Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 11 juin 2013, 12-13.961 12-14.401 12-14.584 12-14.595 12-14.597 12-14.598 12-14.624 12-14.625 12-14.632 12-14.648, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Espel
ECLIECLI:FR:CCASS:2013:CO00614
Case OutcomeRejet
CitationSur le n° 6 :A rapprocher :Com., 15 mars 2011, pourvoi n° 09-17.055, Bull. 2011, IV, n° 39 (1) (rejet). Sur le n° 7 : A rapprocher :Com., 7 avril 2010, pourvoi n° 09-65.940, Bull. 2010, IV, n° 70 (2) (cassation partielle)
Appeal Number41300614
Date11 juin 2013
CounselSCP Boré et Salve de Bruneton,SCP Bénabent et Jéhannin,SCP Célice,Blancpain et Soltner,SCP Defrénois et Lévis,SCP Hémery et Thomas-Raquin,SCP Monod et Colin
Docket Number12-14584,12-14648,12-13961,12-14624,12-14597,12-14401,12-14595,12-14598,12-14632,12-14625
CourtChambre Commerciale, Financière et Économique (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin 2013, IV, n° 98

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° s Y 12-13. 961 formé par la société Marionnaud, B 12-14. 401 formé par la société Sephora, A 12-14. 584 formé par la société Nocibé France, N 12-14. 595 formé par la société Guerlain, Q 12-14. 597 formé par la société Parfums Christian Dior, R 12-14. 598 formé par la société LVMH Fragrance Brands (Parfums Givenchy et Kenzo parfums), U 12-14. 624 formé par la société L'Oréal produits de luxe France (la société L'Oréal), V 12-14. 625 formé par la société Yves Saint Laurent beauté (la société YSL), C 12-14. 632 formé par la société Clarins Fragrance group (la société Clarins) et V 12-14. 648 formé par la société Chanel, qui attaquent le même arrêt ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 23 novembre 2010, pourvoi n° 09-72. 031), que le Conseil de la concurrence (le Conseil), devenu l'Autorité de la concurrence (l'Autorité) s'est saisi d'office, le 21 octobre 1998, de la situation de la concurrence dans le secteur de la parfumerie de luxe ; que, par décision n° 06- D-04 bis du 13 mars 2006 rectifiée le 24 mars 2006, le Conseil a notamment dit établi que les sociétés Guerlain, Givenchy, et Kenzo aux droits desquelles vient la société LVMH Fragrance Brands (la société LVMH), Dior, Chanel, Sephora, YSL, Marionnaud, L'Oréal, Nocibé, et Thierry Mugler parfums aux droits de laquelle vient la société Clarins, avaient participé à des ententes sur les prix entre 1997 et 2000, et leur a infligé des sanctions pécuniaires allant de 90 000 à 12 800 000 euros ;

Sur le premier moyen des pourvois, n° s A12-14. 584 pris en ses huitième à treizième branches, B 12-14. 401 pris en sa cinquième branche, C 12-14. 632- U12-14. 624- V 12-14. 625 pris en leurs cinquième et sixième branches, N 12-14. 595- Q 12-14. 597- R 12-14. 598- V 12-14. 648 pris en leur huitième branche, N 12-14. 595- Q 12-14. 597- V 12-14. 648 pris en leur neuvième branche, U 12-14. 624 pris en sa dixième branche et Y 12-13. 961 pris en ses quatrième et cinquième branches, rédigés en termes similaires ou identiques, réunis :

Attendu que les sociétés Nocibé, Sephora, Clarins, L'Oréal, YSL, Guerlain, Dior, LVMH, Chanel et Marionnaud font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande d'annulation de la décision du Conseil, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en dehors de l'article L. 123-22 du code de commerce qui impose la conservation pendant dix ans des documents comptables et des pièces justificatives, aucune disposition légale ou réglementaire n'oblige les entreprises à garder, pendant un certain délai, les pièces de nature à justifier de la légalité de leur comportement en matière de concurrence ; que, sauf à méconnaître le principe d'accessibilité et d'intelligibilité de la norme, une telle obligation ne procède pas du devoir général de prudence pesant sur toute personne ; qu'en retenant, en l'espèce, que la société Nocibé avait manqué au devoir de prudence auquel elle était tenue pour justifier de la licéité de ses pratiques en matière au regard des exigences de la concurrence, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du code civil ensemble l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ qu'en considérant qu'il appartient aux distributeurs de conserver, pendant un certain délai, la preuve de leur liberté tarifaire et que la société Nocibé aurait dû garder les éléments de preuve susceptibles de justifier de la licéité de ses pratiques et notamment de l'effectivité de sa liberté tarifaire, la cour d'appel a méconnu la présomption d'innocence et violé les articles l'article 6, paragraphe 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 9-1 du code civil ;

3°/ qu'elle a, par-là même, également méconnu les règles de la charge de la preuve des pratiques anticoncurrentielles, et violé l'article 1315 du code civil ensemble les articles 81 du Traité CE (devenu 101 du TFUE) et L. 420-1 du code de commerce ;

4°/ qu'à supposer qu'une entreprise mise en cause à raison de pratiques anticoncurrentielles soit tenue à un devoir de prudence incluant la conservation d'éléments de preuve lui permettant de réfuter les griefs susceptibles de lui être notifiés, le manquement à un tel devoir ne peut être opposé, pour exclure que le dépassement du délai raisonnable de traitement de l'affaire par l'autorité de la concurrence ait porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense, que si l'entreprise s'est séparée ou n'a pas assuré la conservation de documents utiles à sa défense avant la date à laquelle le délai de traitement de l'affaire par l'autorité de la concurrence est devenu excessif ; qu'en considérant que la société Nocibé était tenue de conserver les documents justifiant de la licéité de ses pratiques jusqu'à l'expiration du délai de prescription ou l'énoncé d'une décision de non-lieu, la cour d'appel a violé l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5°/ que la société Nocibé faisait valoir qu'elle ne s'était pas séparée d'éléments comptables tels que les tickets de caisse correspondant aux ventes journalières de chacun des points de vente mais que ces éléments n'étaient plus exploitables, d'une part, puisqu'ils étaient imprimés au moyen d'une encre thermique devenue illisible et, d'autre part, parce que les codes des articles utilisés sur ces tickets avaient changé et étaient devenus inexploitables, et elle produisait une attestation en ce sens ; qu'en ne recherchant pas si les difficultés invoquées par la société Nocibé n'étaient pas de nature à écarter, s'agissant des tickets de caisse, la méconnaissance d'un devoir général de prudence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil ensemble l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6°/ que l'information selon laquelle les enquêteurs agissaient en 1999 sur le fondement des articles 45 et 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'était pas de nature à éclairer les personnes auditionnées de ce que l'enquête menée était susceptible d'aboutir à une procédure devant le Conseil de la concurrence ni, à tout le moins, de les renseigner sur le cadre dans lequel l'enquête avait été ordonnée et sur l'objet exact de celle-ci ; qu'ainsi, en retenant que la société Nocibé aurait dû, dès 1999 et jusqu'à l'expiration du délai de prescription, conserver les éléments propres à justifier de la licéité des pratiques examinées par le Conseil de la concurrence sans déterminer la date à laquelle celle-ci avait eu connaissance de ce l'enquête de 1999 était en lien avec une procédure pendant devant le Conseil de la concurrence et portait sur des ententes verticales entre fournisseurs et distributeurs dans le secteur de la parfumerie et des cosmétiques de luxe, la cour d'appel, qui a pourtant relevé que les actes des enquêteurs (ne mentionnaient pas spécifiquement que cette enquête était menée sous l'égide du Conseil de la concurrence), a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil ensemble l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7°/ que sauf à avoir été préalablement informé de l'objet de l'enquête le concernant, un opérateur économique n'est pas tenu d'un devoir général qui lui imposerait de conserver, en sus des documents comptables mentionnés par l'article L. 123-22 du code de commerce, tous les documents commerciaux de nature à lui permettre de se défendre, le cas échéant, de toute accusation de pratique anticoncurrentielle ; que, pour juger que les causes de déperdition des preuves à décharge invoquées par la société Sephora n'étaient pas en lien avec la durée de l'instruction, mais exclusivement imputables à un manquement de cette société à son devoir général de prudence, la cour d'appel a énoncé que la simple connaissance de ce qu'une enquête administrative avait été conduite en application de l'article 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, peu important que les procès-verbaux n'aient pas mentionnés que l'enquête était menée sous l'égide du Conseil de la concurrence, aurait dû conduire les entreprises concernées à conserver tous éléments de preuve de la légalité de leurs pratiques commerciales au sein de leurs réseaux de distribution sélective jusqu'à l'expiration du délai de prescription ou jusqu'au prononcé d'une éventuelle décision de non-lieu, afin de pouvoir, le moment venu, justifier du respect de l'entière liberté tarifaire de leurs distributeurs ; qu'en mettant ainsi à la charge de la société Sephora un devoir de conservation des preuves à décharge dont elle n'était pas tenue à défaut d'avoir été informée de l'objet de l'enquête, la cour d'appel a violé l'article 6, paragraphe 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble l'article L. 123-22 du code de commerce ;

8°/ que l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales oblige les Etats contractants à organiser leur système judiciaire de telle sorte que les juridictions puissent remplir chacune de ses exigences, y compris l'obligation de trancher les causes dans des délais raisonnables ; qu'en retenant en l'espèce que, nonobstant le fait qu'il n'était pas mentionné que celle-ci était menée sous l'égide du Conseil de la concurrence, la simple connaissance de ce qu'une enquête administrative était conduite dans les conditions prévues par les articles 45 et 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et les arrêtés des 22 janvier 1993 et 11 mars 1993 modifiés obligeait, jusqu'à l'expiration du délai de prescription ou le prononcé d'une éventuelle décision de non-lieu, les entreprises concernées à conserver, non seulement les documents...

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