Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 28 mars 2018, 16-28.010, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Batut (président)
ECLIECLI:FR:CCASS:2018:C100347
CitationN2 >Sur les limites au droit d'accès au dossier d'assistance éducative par les parents, à rapprocher :1re Civ., 28 novembre 2006, pourvoi n° 04-05.095, Bull. 2006, I, n° 528 (1) (rejet)
Case OutcomeCassation sans renvoi
Publication au Gazette officielBull. 2018, I, n° 60
Appeal Number11800347
Docket Number16-28010
Date28 mars 2018
CounselSCP Potier de La Varde,Buk-Lament et Robillot,SCP Waquet,Farge et Hazan
CourtPremière Chambre Civile (Cour de Cassation de France)
Subject MatterMINEUR - Assistance éducative - Procédure - Débats - Avis du ministère public - Communication aux parties - Cas - Avis oral à l'audience - Comparution personnelle des parents PROCEDURE CIVILE - Droits de la défense - Principe de la contradiction - Application - Possibilité de répondre lors des débats aux conclusions orales du ministère public - Portée CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6, § 1 - Equité - Egalité des armes - Violation - Défaut - Cas - Assistance éducative - Avis oral du ministère public à l'audience - Comparution personnelle des parents
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Deborah et D... X... sont nées respectivement le [...] et le [...] de Mme C... et M. X..., son époux ; que le juge des enfants a ordonné leur placement provisoire à l'aide sociale à l'enfance le 30 juillet 2013 ; qu'un jugement du 17 septembre 2014 a renouvelé ce placement, accordé un droit de visite médiatisé à M. X... et réservé le droit de visite de Mme C... ;

Sur le premier moyen des pourvois principal et incident réunis, pris en sa première branche :

Attendu que Mme C... et M. X... font grief à l'arrêt de confirmer le renouvellement du placement des enfants et les différentes mesures limitant leurs droits, alors, selon le moyen, qu'en vertu de l'article 1187 du code de procédure civile, le ministère public, intervenant en qualité de partie jointe, qui fait connaître son avis par voie de réquisitions écrites, est tenu de mettre ses conclusions à la disposition des parties au plus tard le jour de l'audience ; que cette exigence est applicable devant la cour d'appel statuant en matière d'assistance éducative ; qu'en rendant son arrêt au visa des conclusions du ministère public, intervenant en qualité de partie jointe, sans indiquer si le ministère public a conclu par écrit ou par oral, ni constater que Mme C... et M. X... auraient eu communication des conclusions, ni qu'ils auraient eu la possibilité d'y répondre, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 16, 431, 1187 et 1193 du code de procédure civile et les droits de la défense ;

Mais attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que le ministère public, partie jointe, représenté à l'audience, a conclu à la confirmation de la décision déférée, de sorte que Mme C... et M. X..., présents en personne lors de ces débats, ont été en mesure de présenter leurs observations, dans le respect du principe de la contradiction ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur la seconde branche du même moyen :

Vu les articles 16, 1182, 1187 et 1193 du code de procédure civile ;

Attendu que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue contradictoirement ; que cette exigence implique que chaque partie ait la faculté de prendre connaissance et de discuter de toute pièce présentée au juge ; qu'en matière d'assistance éducative, le dossier peut être consulté, sur leur demande et aux jours et heures fixés par le juge, par les parents de l'enfant jusqu'à la veille de l'audience ; que les convocations informent les parties de cette possibilité de consulter le dossier ;

Attendu qu'il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt ni des pièces de la procédure que Mme C... et M. X..., qui n'étaient pas assistés lors de l'audience, aient été avisés de la faculté qui leur était ouverte de consulter le dossier au greffe, de sorte qu'il n'est pas établi qu'ils aient été mis en mesure de prendre connaissance, avant l'audience, des pièces présentées à la juridiction et, par suite, de les discuter utilement ;

Qu'en procédant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire, après avis donné aux parties conformément aux dispositions de l'article 1015 du code de procédure civile, la mesure ordonnée par le juge des enfants ayant épuisé ses effets ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 décembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens, incluant ceux afférents aux instances devant les juges du fond ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme C... .

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le maintien du placement des enfants mineures et les différentes mesures limitant les droits de Mme C... ,

AUX MOTIFS QUE « le ministère public a conclu à la confirmation de la décision déférée en remarquant que madame X... était toujours dans sa vindicte et, qu'en ce qui concerne monsieur X..., ce n'était pas vraiment mieux ; madame X... a refusé d'aller voir ses enfants ; les souffrances observées chez les enfants sont dues à un vécu difficile et antérieur à la mesure de placement » ;

1°/ ALORS QU'en vertu de l'article 1187 du Code de procédure civile, le ministère public, intervenant en qualité de partie jointe, qui fait connaître son avis par voie de réquisitions écrites, est tenu de mettre ses conclusions à la disposition des parties au plus tard le jour de l'audience ; que cette exigence est applicable devant la Cour d'appel statuant en matière d'assistance éducative ; qu'en rendant son arrêt au visa des conclusions du ministère public, intervenant en qualité de partie jointe, sans indiquer si le ministère public a conclu par écrit ou par oral, ni constater que Mme C... aurait eu communication des conclusions, ni qu'elle aurait eu la possibilité d'y répondre, la Cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 16, 431, 1187 et 1193 du Code de procédure civile et les droits de la défense ;

2°/ ALORS QU'en vertu de l'article 1187 du Code de procédure civile, les parents doivent avoir accès à l'ensemble du dossier d'assistance éducative de leurs enfants ; qu'il ne résulte pas des constatations de l'arrêt attaqué que Mme C... ait eu accès à l'ensemble du dossier d'assistance éducative de ses enfants mineures ; qu'en rejetant ses demandes sollicitant la main levée du placement de ses filles et leur retour à son domicile, sans s'assurer qu'elle ait eu accès à l'entier dossier d'assistance éducative et qu'elle ait été avertie de cette possibilité, la Cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 16, 1187 et 1193 du Code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le maintien du placement des enfants mineures jusqu'au 30 septembre 2016 avec fixation des droits de Mme C... leur mère,

AUX MOTIFS QU'« il convient, au préalable, de rappeler les conditions dans lesquelles le placement initial de B... et D... est intervenu avant de s'interroger sur le maintien de ce placement ; il ressort des éléments du dossier que le couple X... a commencé à être suivi par la MDSI du Bouscat en 2010 pour des difficultés d'ordre financier ; le dossier a ensuite été transmis à madame Y..., assistante sociale, suite aux difficultés éducatives rencontrées par les parents au sujet de G..., alors âgée de 12 ans ; celle-ci fait deux tentatives de suicide les 13 et 15 avril 2012, c'est le début de son suivi au centre [...] ; à l'époque, monsieur X... est décrit comme autoritaire et madame X... comme coopérante ; après la séparation du couple en octobre 2012, madame X... se montre moins disponible ; en janvier 2013, le juge des enfants ordonne une mesure d'AEMO pour les trois enfants et missionne l'AGEP, et ordonne, par ailleurs, une expertise psychiatrique pour les deux parents, expertises qui seront effectuées par le docteur Z... le 6 mai 2013 pour madame X... et le 2 mai 2013 pour monsieur X... ; le 12 juin 2013, un examen psychologique des trois filles conclut à un double système d'aliénation parentale avec en conclusion "tout contact avec un membre de ce système résonne à l'autre bout, tout se dit, doit se savoir être enregistré et transmis pour être mieux déformé" ; on note, à cette période, de nombreux incidents entre les parents (plaintes déposées par monsieur X... contre madame X... et monsieur A... pour punitions, sévices graves et agressions sexuelles, plaintes qui seront classées) ; il est noté que lors de la séparation du couple, les enfants sont restées au domicile du père et un droit de visite de la mère s'est exercé à l'amiable jusqu'au jour où la mère a décidé, unilatéralement, de garder les enfants à son domicile, ce qui a occasionné de nombreux incidents dont les enfants ont été témoins ; en mai 2013, les mineures ont été déscolarisées et ont été coupées de leur père ; D... est alors décrite comme étant en grande souffrance du fait du conflit parental ; elle a relaté les divers incidents dont elle a été le témoin et a montré des signes d'anxiété et d'angoisse ; scolairement, elle s'est repliée sur elle- même, elle se désignait sous un autre nom que le sien ; B... a tenté de conserver une attitude de neutralité dans le conflit mais a montré qu'elle était prise dans un conflit de loyauté, faisant preuve de beaucoup d'ambivalence ; elle est considérée, cependant...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT