Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 11 juillet 2018, 17-18.177, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Batut (président)
ECLIECLI:FR:CCASS:2018:C100737
Case OutcomeRenvoi devant la cour de justice de l'u.e.
CounselSCP Waquet,Farge et Hazan,SCP Bernard Hémery,Carole Thomas-Raquin,Martin Le Guerer
CitationA rapprocher :1re Civ., 14 octobre 2015, pourvoi n° 14-19.917, Bull. 2015, I, n° 244 (cassation partielle).
Appeal Number11800737
Date11 juillet 2018
CourtPremière Chambre Civile (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officiel1re Civ., 11 juillet 2018, pourvoi n° 17-18.177, Bull. 2018, I, n° 141 (renvoi devant la Cour de justice de l'Union européenne).
Docket Number17-18177
Subject MatterPROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - Droits voisins du droit d'auteur - Droits des artistes-interprètes - Artiste-interprète - Droits patrimoniaux et droits moraux - Exploitation des prestations - Exercice des droits d'exploitation des archives audiovisuelles par l'Institut national de l'audiovisuel - Régime dérogatoire - Directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 - Compatibilité
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Reçoit le Syndicat indépendant des artistes interprètes et le Syndicat français des artistes interprètes en leur intervention ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 mars 2017), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 14 octobre 2015, pourvoi n° 14-19.917, Bull. 2015, I, n° 244), que, reprochant à l'Institut national de l'audiovisuel (INA) de commercialiser sur son site Internet, sans leur autorisation, des vidéogrammes et un phonogramme reproduisant les prestations de B... Y... Z..., dit C... A..., batteur de jazz décédé le [...], MM. X... et Z... A..., ses ayants droit, l'ont assigné pour obtenir réparation de l'atteinte ainsi prétendument portée aux droits d'artiste-interprète dont ils sont titulaires, en invoquant l'article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle, aux termes duquel sont soumises à l'autorisation écrite de l'artiste-interprète la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa communication au public, ainsi que toute utilisation séparée du son et de l'image de la prestation lorsque celle-ci a été fixée à la fois pour le son et l'image ; que, devant la cour d'appel de renvoi, la Société de perception et de distribution des droits des artistes interprètes de la musique et de la danse (Spedidam) est intervenue volontairement, tant à l'appui des prétentions de MM. X... et Z... A..., qu'à titre principal en sollicitant la condamnation de l'INA à lui payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice collectif subi par la profession d'artiste-interprète ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la Spedidam fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son intervention à titre principal, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 22 décembre 2016 applicable au litige, « les sociétés de perception et de répartition des droits d'auteur et des droits des artistes interprètes [
] ont qualité pour ester en justice pour la défense des droits dont elles ont statutairement la charge » ; que le législateur a ainsi accordé aux sociétés de gestion collective des droits des artistes interprètes la faculté de déterminer, dans leurs statuts, l'étendue de leur droit d'action en justice ; que l'article 3 des statuts de la Spedidam énonce à cet égard que : « La société a pour objet l'exercice et l'administration dans tous pays, de tous les droits reconnus aux artistes interprètes par le code de la propriété intellectuelle et par toute disposition nationale, communautaire ou internationale et notamment : [...] 5 – [...] la défense des intérêts matériels et moraux des ayants droit en vue et dans les limites de l'objet social de la société, ainsi que la détermination de règles de morale professionnelle en rapport avec l'activité de ses membres. A cette fin, la société a qualité pour ester en justice tant dans l'intérêt individuel des artistes interprètes que dans l'intérêt collectif de la profession pour faire respecter les droits reconnus aux artistes interprètes par le code de la propriété intellectuelle ainsi que par toute disposition nationale, communautaire ou internationale » ; qu'il en résulte que la Spedidam dispose, en vertu de ses statuts auxquels renvoie le code de la propriété intellectuelle, du droit d'agir tant pour la défense des intérêts individuels de ses membres que pour l'intérêt collectif de la profession ; qu'en décidant le contraire pour déclarer irrecevable l'intervention de la Spedidam à titre principal, la cour d'appel a violé les articles susvisés, ensemble les articles 554, 325 et 329 du code de procédure civile ;

Mais attendu que sont irrecevables les interventions volontaires en cause d'appel qui ont pour objet de demander des condamnations personnelles non soumises aux premiers juges ; que, par ce motif de pur droit suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués, la décision se trouve légalement justifiée de ce chef ;

Sur le second moyen :

Vu l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Attendu que MM. X... et Z... A... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que l'article 2, sous b) et l'article 3, paragraphe 2, de la directive 2001/29/CE disposent respectivement que les Etats membres attribuent aux artistes interprètes le droit exclusif d'autoriser ou d'interdire la reproduction directe ou indirecte des fixations de leurs exécutions par quelque moyen que ce soit et sous quelque forme que ce soit ainsi que le droit exclusif d'autoriser ou d'interdire la communication au public de ces fixations ; que, sous réserve des exceptions et limitations prévues de façon exhaustive à l'article 5 de la directive, toute utilisation de la fixation d'une interprétation effectuée par un tiers sans le consentement préalable de l'artiste-interprète doit être regardée comme portant atteinte à ses droits ; qu'aux termes de l'article 49, II, de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dans sa rédaction issue de l'article 44 de la loi du 1er août 2006, « l'institut exerce les droits d'exploitation mentionnés au présent paragraphe dans le respect des droits moraux et patrimoniaux des titulaires de droits d'auteurs ou de droits voisins du droit d'auteur et de leurs ayants droit. Toutefois, par dérogation aux articles L. 212-3 et L. 212-4 du code de la propriété intellectuelle, les conditions d'exploitation des prestations des artistes interprètes des archives mentionnées au présent article et les rémunérations auxquelles cette exploitation donne lieu sont régies par des accords conclus entre les artistes interprètes eux-mêmes ou les organisations de salariés représentatives des artistes interprètes eux-mêmes et l'institut. Ces accords doivent notamment préciser le barème des rémunérations et les modalités de versement de ces rémunérations » ; que, si l'applicabilité du régime dérogatoire institué au profit de l'INA n'est pas subordonnée à la preuve de l'autorisation par l'artiste-interprète de la première exploitation de sa prestation, les dispositions en cause n'instaurent aucune présomption simple d'autorisation préalable de l'artiste-interprète à l'exploitation par l'INA des archives qui contiennent son interprétation ; qu'en affirmant le contraire pour dispenser l'INA de rapporter la preuve de ce consentement et ainsi débouter les héritiers de C... A... de leurs demandes de dommages-intérêts, la cour d'appel a violé l'article 49, II, de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dans sa rédaction issue de l'article 44 de la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 et les articles 2, 3, 5 de la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information ;

2°/ que l'article 2, sous b), et l'article 3, paragraphe 2, de la directive 2001/29/CE disposent respectivement que les Etats membres attribuent aux artistes interprètes le droit exclusif d'autoriser ou d'interdire la reproduction directe ou indirecte des fixations de leurs exécutions par quelque moyen que ce soit et sous quelque forme que ce soit ainsi que le droit exclusif d'autoriser ou d'interdire la communication au public de ces fixations ; que, sous réserve des exceptions et limitations prévues de façon exhaustive à l'article 5 de la directive 2001/29, toute utilisation de la fixation d'une interprétation effectuée par un tiers sans le consentement préalable de l'artiste-interprète doit être regardée comme portant atteinte à ses droits ; que, si les dispositions des articles 2, sous b), et 3, paragraphe 2, de la directive 2001/29/CE permettent la prise en compte d'un consentement exprimé de manière implicite et non seulement par écrit, l'objectif de protection élevé des artistes interprètes auquel se réfère le considérant 9 de la directive implique que les conditions dans lesquelles une présomption de consentement peut être admise soient strictement définies afin de ne pas priver de portée le principe même du consentement préalable de l'artiste-interprète ; qu'en particulier, tout artiste-interprète doit être effectivement informé de la future utilisation de la fixation de son interprétation par un tiers, des hypothèses dans lesquelles son consentement à cette utilisation peut être présumé ainsi que des moyens mis à sa disposition en vue de l'interdire s'il le souhaite ; qu'en considérant que l'article 49, II, de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dans sa rédaction issue de l'article 44 de la loi du 1er août 2006 instituait valablement au bénéfice de l'INA une présomption simple de consentement préalable de l'artiste-interprète à l'exploitation commerciale de la fixation de ses prestations figurant dans les archives de l'institut sans rechercher si les dispositions en cause aménageaient des garanties assurant l'information effective et individualisée des artistes interprètes sur l'éventualité d'une telle exploitation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 49, II, de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dans sa rédaction issue de...

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