Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 27 mai 2015, 14-11.387, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Mouillard
ECLIECLI:FR:CCASS:2015:CO00499
Case OutcomeRejet
CounselSCP Meier-Bourdeau et Lécuyer,SCP Monod,Colin et Stoclet
Date27 mai 2015
Docket Number14-11387
Appeal Number41500499
Subject MatterCONCURRENCE - Transparence et pratiques restrictives - Sanctions des pratiques restrictives - Déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties - Détermination - Critères - Impossibilité de prendre le risque d'être déréférencé - Absence de pouvoir réel de négociation de clauses contractuelles
CourtChambre Commerciale, Financière et Économique (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin 2015 n°5,IV, n°87

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 décembre 2013), que le ministre chargé de l'économie (le ministre) a assigné la société coopérative Groupement d'achat des centres distributeurs Leclerc (le GALEC), sur le fondement des articles L. 442-6 III du code de commerce, aux fins de faire constater l'illicéité, au regard de l'article L. 442-6 I 2° de ce code, de certaines clauses contenues dans le contrat-cadre annuel signé avec ses fournisseurs, d'en prononcer la nullité, d'enjoindre au GALEC de cesser ces pratiques et de le condamner à une amende civile ; qu'au cours de l'instance devant le tribunal, le ministre a renoncé à sa demande de nullité ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le GALEC fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action du ministre alors, selon le moyen :

1°/ que l'autorité publique qui introduit, en application de l'article L. 442-6 du code de commerce, une action tendant à faire cesser une pratique contractuelle, doit informer par voie de notification ou tout autre acte de procédure les parties aux contrats concernés de l'introduction de l'action ; qu'en l'espèce, le ministre n'a pas informé de son action les fournisseurs avec lesquels le GALEC avait conclu les contrats comportant les clauses litigieuses ; qu'en retenant que l'action du ministre était recevable, aux motifs inopérants qu'il s'agissait d'une action propre du ministre destinée à la sauvegarde de l'ordre public, que le ministre pouvait agir pour empêcher la reprise des clauses pour l'avenir et qu'il avait abandonné certaines de ses prétentions, cependant que l'action était irrecevable en l'absence d'information des fournisseurs, quel que soit son objet précis, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6 du code de commerce, ensemble les garanties attachées au droit à un recours effectif ;

2°/ qu'en déclarant recevable l'action introduite par le ministre, tendant à faire cesser la pratique résultant de l'insertion de plusieurs clauses qualifiées d'illicites dans les contrats annuels conclus avec le GALEC, aux motifs que l'information des fournisseurs ne serait pas requise s'agissant de l'exercice d'une action propre destinée au maintien de l'ordre public économique et que le ministre aurait abandonné certaines de ses prétentions, sans répondre davantage aux conclusions de la société GALEC faisant valoir que la distinction entre action en nullité et action tendant à la cessation d'une pratique était sans emport au regard de l'obligation d'information, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que l'action tendant à la constatation de l'illicéité de clauses contractuelles de contrats exécutés ou en cours d'exécution et à l'absence de reprise de ces clauses pour l'avenir intéresse nécessairement l'ensemble des parties aux contrats comportant de telles clauses ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les clauses litigieuses étaient insérées dans des contrats exécutés ou en cours d'exécution ; qu'en déclarant recevable l'action introduite par le ministre chargé de l'économie visant à faire cesser la pratique de plusieurs clauses stipulées dans les contrats annuels conclus avec le GALEC, aux motifs qu'en agissant ainsi, le ministre n'intervenait pas dans la sphère contractuelle, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a ainsi violé l'article L. 442-6 du code de commerce, ensemble les articles 1134 et 1165 du code civil ;

Mais attendu qu'il résulte de la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2011-126 QPC du 13 mai 2011, que c'est seulement lorsque l'action engagée par l'autorité publique tend à la nullité des conventions illicites, à la restitution des sommes indûment perçues et à la réparation des préjudices que ces pratiques ont causés, que les parties au contrat doivent en être informées ; qu'ayant constaté que l'action du ministre ne tendait qu'à faire cesser, pour l'avenir, l'insertion de clauses, jugées illicites au regard de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce, dans les contrats annuels conclus entre le GALEC et ses fournisseurs, la cour d'appel, répondant, en les écartant, aux conclusions prétendument délaissées, a, à bon droit, retenu que cette action était recevable ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que le GALEC fait grief à l'arrêt de dire que différentes clauses des contrats qu'elle a conclus avec ses fournisseurs contreviennent aux dispositions de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce, en conséquence, de lui enjoindre de cesser pour l'avenir la pratique consistant à mentionner ces clauses dans ses contrats commerciaux et de prononcer une amende civile alors, selon le moyen :

1°/ que l'article L. 442-6, I 2° sanctionne le fait de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; que l'application de cet article exige donc la preuve d'une contrainte, qui ne peut s'entendre que d'une pression ou menace ou de leur tentative ayant contraint un des cocontractants à accepter une clause qu'il n'aurait pas acceptée sans cette menace ; qu'en affirmant que la soumission était caractérisée par l'insertion des clauses litigieuses dans les contrats dès lors qu'il n'y a pas de réel pouvoir de négociation pour les fournisseurs, sans constater que le GALEC avait contraint ses contractants à accepter les clauses litigieuses, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6 I, 2° du code de commerce ;

2°/ qu'à supposer même que la condition de soumission puisse être caractérisée par l'absence de pouvoir de négociation, ce pouvoir doit nécessairement s'apprécier au regard de chaque cocontractant ; qu'en affirmant de manière générale que la condition de soumission était démontrée par la seule absence de pouvoir réel de négociation pour les fournisseurs et que ces derniers ne pouvaient se permettre de cesser leurs relations commerciales, cependant que l'existence d'une contrainte ne pouvait s'apprécier qu'in concreto, pour chaque fournisseur, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6 I, 2° du code de commerce, ensemble l'article 1315 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté que les clauses litigieuses étaient insérées dans tous les contrats signés par les fournisseurs, lesquels ne disposaient pas du pouvoir réel de les négocier, et relevé que les fournisseurs, dont seuls 3 % étaient des grands groupes, ne pouvaient pas prendre le risque d'être déréférencés par le GALEC qui détenait, en 2009, 16,9 % des parts du marché de la distribution, la cour d'appel, qui n'a pas procédé par affirmation générale, a pu en déduire que les fournisseurs avaient été soumis aux exigences du GALEC, caractérisant ainsi l'existence d'une soumission au sens de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que le GALEC fait grief à l'arrêt de dire que le paragraphe 5 de l'article I du contrat-cadre annuel 2009, en ce qu'il exclut l'application des conditions générales de vente des fournisseurs à toute livraison de produits ou prestations de services du fournisseur au profit des conditions d'achat du GALEC, crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au détriment du fournisseur, de lui enjoindre, en conséquence, de cesser pour l'avenir la pratique consistant à mentionner cette clause dans ses contrats commerciaux et de prononcer une amende civile alors, selon le moyen :

1°/ qu'en affirmant que le GALEC ne justifiait pas des conditions d'opposabilité des conditions générales de vente et ne précisait pas les règles de confrontation entre les conditions générales d'achat (CGA) et les conditions générales de vente (CGV), cependant que cette société faisait valoir, notamment, que le simple fait de contracter en connaissance des CGV entraînait leur opposabilité lorsque celles-ci figurent au dos des bons de livraison ou des factures et que les clauses des CGA contraires à celles des CGV ne pouvaient s'appliquer, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société Galec en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le GALEC pouvait être considéré comme ayant accepté les conditions générales de vente de ses fournisseurs et si les clauses de ces conditions générales prévoyant qu'elles prévalaient sur les conditions générales d'achat ne rendaient pas ces dernières inopposables aux fournisseurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 442-6 du code de commerce ;

3°/ que la cour d'appel a constaté que l'annexe III du contrat-cadre annuel signé avec les fournisseurs précise que les conditions d'achat « se substituent aux conditions générales de vente du fournisseur lorsque les dispositions de ces conditions d'achat, contradictoires, avec les termes des conditions générales de vente du fournisseur, sont dûment acceptées par le fournisseur » ; qu'elle a ajouté que l'annexe III se trouvait dans tous les contrats-cadres ; qu'en jugeant que les conditions générales de vente des fournisseurs n'étaient pas appliquées dans les relations distributeur-fournisseur, cependant qu'il résultait de ses propres constatations qu'elles s'appliquaient, à tout le moins, en l'absence de stipulations contradictoires des conditions générales d'achat, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1134 du code civil et L. 442-6 du code de commerce ;

4°/ que le déséquilibre significatif visé à l'article L. 442-6, I 2° doit traduire un allégement des obligations d'une partie sans contrepartie ; qu'en jugeant que le paragraphe 5 de l'article I du contrat cadre annuel 2009 créait un déséquilibre significatif dans les droits et...

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