Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 27 septembre 2017, 16-17.198, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Batut
ECLIECLI:FR:CCASS:2017:C101005
Case OutcomeRejet
CounselSCP Hémery et Thomas-Raquin,de Lanouvelle et Hannotin,SCP Piwnica et Molinié,SCP Nicolaÿ
Appeal Number11701005
Date27 septembre 2017
Subject MatterCONFLIT DE LOIS - Application de la loi étrangère - Revendication par une partie - Effets - Mise en oeuvre de la règle de conflit - Principe essentiel du droit français - Réserve héréditaire - Atteinte - Exclusion - Cas TESTAMENT - Legs - Legs universel - Atteinte à la réserve - Principe essentiel du droit français - Mise en oeuvre de la règle de conflit - Compatibilité avec l'ordre public international français - Applications diverses CONFLIT DE LOIS - Application de la loi étrangère - Revendication par une partie - Effets - Mise en oeuvre de la règle de conflit - Absence de réserve héréditaire - Atteinte à un principe essentiel du droit français - Absence de contrariété à l'ordre public international français - Applications diverses
CourtPremière Chambre Civile (Cour de Cassation de France)
Docket Number16-17198
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Donne acte à M. et Mme Y... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société ASCAP ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 mai 2016), que Maurice Y..., compositeur de musique, de nationalité française, s'est marié le 6 décembre 1984 avec Mme B... ; qu'en 1991, Maurice Y... et son épouse ont constitué, selon le droit californien, le Y... D..., dont ils étaient les deux uniques "trustors" et "trustees", et auquel ont été transférés tous les biens de Maurice Y... ; qu'en 1995, ils ont constitué une société civile immobilière (la SCI), à laquelle a été apporté le bien immobilier sis à Paris, acquis par celui-ci en 1981 ; qu'il est décédé le [...] à Los Angeles, Etat de Californie (Etats-Unis d'Amérique), laissant à sa survivance son épouse, deux enfants issus de précédentes unions, Jean-Michel et Stéphanie (les consorts Y...), et un fils adoptif, Kevin, en l'état d'un testament du 31 juillet 2008 léguant tous ses biens meubles à son épouse et le reliquat de sa succession au fiduciaire du trust ; qu'en 2010, Mme B... leur ayant contesté tout droit à la succession de leur père, les consorts Y... l'ont assignée ainsi que Kevin Y..., décédé en cours de procédure, la SCI et les sociétés française et américaine de gestion des droits d'auteur, afin de voir juger les tribunaux français compétents à l'égard des héritiers réservataires français pour connaître de l'exercice du droit de prélèvement prévu à l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 ; que par décision du 5 août 2011 (n° 2011-159 QPC), le Conseil constitutionnel, saisi dans une autre instance, a déclaré cette disposition contraire à la Constitution ;

Sur le premier moyen, pris en ces cinq premières branches :

Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt de dire que l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 ne peut pas être appliqué dans le présent litige et de rejeter leurs demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que la loi ne dispose que pour l'avenir et qu'elle n'a point d'effet rétroactif ; que la dévolution successorale est soumise aux règles en vigueur au moment de l'ouverture de la succession ; que l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, qui détermine l'étendue de la part successorale d'un héritier français dans une succession internationale, est une règle relative à la dévolution successorale ; qu'une telle règle était donc applicable aux successions ouvertes avant son abrogation ; qu'au cas présent, la succession de Maurice Y... a été ouverte le 29 mars 2009, avant l'abrogation de l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 par le Conseil constitutionnel, le 5 août 2011 ; que la succession, et notamment la part successorale des héritiers français, était donc soumise aux règles en vigueur à cette date, y compris l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 ; qu'en écartant l'application de cette loi pour cela qu'il ne s'agirait pas d'une règle relative à la dévolution successorale mais d'une exception à la règle de conflit de lois, la cour d'appel a violé l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, ensemble l'article 2 du code civil ;

2°/ qu'à supposer que l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 soit assimilable à une règle portant sur le partage de la succession, la succession restait soumise à la loi en vigueur au moment du décès ; que le partage étant déclaratif, il ne saurait remettre en cause les parts successorales résultant de l'application des règles en vigueur au moment de l'ouverture de la succession ; qu'en se fondant sur ce que le droit de prélèvement serait une règle relative au partage, pour refuser d'appliquer la loi en vigueur au moment de l'ouverture de la succession et en privant ainsi les consorts Y... du prélèvement auquel leur donnait droit la loi de 1819 alors encore en vigueur, la cour d'appel a violé l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, ensemble l'article 2 du code civil ;

3°/ que la loi ne dispose que pour l'avenir et qu'elle n'a point d'effet rétroactif ; qu'une règle de conflit de lois n'a pas davantage d'effet rétroactif qu'une règle substantielle ; qu'une succession internationale est donc soumise aux règles de conflit de lois applicables au jour de son ouverture ; qu'à supposer donc même que l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 ne soit pas une règle de dévolution successorale mais une exception à la règle normale de conflit de lois, elle était tout de même applicable aux successions ouvertes avant son entrée en vigueur ; qu'au cas présent, la succession de Maurice Y... a été ouverte le 29 mars 2009, avant l'abrogation de l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 par le Conseil constitutionnel, le 5 août 2011 ; que la succession était donc soumise aux règles en vigueur à cette date, y compris l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 ; qu'en écartant l'application de cette loi au motif qu'il ne s'agirait pas d'une règle relative à la dévolution successorale mais d'une exception à la règle de conflit de lois, la cour d'appel a violé l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, ensemble l'article 2 du code civil ;

4°/ que l'application immédiate de la loi nouvelle, ou d'une décision du Conseil constitutionnel, implique que celle-ci sera immédiatement appliquée aux faits postérieurs à son entrée en vigueur ; que cette application immédiate, qui est de principe, s'oppose à l'application rétroactive, selon laquelle la loi ou décision nouvelle est appliquée aux litiges en cours relatifs à des faits antérieurs, et qui, elle, est d'exception ; qu'au cas présent, après avoir énoncé que la décision d'inconstitutionnalité n'était pas rétroactive, la cour d'appel a, par motifs adoptés, estimé qu'« il y a lieu de constater l'application immédiate de cette décision au litige dont le tribunal est saisi », lequel portait par hypothèse sur une succession ouverte antérieurement à ladite décision du Conseil constitutionnel ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a confondu application immédiate et rétroactivité, a violé l'article 2 du code civil ;

5°/ qu'au jour de l'ouverture de la succession, l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 était toujours en vigueur ; qu'à cette date, les consorts Y... disposaient donc du droit de prélever dans les biens situés en France la part dont ils étaient privés dans la masse successorale californienne par l'effet de la loi californienne ; que cette part successorale constitue un bien protégé par l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'en faisant rétroagir la décision d'abrogation du 5 août 2011 et en les privant ainsi rétroactivement de leur part dans la succession de leur père, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect des biens garanti par l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu, d'une part, qu'aux termes de l'article 62, alinéa 3, de la Constitution, les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent à toutes les autorités juridictionnelles ; que, lorsque la déclaration d'inconstitutionnalité est rendue sur une question prioritaire de constitutionnalité, la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel dès lors que celui-ci n'a pas usé du pouvoir, que les dispositions de l'article 62, alinéa 2, de la Constitution lui réservent, de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets ou de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que dans sa décision du 5 août 2011 (n° 2011-159 QPC), le Conseil constitutionnel avait abrogé l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 et qu'aucune décision revêtue de l'autorité de la chose jugée ni aucune reconnaissance de droit antérieure à la publication de cette décision, le 6 août suivant, n'avait consacré le droit de prélèvement que les consorts Y... entendaient exercer, la cour d'appel en a déduit à bon droit qu'ils ne pouvaient invoquer les dispositions abrogées ;

Attendu, d'autre part, qu'après avoir relevé que le droit au respect des biens garanti par l'article 1er du Protocole n° 1 additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas celui d'en acquérir par voie de succession ab intestat ou de libéralités, et constaté que les consorts Y..., auxquels le droit de prélèvement en vigueur au moment du décès de leur père n'avait conféré aucun droit héréditaire définitivement reconnu, ne disposaient pas de biens au sens de l'article précité, elle a exactement retenu que ceux-ci n'étaient pas fondés à exciper d'une...

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