Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 20 septembre 2017, 16-19.643, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Batut (président)
ECLIECLI:FR:CCASS:2017:C100972
Case OutcomeRejet
CounselSCP Hémery et Thomas-Raquin,SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer
CitationN1 >A RAPPROCHER :1RE CIV., 31 OCTOBRE 2012, POURVOI N° 11-26.476, BULL. 2012, I, N° 226 (REJET).N2 >Sur l'exonération du producteur de sa responsabilité du fait des produits défectueux pour risque de développement, avant la transposition de la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, à rapprocher :1re Civ., 15 mai 2007, pourvoi n° 05-10.234, Bull. 2007, I, n° 185 (1) (cassation)
Appeal Number11700972
Docket Number16-19643
Subject MatterRESPONSABILITE DU FAIT DES PRODUITS DEFECTUEUX - Domaine d'application - Rapports avec les autres régimes de responsabilité - Infractions pénales - Détermination
CourtPremière Chambre Civile (Cour de Cassation de France)
Date20 septembre 2017
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 avril 2016), que Mme X..., à laquelle a été prescrit du Mediator, entre le 9 février 2006 et le 17 octobre 2009, pour remédier à une tryglicéridémie, présente une insuffisance aortique ; qu'après avoir sollicité une expertise judiciaire, elle a assigné la société Les Laboratoires Servier, producteur du Mediator (la société), en réparation du préjudice subi et mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn (la caisse) qui a demandé le remboursement de ses débours ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de sursis à statuer, alors, selon le moyen :

1°/ que, si l'action civile en réparation du dommage causé par une infraction pénale peut être exercée devant une juridiction civile, il doit toutefois être sursis au jugement de cette action tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement ; qu'il doit, notamment, en aller ainsi lorsque le fait générateur de responsabilité civile repose sur les mêmes éléments matériels que ceux de nature à constituer l'infraction pénale faisant l'objet des poursuites ; qu'en l'espèce, la société est poursuivie devant les juridictions pénales des chefs de tromperie, homicides et blessures involontaires, parce qu'elle aurait trompé les patients sur les qualités substantielles et les risques inhérents à
l'utilisation du Mediator en n'informant pas ces derniers, ainsi que les médecins, de tous les effets indésirables susceptibles d'être liés à la consommation du médicament ; que l'action en responsabilité civile engagée par Mme X..., qui est partie civile à l'une des instances pénales, repose à la fois sur la démonstration par cette dernière d'un prétendu défaut du produit, tenant à une absence d'information sur les effets indésirables induits par sa consommation, et sur le fait que la société ne puisse de son côté s'exonérer en invoquant le risque de développement, c'est-à-dire le fait que l'état des connaissances scientifiques au moment du traitement de la patiente ne permettaient pas de déceler l'existence du défaut ; que ces différents éléments étant les mêmes que ceux qui font l'objet de la procédure pénale dans laquelle Mme X...s'est portée partie civile, il s'en déduit que l'action en responsabilité civile engagée par cette dernière est bien une action en réparation du dommage qui lui aurait été causé par les infractions pénales reprochées à la société, ce qui imposait donc aux juges du fond de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure pénale ;

2°/ que le droit à un procès équitable implique que le respect des droits de la défense de chacun des plaideurs soit effectivement assuré ; que tel n'est pas le cas lorsque l'une des parties, poursuivie devant les juridictions pénales pour certaines infractions, est attraite devant les juridictions civiles sur le fondement des mêmes faits et se retrouve dans l'impossibilité d'invoquer au soutien de sa défense les éléments rassemblés dans le cadre de l'information judiciaire, indispensables pour apprécier la matérialité des faits qui lui sont reprochés, mais couverts par le secret de l'instruction ; qu'en l'espèce, la société faisait expressément valoir qu'elle était dans l'impossibilité de communiquer en vue de sa défense un nombre très important de pièces du dossier pénal couvertes par le secret de l'instruction, dont une expertise scientifique de huit cents pages et quatre annexes, réalisée de concert par trois experts, relative aux caractéristiques scientifiques et pharmacologiques du Mediator, à ses propriétés, à ses parentés chimiques et pharmacologiques, à ses effets indésirables, ainsi que de multiples autres pièces nécessaires à l'appréciation tant du caractère défectueux du Mediator que de l'état des connaissances scientifiques et techniques durant la période pendant laquelle ce médicament a été prescrit à Mme X...; qu'en énonçant, pour juger que la société n'aurait pas été privée du droit à un procès équitable, qu'il « n'est pas précisé en quoi ces pièces seraient pertinentes dans le cadre du débat particulier intéressant Mme X...», la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de la société et violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que le droit à un procès équitable implique que le respect des droits de la défense de chacun des plaideurs soit effectivement assuré ; que tel n'est pas le cas lorsque l'une des parties, poursuivie devant les juridictions pénales pour certaines infractions, est attraite devant les juridictions civiles sur le fondement des mêmes faits et se retrouve dans l'impossibilité d'invoquer au soutien de sa défense les éléments rassemblés dans le cadre de l'information judiciaire, indispensables pour apprécier la matérialité des faits qui lui sont reprochés, mais couverts par le secret de l'instruction ; qu'en l'espèce, la société faisait expressément valoir qu'elle était dans l'impossibilité de communiquer en vue de sa défense un nombre très important de pièces du dossier pénal couvertes par le secret de l'instruction, dont une expertise scientifique de huit cents pages et quatre annexes, réalisée de concert par trois experts, relative aux caractéristiques scientifiques et pharmacologiques du Mediator, à ses propriétés, à ses parentés chimiques et pharmacologiques, à ses effets indésirables, ainsi que de multiples autres pièces nécessaires à l'appréciation tant du caractère défectueux du Mediator que de l'état des connaissances scientifiques et techniques durant la période pendant laquelle ce médicament a été prescrit à Mme X...; qu'en énonçant, en l'espèce, pour décider que la société n'aurait pas été privée du droit à un procès équitable, que le débat sur les effets néfastes du Mediator apparaît largement dépassé, cependant que la communication des pièces litigieuses couvertes par le secret de l'instruction était indispensable pour apprécier tant le caractère défectueux du médicament que l'existence d'un risque de développement exonératoire de la responsabilité du fabricant, tous éléments qui, loin d'appartenir à un débat dépassé, étaient au contraire au coeur du litige dont les juges du fond étaient saisis, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que l'article 4 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007, n'impose à la juridiction civile de surseoir à statuer, en cas de mise en mouvement de l'action publique, que lorsqu'elle est saisie de l'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction ; que, dans les autres cas, quelle que soit la nature de l'action civile engagée, et même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil, elle apprécie dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire s'il y a lieu de prononcer un sursis à statuer ;

Et attendu qu'après avoir constaté que l'action introduite devant la juridiction civile par Mme X...n'était pas fondée sur les infractions pour lesquelles une information était ouverte contre la société des chefs de tromperie, homicides et blessures involontaires, mais sur la responsabilité sans faute de celle-ci au titre de la défectuosité du Mediator, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action dont elle était saisie était indépendante de l'action publique ; que c'est sans méconnaître les exigences d'un procès équitable et en l'absence de démarche de la société aux fins que soient versées à la procédure civile les pièces du dossier pénal qu'elle considérait comme nécessaires aux besoins de sa défense, que la cour d'appel a décidé, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, sans dénaturation et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, qu'il n'y avait pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir au pénal ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du même pourvoi :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de retenir que l'insuffisance aortique présentée par Mme X...est imputable au Mediator alors, selon le moyen :

1°/ que, si en matière de produits de santé, il est permis au demandeur, en l'absence de certitude scientifique, de rapporter la preuve de l'imputabilité du dommage à l'administration du produit par de simples présomptions de fait, celles-ci ne peuvent être retenues par les juges du fond qu'à la condition d'être graves, précises et concordantes ; que de telles présomptions ne peuvent être réunies qu'à la condition que le produit incriminé puisse être une cause génératrice du dommage, qu'il soit hautement probable qu'il ait été à l'origine de celui-ci et que les autres causes possibles du dommage soient exclues ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont eux-mêmes constaté que « l'atteinte valvulaire de Mme X...étant indétectable à l'examen clinique, elle pouvait très bien préexister sans avoir été dépistée », que « son dossier médical n'avait pas été communiqué » et que l'expert judiciaire avait précisé que le lien de causalité entre cette atteinte et la prise du Médiator lui semblait seulement « plausible », excluant toute « imputabilité directe et certaine » ; qu'en décidant, néanmoins, qu'il existait des présomptions graves, précises et concordantes suffisantes pour constituer la preuve d'un lien de causalité entre l'exposition de Mme X...au Mediator et l'insuffisance aortique qu'elle présentait, la cour d'appel, qui n'a pas...

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