Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 22 novembre 2017, 16-20.666 16-20.667 16-20.668 16-20.873, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Frouin (président)
ECLIECLI:FR:CCASS:2017:SO02580
Case OutcomeCassation partielle sans renvoi
CounselSCP Boré,Salve de Bruneton et Mégret,SCP Fabiani,Luc-Thaler et Pinatel,SCP Foussard et Froger
CitationSur la date à laquelle naît le préjudice d'anxiété, à rapprocher :Soc., 2 juillet 2014, pourvoi n° 12-29.788, Bull. 2014, V, n° 160 (cassation partielle sans renvoi).Sur le caractère psychologique du préjudice d'anxiété, à rapprocher :Soc., 2 juillet 2014, pourvoi n° 12-29.788, Bull. 2014, V, n° 160 (cassation partielle sans renvoi), et les arrêts cités ;Soc., 26 avril 2017, pourvoi n° 15-19.037, Bull. 2017, V, n° ??? (cassation partielle sans renvoi), et l'arrêt cité ;Soc., 21 septembre 2017, pourvoi n° 16-15.130, Bull. 2017, V, n° ??? (cassation partielle)
Appeal Number51702580
Date22 novembre 2017
Subject MatterTRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE - Employeur - Obligations - Sécurité des salariés - Obligation de résultat - Manquement - Préjudice - Préjudice spécifique d'anxiété - Indemnisation - Etendue - Troubles psychologiques - Détermination - Portée CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Modification dans la situation juridique de l'employeur - Transfert des contrats de travail - Transfert des obligations de l'ancien employeur au nouveau - Exclusion - Cas - Préjudice d'anxiété - Transfert des contrats de travail antérieur à l'arrêté ministériel d'inscription de l'établissement sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l'ACAATA - Portée
CourtChambre Sociale (Cour de Cassation de France)
Docket Number16-20667,16-20666,16-20873,16-20668
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Vu la connexité, joint les pourvois n° U 16-20. 666, V 16-20. 667, W 16-20. 668 et U 16-20. 873 ;

Donne acte à MM. X..., Y..., Z..., A..., B... et à Mme C..., demandeurs au pourvoi n° U 16-20. 873 de leur désistement de pourvoi au profit du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante ;

Prononce la mise hors de cause de M. D... ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que la société Ferodo devenue Valeo a, selon une convention de cession de fonds de commerce en date du 2 juin 1988 à effet du 1er juillet 1988, cédé à la société Sime industrie devenue GKN Stromag France (ci-après société Stromag), la branche de son fonds de commerce afférente à son activité de conception, fabrication et vente de freins et coupleurs, exploitée à la Guerche sur l'Aubois (Cher) ; que les sociétés Stromag et Valeo ont été inscrites pour ce site, suivant arrêté du 21 juillet 1999 modifiant un arrêté du 29 mars 1999, sur la liste des établissements ayant fabriqué des matériaux contenant de l'amiante et ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA), pour la période allant de 1960 à 1996, étendue jusqu'en 2000 par un arrêté modificatif du 19 mars 2001 ; que d'anciens salariés, employés à différentes périodes par la société Valeo ou par la société Stromag, invoquant un préjudice d'anxiété, ont saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir chacun la réparation de ce préjudice ;

Sur les premier et second moyens du pourvoi n° U 16-20. 873, le premier moyen des pourvois n° W 16-20. 668 et V 16-20. 667, les deuxième et troisième moyens du pourvoi n° V 16-20. 667 :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le deuxième moyen du pourvoi n° W 16-20. 668, le premier moyen du pourvoi n° U 16-20. 666, le quatrième moyen du pourvoi n° V 16-20. 667 :

Vu l'article L. 1224-2 du code du travail, l'article L. 4121-1 du même code en sa rédaction applicable au litige, et l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ;

Attendu que pour dire n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société Valeo et condamner celle-ci à rembourser à la société Stromag, sur présentation des justificatifs de paiement, le montant des indemnités accordées en réparation de leur préjudice d'anxiété aux salariés au prorata de la durée d'emploi de chacun d'eux, les arrêts retiennent que la société Stromag est fondée à réclamer à l'ancien employeur, pour l'indemnisation due aux salariés à raison du transfert de leur contrat de travail, le remboursement des indemnités qu'elle devra acquitter au titre du préjudice d'anxiété du fait de l'exécution par ce dernier du contrat de travail, pendant la période retenue dans l'arrêté ACAATA, étant observé que la convention de cession du fonds de commerce qui prévoit le transfert de personnel avait, entre autres, prévu que le vendeur indemniserait l'acheteur de charges (congés payés et coût d'un licenciement collectif devant être mis en oeuvre après la cession) liées au transfert de personnel, aucun passif ne devant par ailleurs être transmis à l'acquéreur ;

Attendu, cependant, que le préjudice d'anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition à un risque créé par l'amiante, est constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance de ce risque par les salariés ; qu'il naît à la date à laquelle les salariés ont connaissance de l'arrêté ministériel d'inscription de l'établissement sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l'ACAATA ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que le transfert des contrats de travail à la société Stromag était intervenu le 1er juillet 1988, soit antérieurement à l'arrêté ministériel d'inscription de l'établissement sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l'ACAATA, de sorte que ce préjudice ne constituait pas une créance due à la date de la modification de la situation juridique de l'employeur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

Vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties conformément aux dispositions de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils disent n'y avoir lieu de mettre la société Valeo hors de cause et en ce qu'ils condamnent cette société à rembourser partiellement, sur présentation des justificatifs de paiement, à la société GKN Stromag France le montant des indemnités accordées à chacun des salariés au titre du préjudice d'anxiété, les arrêts rendus le 20 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déboute la société GKN Stromag France de ses demandes à l'encontre de la société Valéo ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi n° U 16-20. 666 par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Valeo.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la Société Valeo " à rembourser sur présentation d'un justificatif de paiement, à la Société GKN Stromag France le montant de l'indemnité accordée à Claude D... au titre du préjudice d'anxiété dans la proportion de 79 % " ;

AUX MOTIFS QUE " Le litige porte sur la réparation du préjudice d'anxiété, préjudice spécifique qui relève d'un régime juridique totalement dérogatoire, adossé au dispositif ACAATA, le non respect de l'obligation sécurité prévention étant présumé du fait de l'inscription de la société employeur sur la liste des établissements ACAATA ;

QUE la Société Ferodo devenue Valeo a été inscrite sur cette liste le 21 juillet 1999, en définitive pour la période de 1960 à 2000, comme la société SIME Industrie, qui est entrée dans le groupe Stromag et est devenue la Société Stromag et la convention de cession du fonds de commerce précitée, du 2 juin 1988, prévoyait (en son point 7) le transfert du personnel à compter de la date de réalisation de la cession (fixée en son point 2 au 1er juillet 1988) ;

QUE (…) sur la recevabilité [de l'action de Monsieur D...] la Société Valeo oppose l'acquisition de la prescription quinquennale à Claude D..., dont le contrat de travail a été transféré à la Société Stromag ;

QUE si le préjudice spécifique d'anxiété trouve sa cause dans le manquement présumé de l'employeur à son obligation de sécurité résultat, et si les deux employeurs successifs peuvent par l'effet du transfert du contrat être tenus in solidum des obligations liées à l'exécution passée du contrat de travail, l'action intentée contre l'un seulement des deux employeurs ne saurait interrompre le délai de prescription contre l'autre, l'obligation in solidum ne produisant pas cet effet, secondaire, de la solidarité ; qu'il incombait à Claude D... d'agir dans le délai de prescription applicable à compter de la date à laquelle il a eu connaissance du dommage ;

QUE le préjudice d'anxiété naissant avec la publication de l'arrêté ACAATA du 21 juillet 1999, et la prescription trentenaire, alors applicable, étant toujours en cours lorsqu'elle a été réduite à 5 ans par la loi du 17 juin 2008, il devait agir dans les cinq ans de l'entrée en vigueur de cette loi ; qu'il n'est pas sérieusement contesté qu'il a mis en cause la Société Valeo au-delà de ce délai le 24 juillet 2013 ;

QU'il s'infère de ces observations que l'action intentée par Claude D... dans le délai de la prescription à l'encontre seulement de la Société Stromag, n'a pas interrompu le délai de prescription à l'encontre de son ancien employeur la Société Valeo ; que la fin de non recevoir tirée de la prescription opposée par cette dernière, attraite plus de 5 ans après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi réduisant la prescription, sera en conséquence accueillie " ;

QUE sur le fond il a été précédemment rappelé que, même si partie de la période ayant permis le classement ACAATA relève de l'exécution d'un contrat de travail transmis, du fait de la cession du fonds de commerce à la Société Stromag, cette dernière est tenue du manquement présumé de l'employeur à l'obligation de sécurité liée à l'exécution du contrat de travail transféré ;

QUE Claude D... invoque l'inscription à l'ACAATA de l'usine de La Guerche sur l'Aubois, lieu non contesté d'exécution de son contrat de travail, et fait valoir qu'il a été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante tout au long de son activité faute de protection individuelle ou collective préservant du risque ; qu'il se prévaut du préjudice spécifique d'anxiété, qui comprend le bouleversement dans les conditions d'existence, et qui ne résulte pas de la seule exposition à un risque créé par l'amiante, mais est constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance de ce risque (non couverts par le dispositif ACAATA) à compter de la connaissance de l'arrêté ACAATA inscrivant dans la liste des établissements ayant fabriqué des matériaux contenant de l'amiante l'employeur (l'arrêté incluant notamment les Sociétés Valeo et SIME devenue Stromag) exploitant l'usine de la Guerche sur l'Aubois (Cher) ;

QUE dès lors qu'il prouve avoir travaillé durant cette période dans l'établissement relevant de l'ACAATA il est réputé se trouver par le fait de l'employeur dans une situation d'inquiétude permanente face au...

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