dénomination (la société X...) ; que Mme X..., qui avait, entre le 1er février 1986 et la date de son licenciement intervenu le 21 décembre 2006, effectué sa carrière au sein de la société D... X... puis de la société X... compagnie commerciale et viticole champenoise, a, le 14 février 2008, déposé la marque verbale française "B... X...", enregistrée sous le n° [...], pour désigner les produits des classes 21, 29, 30, 32, 33, dont le champagne ; que pour permettre la distribution du champagne commercialisé sous cette marque, elle a créé la société BM & VT, immatriculée le 24 juin 2008 ; qu'elle a, en outre, réservé, le 4 mai 2007, le nom de domaine "www...", qui héberge le site internet de la société BM & VT, ainsi qu'assurant une redirection vers ce dernier, les noms de domaine "www... com", le 3 mai 2007, "www...", le 26 mai 2008, "www...", le 4 mai 2007, "www...", le 26 mai 2008, "www...", le 13 mai 2008 et "www...", le 19 mai 2008 ; qu'invoquant l'utilisation commerciale du nom "X..." pour la vente et la promotion du champagne "B... T" et la mise en oeuvre d'une communication systématiquement axée sur le nom de famille "X..." et sur l'image de la marque "X...", la société X..., après mises en demeure restées vaines, a assigné Mme X... et la société BM & VT, sur le fondement des articles L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle et 1134, 1145 et 1382 du code civil, dans leur rédaction alors applicable, pour violation des stipulations de l'article 10-4-2 de la convention de cession de titres du 21 juillet 2005, atteinte à la marque renommée "X..." n° 1 426 350, concurrence déloyale et parasitisme ; que la société BM & VT ayant été mise en liquidation judiciaire, la société X... a appelé en intervention forcée son mandataire liquidateur, la Selafa MJA, prise en la personne de Mme C... ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de la société X... au titre de sa responsabilité contractuelle et de se prononcer sur les demandes de cette société alors, selon le moyen, que constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen du fond du droit, la prétention de l'adversaire ; que l'argumentation tirée de la règle de la relativité des contrats opposée par Mme X... en réponse à une prétention fondée sur l'application d'une stipulation contractuelle, appuyée sur l'analyse de la portée des obligations, constitue une défense au fond et non une prétention, de sorte qu'en décidant qu'elle n'avait pas à se prononcer sur "l'argument de l'intimée selon lequel l'appelante qui n'est ni l'acheteur, ni le D... X..., ni une filiale du D... X..., existant au moment où la convention de cession de parts sociales a été signée, ne pouvait se prévaloir de "droits ou de recours de quelque nature que ce soit en vertu ou en raison de ce contrat" pour cette raison qu'elle n'était pas reprise dans le dispositif de ses conclusions quand il ne s'agissait que d'un moyen de défense, la cour d'appel a violé les articles 71, 122 et 954, alinéa 2, du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que, dans ses écritures, Mme X... faisait valoir que la société X..., qui n'était ni l'acheteur, ni le Groupe X..., ni une filiale du Groupe X..., existant au moment où la convention de cession de parts sociales avait été signée, ne pouvait se prévaloir de "droits ou de recours de quelque nature que ce soit en vertu ou en raison de ce contrat" et, à ce titre, ne pouvait introduire la présente action, la cour d'appel a pu en déduire que ces développements s'analysaient en une fin de non-recevoir dont, faute pour celle-ci d'avoir été reprise dans le dispositif desdites conclusions, elle n'était pas saisie ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal :

Vu les articles 1987, 1988 et 1989 du code civil ;

Attendu que le mandat conçu en termes généraux n'embrasse que les actes d'administration et, s'il s'agit d'aliéner ou hypothéquer, ou de quelque autre acte de propriété, le mandat doit être exprès ; que le mandataire ne peut rien faire au-delà de ce qui est porté dans son mandat ;

Attendu que pour condamner Mme X... pour avoir enfreint l'article 10-4-2 de la convention de cession de titres du 21 juillet 2005 en employant, à des fins commerciales, le nom "X..." pour la vente et la promotion du champagne "B... X...", sous la forme des noms de domaine litigieux, l'arrêt retient que le dernier paragraphe de cet article est une clause de garantie d'éviction du fait personnel du vendeur, qu'il résulte des termes mêmes du mandat que Mme X... a donné expressément pouvoir à son père, avec faculté de substitution, de procéder à la cession de ses titres, en son nom et pour son compte, ainsi que de souscrire à tout engagement ou garantie et signer tout acte en son nom pour réaliser cette cession, et que, s'agissant du sous-mandat, Mme Anne-Claire X... et M. A... avaient, ensemble ou séparément, pouvoir de signer tout acte ou convention, et plus généralement de faire le nécessaire en vue de la cession des titres ou consécutivement à celle-ci ; qu'il en déduit que l'article 10-4-2 de la convention de cession est opposable à Mme X... ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le mandat de vente, qui autorisait, en termes généraux, le mandataire à souscrire à tout engagement ou garantie n'emportait pas le pouvoir, pour celui-ci, de consentir une interdiction ou une limitation de l'usage, par son mandant, de son nom de famille, constitutives d'actes de disposition, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident, qui est recevable :

Vu l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle, tel qu'interprété à la lumière de l'article 5, § 2, de la directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988, devenu l'article 5, § 2, de la directive n° 2008/95/CE du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des Etats membres sur les marques ;

Attendu que, selon ce texte, la reproduction ou l'imitation d'une marque jouissant d'une renommée pour des produits ou services identiques, similaires ou non à ceux désignés dans l'enregistrement, engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière ; que le profit indûment tiré de la renommée de la marque, qui est la conséquence d'un certain degré de similitude entre les signes en présence en raison duquel, sans les confondre, le public établit un lien entre les signes, doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce ; que lorsque le titulaire de la marque renommée est parvenu à démontrer qu'il a été indûment tiré profit du caractère distinctif ou de la renommée de celle-ci, il appartient au tiers ayant fait usage d'un signe similaire à la marque renommée d'établir que l'usage d'un tel signe a un juste motif ;

Attendu que pour rejeter les demandes de la société X... au titre de l'atteinte à la marque renommée, l'arrêt, après avoir relevé que la renommée de la marque "X..." n° 1 426 350 désignant, en particulier, du vin de Champagne, n'était pas contestée et considéré que le consommateur normalement avisé était conduit à établir un lien entre les propos imputés à Mme X..., incriminés comme usages, et la marque invoquée, retient que Mme X... ne tire indûment aucun profit de la renommée de ladite marque ni ne porte préjudice à sa valeur distinctive ou à sa renommée en rappelant son origine familiale, que son nom suffit à...

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