Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 4 octobre 2016, 14-22.245, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Mouillard
ECLIECLI:FR:CCASS:2016:CO00832
Case OutcomeCassation partielle
Date04 octobre 2016
Docket Number14-22245
CounselSCP Gatineau et Fattaccini,SCP Hémery et Thomas-Raquin,SCP Rocheteau et Uzan-Sarano
Appeal Number41600832
CourtChambre Commerciale, Financière et Économique (Cour de Cassation de France)

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la commune de Laguiole, connue pour ses couteaux ornés d'une abeille et pour son fromage bénéficiant d'une appellation d'origine contrôlée, soutenant que son nom constitue une indication de provenance pour certaines catégories de produits et qu'il fait l'objet depuis 1993 d'une spoliation en raison de nombreux dépôts de marques, a, en 2010, assigné MM. Gilbert et Louis X... et la société Laguiole, anciennement dénommée GTI-GIL technologies internationales, titulaires, en tout, de vingt-sept marques verbales ou semi-figuratives françaises, communautaires et internationales comportant le nom " Laguiole ", assorti pour certaines de la représentation d'une abeille, la société Laguiole licences, qui a pour activité le bail de licences ou de sous-licences sur les produits ou services de quelque nature que ce soit, ainsi que les sociétés Polyflame Europe, Garden Max et LCL Partner, la société Tendance séduction, devenue TSP, la société Byttebier Home textiles, aux droits de laquelle vient la société Aimé Byttebier-Michels, et les sociétés Simco Cash, Lunettes Folomi et Clisson, qui commercialisent des produits sous les marques ou nom " Laguiole ", le catalogue de leurs produits étant mis en ligne sur le site " www. laguiole. tm. fr " et, pour la société Polyflame Europe, sur le site " www. polyflame. com ", pour pratiques commerciales trompeuses et parasitisme, ainsi qu'en nullité des marques et, subsidiairement, en déchéance des droits des titulaires sur les marques ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois dernières branches :

Attendu que la commune de Laguiole fait grief à l'arrêt du rejet de ses demandes fondées sur le parasitisme alors, selon le moyen :

1°/ qu'indépendamment même de tout risque de confusion, constitue une faute civile le fait de détourner la notoriété d'un lieu géographique à son profit, sans avoir la moindre relation avec ce lieu ; que constitue donc une faute civile le seul fait d'utiliser le nom Laguiole pour désigner des produits qui n'ont aucun rattachement avec la commune de Laguiole, peu important que cette commune ne soit pas connue pour fabriquer les produits concernés et qu'il n'y ait donc pas de risque de confusion dans l'esprit du consommateur ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

2°/ qu'est notoire le nom connu par une partie substantielle du public ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont eux-mêmes constaté que près de la moitié de la population française, 47 %, connaissait la commune de Laguiole, petit village de 1 300 habitants, et que les défendeurs eux-mêmes la connaissaient avant le dépôt des marques litigieuses ; qu'en jugeant par ailleurs que la notoriété de cette commune ne serait pas démontrée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1382 du code civil ;

3°/ que le fait de détourner la notoriété d'un tiers à son profit cause nécessairement un préjudice à ce tiers, qu'il appartient au juge d'évaluer ; qu'en stigmatisant dès lors l'absence de preuve du préjudice subi par la commune de Laguiole, faute de démonstration de la valeur économique soustraite, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu que, la cour d'appel ayant, par des motifs non critiqués, retenu que, par application de l'article 954 du code de procédure civile, elle n'était saisie que de la condamnation des parties poursuivies pour pratiques commerciales trompeuses sur le fondement des articles L. 120-1 et L. 121-1 du code de la consommation, la commune de Laguiole ne peut présenter un moyen au soutien d'une demande de dommages-intérêts pour parasitisme dont la cour d'appel n'était pas saisie ; que le moyen est irrecevable ;

Et sur le deuxième moyen :

Attendu que la commune de Laguiole fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes en nullité des marques n° 93 480 950, 93 491 857, 93 485 514, 94 544 784 et 93 491 857 alors, selon le moyen, que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 3 novembre 2009 s'étant borné à réformer le jugement ayant accueilli la demande en nullité des cinq marques litigieuses contenant le nom " Laguiole ", sans accueillir ou rejeter lui-même ces demandes en nullité, n'avait pas tranché dans son dispositif cette question de l'éventuelle nullité des marques en question ; qu'en jugeant pourtant que la demande en nullité formée dans la présente instance se heurtait à l'autorité de la chose jugée attachée à cet arrêt, la cour d'appel a violé les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la portée du dispositif de l'arrêt du 3 novembre 2009, qui avait réformé le jugement ayant prononcé, à la demande de la commune de Laguiole, l'annulation des marques n° 93 480 950, 93 491 857, 93 485 514, 94 544 784 et 93 491 857 pour les produits et services désignés à leur enregistrement, pouvait être éclairé par ses motifs, ce dont il résultait que cet arrêt s'était alors prononcé sur le caractère distinctif de ces marques et avait rejeté le moyen, fondé sur les dispositions des articles L. 711-3 et L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle, qui soutenait que lesdites marques étaient de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité et la provenance géographique des produits ou des services revendiqués, la cour d'appel en a exactement déduit que la demande en nullité formée devant elle se heurtait à l'autorité de la chose jugée attachée à cet arrêt ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 120-1 et L. 121-1 du code de la consommation ;

Attendu que pour rejeter les demandes formées au titre des pratiques commerciales trompeuses, l'arrêt énonce que l'article L. 121-1 du code de la consommation, applicable aux faits incriminés, exige la création d'une confusion et non pas d'un risque de confusion ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'une pratique commerciale est réputée trompeuse lorsque soit elle contient des informations fausses, soit elle est susceptible d'induire en erreur le consommateur moyen, et qu'elle est en outre de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique de celui-ci en le conduisant à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Sur le même moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles L. 120-1 et L. 121-1 du code de la consommation ;

Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt, après avoir relevé qu'il appartenait à la commune de Laguiole d'établir que, pour une partie significative du public, son nom bénéficie d'une réputation pour les produits exploités sous les marques litigieuses ou évoque une image positive de cette commune rurale d'où les produits proviendraient, retient que si, d'après le sondage réalisé par l'Institut TNS-Sofres versé aux débats, 47 % des sondés déclarent avoir entendu parler de cette commune, il ressort de ce document que pour 92 % d'entre eux, ce nom évoque un couteau et pour 18 % un fromage, ce qui ne concerne pas les produits désignés par les marques ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si l'utilisation, pour désigner des produits, du nom d'une commune de 1 300 habitants connue par 47 % d'un échantillon représentatif de la population française, fût-ce d'abord pour ses couteaux et son fromage, n'était pas susceptible d'induire en erreur le consommateur moyen, en lui faisant croire que ces produits étaient originaires de ladite commune, et si elle n'était pas, en outre, de nature à altérer de manière substantielle son comportement, en l'amenant à prendre une décision d'achat qu'il n'aurait pas prise autrement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Sur le même moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore qu'il n'est pas démontré qu'à la lecture du catalogue mis en ligne sur le site " www. laguiole. tm. fr ", le consommateur ait été trompé sur l'origine géographique de la multitude de produits de toute nature revêtus des marques comprenant le terme " Laguiole " en pensant qu'ils proviennent tous d'une petite commune rurale de 1 300 habitants et que, s'il est vrai que cette communication contient des éléments renvoyant à l'Aubrac, il ne peut être considéré que cette évocation, qui n'est pas celle de la commune de Laguiole, permette de caractériser les pratiques commerciales trompeuses invoquées ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le texte figurant sur le site internet " www. laguiole. tm. fr ", qui présentait les produits revêtus des marques utilisant le nom " Laguiole ", faisait expressément référence à " la ville de Laguiole ", décrite comme " notre village ", la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis ;

Sur le même moyen, pris en sa cinquième branche :

Vu l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient en outre, par motifs adoptés, que le texte repris par la société Polyflame Europe sur son site internet ne fait pas de référence particulière à la commune de Laguiole et en déduit que la présentation des produits revêtus des marques comportant le nom " Laguiole " ne peut être considérée comme fautive et trompant le consommateur sur l'origine des produits commercialisés par cette société ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le texte figurant sur le site internet " www. polyflame. com " faisait expressément référence à " la ville de Laguiole ", décrite comme " notre village ", la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis ;

Sur le troisième moyen, pris en sa...

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