Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 11 janvier 2017, 15-18.429, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Mouillard
ECLIECLI:FR:CCASS:2017:CO00038
Case OutcomeCassation partielle
Date11 janvier 2017
Docket Number15-18429
CitationSur l'impossibilité pour l'administration d'opérer une compensation lorsqu'elle a renoncé à une imposition, cf. :CE, 28 juin 1991, n° 63066, publié au Recueil Lebon
CounselSCP Boullez,SCP Le Bret-Desaché,SCP Thouin-Palat et Boucard
Appeal Number41700038
CourtChambre Commerciale, Financière et Économique (Cour de Cassation de France)

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Statuant tant sur le pourvoi principal formé par Mmes X... et Y... et M. Z... que sur le pourvoi incident provoqué relevé par Mme A... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Germaine Olga B..., veuve de Louis C..., est décédée le 27 mai 2002 en laissant comme légataires universels une soeur décédée depuis, Bernadette B..., épouse Z..., trois nièces, Mmes Monique Z..., épouse A..., Marielle D..., épouse X... et Chantal D..., épouse Y... (Mmes A..., X... et Y...) et un neveu, M. Alain Z... ; que la déclaration de succession de Germaine Olga B..., déposée le 21 janvier 2003, mentionnait notamment une maison et un passif successoral représentant le prix de vente de tableaux dont la propriété était revendiquée par les petits-enfants de Louis C... issus de son premier mariage ; qu'à la suite de la vente de la maison, le 12 avril 2006, à un prix inférieur à sa valeur déclarée, deux déclarations de succession rectificatives ont été déposées, réduisant cette valeur, et les légataires ont demandé la restitution des droits de succession payés en trop ; qu'après rejet de leur demande par l'administration fiscale, les légataires ont saisi le tribunal de grande instance aux mêmes fins ; que, le 19 mai 2008, l'administration fiscale leur a notifié une proposition de rectification du passif successoral réintégrant à l'actif le prix de vente des tableaux au motif qu'il ne constituait pas une dette certaine ; qu'après rejet de leur réclamation et paiement du supplément d'imposition en résultant, les légataires ont saisi le même tribunal, en se prévalant de la prescription du droit de reprise de l'administration, afin d'être déchargés de cette dernière imposition ; que les instances ont été jointes par le tribunal après que M. Z... et Mme A... furent intervenus en leur qualité d'héritiers de leur mère, Bernadette B..., décédée le 22 mai 2011 ; que devant le tribunal, tous les légataires ont persisté à invoquer la prescription du droit de reprise de l'administration en ce qui concerne la remise en cause du passif déclaré mais que seule Mme A..., agissant tant à titre personnel qu'en qualité d'ayant droit de sa mère, a demandé un dégrèvement à raison de la surévaluation de la maison et admis l'exercice de la compensation prévue par l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, tandis que les autres légataires demandaient la restitution de l'imposition versée à raison de la réintégration dans l'actif successoral du passif déclaré correspondant au prix de vente des tableaux sus-évoqués, en s'opposant à la compensation invoquée par l'administration fiscale ; que Mmes X... et Y... et M. Z..., ce dernier agissant tant à titre personnel qu'en qualité d'ayant droit de sa mère, ont relevé appel de la décision du tribunal et que l'administration fiscale a relevé appel incident sur le refus du bénéfice de la compensation à l'égard de M. Z..., pris en sa double qualité, ainsi que de Mmes X... et Y... et de Mme A... prise en sa qualité d'ayant droit de sa mère ; que, devant la cour d'appel, Mmes X... et Y... et M. Z... ont repris leurs demandes de première instance ainsi que demandé un dégrèvement à raison de la surévaluation de la maison ; que l'administration fiscale n'a pas opposé le caractère nouveau de cette dernière demande et n'a pas remis en cause la prescription de son droit de reprise ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident, qui est recevable :

Attendu que Mme A... fait grief à l'arrêt de réformer le montant du dégrèvement retenu à son profit par le jugement, en sa qualité d'ayant droit de sa mère, alors, selon le moyen :

1°/ que celui qui a obtenu satisfaction en première instance est irrecevable, faute d'intérêt, à faire appel ; qu'il résulte du jugement entrepris que les droits dus par Mme A... sur la succession de Germaine Olga B... doivent être calculés compte tenu d'une valeur vénale de la propriété de Bazoches-sur-Guyonne de 1 280 000 euros et de l'exercice par l'administration fiscale de son droit de compensation avec la créance de 2 666 264, 98 euros des consorts E... portée au passif de la déclaration initiale de succession ; qu'en infirmant le jugement entrepris, en ce qui concerne la compensation légale et le dégrèvement prononcés au profit de Mme A..., au vu des prétentions émises par l'administration fiscale à son encontre, après avoir retenu l'application de la compensation légale, quand le jugement entrepris en avait déjà reconnu le bénéfice à l'égard de Mme A... pour calculer le montant des droits, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à établir que l'administration fiscale avait intérêt à relever appel des dispositions du jugement précité ; qu'ainsi, elle a violé l'article 546 du code de procédure civile ;

2°/ qu'il ressort des écritures de l'administration fiscale qu'elle a seulement sollicité le bénéfice de la compensation légale prévue à l'article L. 203 du livre des procédures fiscales dans ses rapports avec les consorts X..., Y..., Z... et B..., sans contester les autres dispositions du jugement entrepris fixant la valeur vénale de la propriété de Bazoches-sur-Guyonne à 1 280 000 euros dans ses rapports avec Mme A..., ni critiquer expressément le calcul des dégrèvements retenus par le jugement entrepris ; qu'en infirmant les dispositions précités du jugement entrepris, dans les rapports entre l'administration fiscale et Mme A..., bien que l'administration fiscale ait seulement sollicité l'application des dispositions de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales dans ses rapports avec les consorts X..., Y..., Z... et B..., au soutien de son appel incident, la cour d'appel a violé les articles 4 et 562 du code de procédure civile ;

3°/ qu'à défaut de comparution de l'intimé, le juge ne fait droit à l'appel que dans la mesure où il l'estime régulier, recevable et bien-fondé ; qu'en s'appropriant purement et simplement le calcul par l'administration fiscale du montant du dégrèvement prononcé au profit de Mme A... après avoir réformé le jugement entrepris en ce qui concerne les droits et obligations de Mme A... qui n'avait pas comparu, au vu des prétentions fiscales émises à son encontre par l'administration fiscale, sans vérifier le bien-fondé du montant du dégrèvement, tel qu'il était déterminé par l'administration fiscale à la somme de 109 630 euros, la cour d'appel a violé l'article 472, alinéa 2, du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte de l'arrêt et des productions que Mme A... n'avait pas constitué avocat en cause d'appel et que l'administration fiscale, qui avait relevé appel incident du rejet de sa demande de compensation tant à l'égard de Mmes X... et Y... et de M. Z... que de Mme A... en sa qualité d'ayant droit de Bernadette B..., lui avait signifié ses conclusions par lesquelles elle soutenait que le dégrèvement octroyé par le tribunal devait être limité à une certaine somme ; que l'arrêt relève que l'évaluation de la maison n'était plus discutée et retient que l'inscription injustifiée de la somme litigieuse au passif de la succession constituait une insuffisance dans l'assiette de l'imposition, au sens de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales ; que la cour d'appel a pu déduire de ces constatations que l'administration fiscale avait intérêt à relever appel incident et, appréciant souverainement les calculs opérés par cette dernière, fixer le montant du dégrèvement bénéficiant à Mme A... en sa qualité d'ayant droit de Bernadette B... ; que le moyen, qui manque en fait en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le second moyen du même pourvoi :

Attendu que Mme A... fait grief à l'arrêt d'ordonner la compensation alors, selon le moyen :

1°/ que la compensation n'est possible que pour des insuffisances ou omissions qui sont constatées, dans l'assiette ou le calcul de l'imposition, au cours de l'instruction de la demande en décharge ; qu'en l'espèce il résulte des propres constatations de la cour d'appel que la somme de 2 666 264, 98 euros inscrite au passif apparaissait, dans la déclaration de succession enregistrée le 21 janvier 2003, comme « représentant des oeuvres d'art revendiquées par les consorts E...... cette revendication ayant donné lieu à la saisine de juridictions compétentes » et qu'« il apparaît que l'administration fiscale disposait de tous les éléments et était en mesure d'opérer la réintégration dès le dépôt de la déclaration initiale enregistrée le 21 janvier 2003, sans avoir besoin de procéder à des recherches ultérieures, si elle considérait que l'existence d'une procédure en cours, dont elle avait toutes les données et toutes les références, ne justifiait pas l'inscription de la somme au passif de la succession » ; qu'il résultait de ces constatations que l'administration fiscale avait connaissance, antérieurement à l'instruction de la réclamation des consorts Z... – D... présentée en 2007, du caractère non certain de cette dette de la succession en l'absence d'une décision passée en force de chose jugée sur cette revendication et que l'administration s'était ainsi délibérément abstenue de recouvrer l'insuffisance d'imposition résultant de la comptabilisation irrégulière de ce passif avant l'instruction de ladite réclamation ; qu'en jugeant néanmoins que « l'inscription [des 2 666 264 euros] au passif de la déclaration de succession... constitue une insuffisance dans l'assiette de l'imposition concernée, au sens de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales », la cour d'appel, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, au regard de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales ;

2°/ qu'il résultait de même des constatations susmentionnées de l'arrêt que l'insuffisance d'imposition avait pour origine l'abstention délibérée de l'administration fiscale, avant l'instruction de la réclamation des consorts...

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