Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 14 décembre 2016, 14-26.236 15-11.082, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Frouin
ECLIECLI:FR:CCASS:2016:SO02348
Case OutcomeCassation partielle
Appeal Number51602348
Date14 décembre 2016
CounselSCP Célice,Soltner,Texidor et Périer,SCP Masse-Dessen,Thouvenin et Coudray
Docket Number15-11082,14-26236
Subject MatterTRAVAIL REGLEMENTATION, DUREE DU TRAVAIL - Répartition des horaires de travail - Répartition de l'horaire collectif - Cycles de travail - Mise en place - Domaine d'application - Transport public urbain de voyageurs - Absence d'accord d'entreprise - Possibilité - Fondement
CourtChambre Sociale (Cour de Cassation de France)

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Vu la connexité, joint les pourvois n° H 14-26. 236 et F 15-11. 082 :

Attendu, selon les arrêts attaqués, que depuis le 9 décembre 2007, la société Keolis s'est vu confier par le Syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise, l'exploitation du réseau des transports en commun lyonnais (TCL) ; qu'elle a dénoncé durant l'été 2008 l'ensemble du statut collectif des salariés et informé et consulté les représentants du personnel sur la mise en place de mesures unilatérales concernant l'aménagement du temps de travail ; que le syndicat national des transports urbains CFDT a saisi le tribunal de grande instance de diverses demandes ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° H 14-26. 236 :

Vu les articles L. 1321-1 et L. 1321-2 du code des transports, ensemble les articles 2, 3, 4, 5 et 11 du décret n° 2000-118 du 14 février 2000 ;

Attendu que si, selon le premier alinéa du premier de ces textes, les dispositions du chapitre 1er du titre II du livre III du code des transports sont applicables notamment aux salariés des entreprises de transport, routier ou fluvial, il résulte de son second alinéa que toutefois, ni les dispositions du titre II du livre 1er de la troisième partie du code du travail, ni les dispositions du présent chapitre ne s'appliquent aux salariés soumis à des règles particulières, de la Régie autonome des transports parisiens et des entreprises de transport public urbain régulier de personnes ; que, selon le deuxième de ces textes, par dérogation aux dispositions du code du travail, un décret détermine la période de référence servant au décompte des heures supplémentaires, dans la limite de trois mois, le droit à une compensation obligatoire en repos et ses modalités d'attribution et la durée maximale hebdomadaire moyenne de travail, dans la limite de quarante-six heures par semaine, calculée sur une période de référence de trois mois ;

Attendu que pour déclarer illicite l'aménagement unilatéral par l'employeur du temps de travail, l'arrêt, d'abord retient que le statut collectif s'appliquant au personnel est régi par le code du travail avec certaines dérogations tenant aux exigences propres au service public définies par le décret n° 2000-118 du 14 février 2000 modifié par le décret n° 2006-925 du 19 juillet 2006 et par la convention collective de la branche des transports urbains de voyageurs, ce décret, dont les règles sont reprises dans un accord de branche, fixant une durée hebdomadaire de 35 heures sur un cycle ne pouvant excéder douze semaines et prévoyant une obligation de prévenance de sept jours sauf urgence, ensuite rappelle la teneur des dispositions de l'article L. 3122-2 prévoyant un délai de prévenance de sept jours et de l'article L. 3122-4 du code du travail, enfin estime que l'intégration d'heures supplémentaires programmées à l'avance constitue un dévoiement du cycle, et que le système de programmation de journées décalées n'est pas plus favorable aux salariés que le système légal applicable et s'analyse en une modulation du temps de travail qui ne pouvait être mise en place de manière unilatérale ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article L. 1321-1 du code des transports excluent l'application tant du chapitre 1er du livre III de ce code que de celles du code du travail relatives à la durée du travail et instituent un régime spécifique aux entreprises de transport public urbain régulier de personnes et que ni les dispositions de l'article L. 1321-2 du premier de ces codes, ni celles du décret n° 2000-118 du 14 février 2000 relatif à la durée du travail dans ce secteur particulier n'interdisent l'établissement d'un cycle prévoyant à l'avance la réalisation habituelle d'heures supplémentaires dans les limites prévues par les articles 5 et 11 de ce texte réglementaire, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'une modulation du temps de travail, a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen du même pourvoi :

Vu l'article 4 de la directive n° 2003/ 88/ CE du Parlement et du Conseil du 4 novembre 2003 et l'article L. 1321-1 du code des transports ;

Attendu que pour dire que le système dérogatoire, mis en oeuvre par la société Kéolis, de fractionnement de la pause de 20 minutes est contraire à la directive CE du 4 novembre 2003, à l'article L. 3122-2 du code du travail et à l'article 10 du décret du 14 février 2000 et porte atteinte au droit à la santé et à la sécurité reconnu aux salariés, l'arrêt retient que l'article L. 3121-33 du code du travail énonce que, dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes et que des dispositions conventionnelles peuvent fixer un temps de pause supérieur, que l'article 4 de cette directive se réfère comme l'article L. 3121-33 du code du travail à un temps de pause impliquant une unicité temporelle et écartant toute pause prise par séquences distinctes, que les dispositions de ce dernier texte s'entendent de vingt minutes consécutives, au nom du principe d'effectivité du droit à la santé et à la sécurité et que l'article 10 du décret dit Perben se réfère à une coupure d'au moins vingt minutes pouvant être constituée de temps de nature différente d'une durée d'au moins cinq minutes, mais nécessairement successifs ;

Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que l'article 4 de la directive 2003/ 88/ CE, qui se borne à fixer le principe d'une pause lorsque le temps de travail journalier est supérieur à six heures et renvoie aux Etats membres le soin de fixer les modalités, notamment la durée, de cette pause, n'a pas d'effet direct sur ce point, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 1321-1 du code des transports excluent l'application tant du chapitre 1er du livre III de ce code que celles du code du travail relatives à durée du travail et instituent un régime spécifique aux entreprises de transport public urbain régulier de personnes, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le moyen unique du pourvoi F 15-11. 082 :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il :

1°/ déclare illicite l'aménagement unilatéral du temps de travail sur une base supérieure à 420 heures sur un cycle de 12 semaines et la programmation de journées décalées,

2°/ dit que le système dérogatoire, mis en oeuvre par la société Kéolis, de fractionnement de la pause de 20 minutes est contraire à la directive CE du 4 novembre 2003, à l'article L. 3122-2 du code du travail et à l'article 10 du décret du 14 février 2000 et porte atteinte au droit à la santé et à la sécurité reconnu aux salariés,

3°/ condamne la société Kéolis à payer au syndicat SNTU CFDT la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts,

l'arrêt rendu le 19 septembre 2014 et rectifié par arrêt du 21 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne le syndicat SNTU CFDT aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille seize.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi n° H 14-26. 236 par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Keolis Lyon.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré illicite l'aménagement unilatéral du temps de travail réalisé par la société KEOLIS LYON sur la base d'une durée programmée d'avance de travail supérieure à 420 heures sur un cycle de 12 semaines, la programmation de journées décalées, et d'avoir condamné la société KEOLIS LYON à payer au syndicat SNTU CFDT une somme de 5. 000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé aux intérêts collectifs de la profession ;

AUX MOTIFS QUE « Sur l'utilisation du cycle que le syndicat appelant dénonce l'illicéité du mode d'organisation du travail mis en place de manière unilatérale sous forme de cycles d'une durée de 12 semaines, le cycle de 420 heures n'étant pas le volume affecté aux salariés et l'employeur faisant varier discrétionnairement la charge de travail dans le cadre de l'utilisation de jours XX, avec un délai de prévenance réduit ; Qu'il souligne que ce système impose dès l'établissement des plannings à certains salariés une durée de travail hebdomadaire supérieure à 35 heures, empêche au salarié de connaître la nécessaire prévisibilité de sa charge de travail par des ajustements discrétionnaires, dépasse la flexibilité permise à l'employeur dans le cadre du cycle, permettant à ce dernier de se constituer une « réserve de main d'oeuvre » et relève de la modulation prévue à l'article 4 du décret du 14 février 2000 devant être négociée avec les organisations syndicales ; que la société Keolis soutient, dans le respect...

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