Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 22 janvier 2014, 13-12.675, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Charruault
ECLIECLI:FR:CCASS:2014:C100032
Case OutcomeRejet
CounselSCP Hémery et Thomas-Raquin,SCP Lesourd
Appeal Number11400032
Date22 janvier 2014
Docket Number13-12675
Subject MatterPROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - Droit d'auteur - Droits patrimoniaux - Droit de suite - Droit de suite au profit de l'auteur d'une oeuvre d'art originale - Paiement - Charge - Règle applicable - Directive 2001/84/CE du 27 septembre 2001 - Article 1 § 4 - Interprétation - Renvoi à la Cour de justice de l'Union européenne CASSATION - Arrêt - Arrêt de sursis à statuer - Renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l'Union européenne - Interprétation - Directive 2001/84/CE du 27 septembre 2001 - Article 1 § 4 - Droit de suite au profit de l'auteur d'une oeuvre d'art originale - Paiement - Charge - Règle applicable
CourtPremière Chambre Civile (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin 2014, I, n° 12 Bulletin 2015 n° 6, I, n° 133

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 décembre 2012), que soutenant que la société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques Christie's France avait, en violation de l'article L. 122-8 du code de la propriété intellectuelle, inséré dans ses conditions générales de vente une clause mettant le paiement du droit de suite à la charge de l'acquéreur, le Syndicat national des antiquaires (SNA) a engagé une action à l'encontre de cette société aux fins de voir qualifier une telle pratique d'acte de concurrence déloyale et constater la nullité de la clause litigieuse ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Christie's France fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action du SNA, alors, selon le moyen :

1°/ que l'article L. 122-8 du code de la propriété intellectuelle relatif au droit de suite, lequel fait partie intégrante du droit d'auteur et constitue une prérogative essentielle pour les artistes, relève dans son ensemble d'un ordre public de protection de ces derniers ; qu'il s'ensuit que sa violation ne peut être invoquée que par les personnes protégées, soit les créateurs titulaires du droit de suite ; qu'en retenant cependant en l'espèce, pour déclarer recevable l'action du SNA, que l'objectif de ce texte relevait de l'ordre public économique de direction, ce qui permettait ainsi à toute personne intéressée de se prévaloir de son non-respect, la cour d'appel en a violé les dispositions ;

2°/ que les actions préventives sont interdites, sauf dérogation légale expresse ; que la loi n'habilite ni les syndicats, ni les organisations professionnelles à agir préventivement en nullité d'une clause contenue dans le modèle des conditions générales de vente d'une société ; qu'en l'espèce, l'action du SNA tendant à obtenir la suppression de la clause litigieuse du modèle des conditions générales de vente de la société Christie's France, et non la nullité de ventes qui auraient été effectuées à ces conditions, présente un caractère préventif ; qu'en déclarant cependant recevable cette action préventive du SNA, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant énoncé à juste titre que l'objectif de la directive 2001/84/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001 relative au droit de suite au profit de l'auteur d'une oeuvre d'art originale, à la lumière de laquelle l'article L. 122-8 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de la loi de transposition n° 2006-961 du 1er août 2006, devait être interprété, était non seulement d'assurer la protection des auteurs, mais aussi de contribuer au bon fonctionnement du marché commun de l'art, sans entraves ni restrictions de concurrence, par l'adoption d'un régime unifié du droit de suite entre Etats membres, la cour d'appel en a exactement déduit que tout opérateur, tiers au contrat litigieux, justifiant d'un intérêt légitime, était recevable à en invoquer la violation ;

Et attendu, en second lieu, qu'ayant relevé que le SNA, qui regroupe des opérateurs dont les ventes sont soumises au droit de suite, prétendait que la clause litigieuse faussait les conditions de concurrence entre les différents professionnels du marché de l'art, elle a retenu, à bon droit, que ce syndicat avait un intérêt légitime à agir en nullité de ladite clause ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Vu l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Attendu que la société Christie's France fait grief à l'arrêt de déclarer nulle et de nul effet la clause 4-b figurant dans ses conditions générales de vente, alors, selon le moyen :

1°/ que l'article L. 122-8 du code de la propriété intellectuelle, comme l'article 4 de la Directive n° 2001/84/CE du 27 décembre 2001 dont il assure la transposition en droit national, énoncent sans autre précision ou restriction que le droit de suite est à la charge du vendeur ; que l'existence d'une obligation légale au paiement du droit de suite à la charge du vendeur, telle qu'elle ressort de ces textes et des travaux et débats parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi française, n'exclut nullement la possibilité d'aménager de façon conventionnelle la charge du paiement de ce droit, cet aménagement ne valant qu'entre les parties au contrat de vente et étant inopposable aux bénéficiaires du droit de suite ; qu'en retenant cependant, pour annuler la clause litigieuse des conditions générales de vente de la société Christie's France, que la loi française comme la Directive communautaire excluaient tout aménagement conventionnel entre l'acheteur et le vendeur de la charge du paiement du droit de suite, la cour d'appel a violé l'article L. 122-8 du code de la propriété intellectuelle, tel qu'il doit être interprété à la lumière de la directive du 27 septembre 2001 ;

2°/ que l'avis de la Commission européenne du 22 décembre 2008 énonçait expressément que « l'interprétation la plus appropriée de la Directive nous semble être que les parties ont le droit de conclure (des) conventions en ce qui concerne les modalités du paiement du droit de suite, mais que ces arrangements n'auront qu'un effet relatif et ne dégageront pas les parties des obligations qui leur sont conférées par la loi française » ; qu'en retenant cependant, pour écarter cet élément des débats, que cet avis n'était pas pertinent dans la mesure où « il ne se prononce pas sur la conformité du dispositif à la loi nationale », la cour d'appel en a dénaturé les termes et violé l'article 1134 du code civil ;

3°/ qu'une pratique contractuelle légale et ouverte à tous ne peut par définition même avoir un effet anticoncurrentiel, rien n'empêchant chacun des acteurs du marché concerné de choisir d'y avoir ou non recours ; qu'en retenant, pour annuler la clause litigieuse des conditions générales de vente de la société Christie's France, que les « caractéristiques du marché de la vente des objets d'art rendent...

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