Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 11 janvier 2017, 15-15.750, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Mouillard
ECLIECLI:FR:CCASS:2017:CO00012
Case OutcomeCassation partielle
Date11 janvier 2017
Appeal Number41700012
CounselSCP Bénabent et Jéhannin
Docket Number15-15750
CourtChambre Commerciale, Financière et Économique (Cour de Cassation de France)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., auteur, compositeur, arrangeur, orchestrateur et réalisateur sous le pseudonyme de Prince AK, est l'auteur des paroles, avec M. Z..., dit Y..., pour la musique, de la chanson intitulée « Allo Papy » mettant en scène une enfant prénommée Lili, enregistrée le 12 juin 2005 et, avec MM. Z... et A..., pour la musique, de la chanson intitulée « A l'école », mettant en scène un personnage dénommé « Bébé Lilly », écrite en mars 2006, dont les droits ont fait l'objet de contrats de cession et d'édition signés le 13 mars 2006 avec un éditeur ; que, le 26 mars 2006, un disque format single comprenant ces deux titres a été commercialisé par la société Heben Music sous l'intitulé « Allo Papy Bébé Lilly » ; qu'ayant appris que cette société avait déposé, le 1er juin 2006, la marque française verbale « Bébé Lilly » sous le numéro 3 432 222 pour désigner différents produits et services des classes 3, 9, 11, 14, 16, 18, 20, 21, 24, 25, 26, 28, 34, 38 et 41, et, le 27 novembre 2006, la marque internationale verbale « Bébé Lilly » sous le numéro 92090 pour désigner différents produits et services des classes 9, 16 et 38, M. X... l'a assignée, sur le fondement des articles L. 712-6 et L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle, pour dépôt frauduleux et trompeur, demandant le transfert à son profit des deux marques ; que M. X... ayant lui-même déposé une marque « Bébé Lilly », le 25 août 2010, sous le numéro 3 761 946 pour désigner divers produits et services en classes 9 et 41, la société Heben Music et MM. C... et B..., appelés en cause en qualité respectivement de mandataire et d'administrateur judiciaires de cette société, ont demandé, à titre reconventionnel, l'annulation de cette marque, sur le fondement de l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, pour atteinte aux droits antérieurs de la société Heben Music ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle, ensemble le principe « fraus omnia corrumpit » ;

Attendu qu'un dépôt de marque est entaché de fraude lorsqu'il est effectué dans l'intention de priver autrui d'un signe nécessaire à son activité ;

Attendu que pour rejeter la demande en revendication, pour dépôt frauduleux par la société Heben Music, des marques « Bébé Lilly » française n° 3 432 222 et internationale n° 92090, formée par M. X..., l'arrêt retient que celui-ci ne justifie pas de droits d'auteur sur la dénomination « Bébé Lilly » et qu'il ne démontre pas en quoi la société Heben Music aurait manqué à ses obligations contractuelles de loyauté en déposant une marque portant sur un signe sur lequel il ne justifie pas avoir de droits, les relations d'affaires, qui avaient existé entre eux, n'ayant créé aucune interdiction en ce sens ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si, en procédant à ces dépôts, la société Heben Music n'avait pas cherché à s'approprier la dénomination du personnage « Bébé Lilly », privant ainsi M. X... de toute possibilité d'exploiter ce dernier dans l'exercice de son activité et de développer des oeuvres le mettant en scène, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Sur le deuxième moyen :

Vu l'article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour rejeter la demande fondée sur le caractère déceptif des marques « Bébé Lilly » française n° 3 432 222 et internationale n° 92090, formée par M. X..., l'arrêt, après avoir énoncé que, selon l'article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle, ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service, retient que la tromperie sur l'origine et la paternité des oeuvres et des enregistrements n'est pas visée par cet article ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'une marque peut être déceptive lorsqu'elle est susceptible de tromper le consommateur sur la relation entre le signe qu'elle utilise et une oeuvre relevant de la protection par le droit d'auteur ou un droit dérivé, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen :

Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation intervenue sur les deux premiers moyens entraîne, par voie de conséquence, celle des chefs de l'arrêt déclarant nul l'enregistrement par M. X... de la marque « Bébé Lilly » n° 3 761 946 pour l'ensemble des produits et services qu'elle désigne en classes 9 et 41 et disant que la décision sera transmise à l'initiative de la partie la plus diligente au directeur de l'INPI, aux fins d'inscription au registre national des marques ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. X... fondées sur le dépôt frauduleux et le caractère trompeur des marques « Bébé Lilly » française n° 3 432 222 et internationale n° 92090, ainsi que la demande de transfert à son profit de ces marques déposées par la société Heben Music, déclare nul l'enregistrement par M. X... de la marque « Bébé Lilly » n° 3 761 946 pour l'ensemble des produits et services qu'elle désigne en classes 9 et 41 et dit que la décision sera transmise à l'initiative de la partie la plus diligente au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle, aux fins d'inscription au registre national des marques, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 27 janvier 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. C..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Heben Music, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille dix sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté les demandes de Monsieur X... tendant à voir dire et juger qu'en enregistrant à titre de marque le 1er juin 2006 (marque française) et le 27 novembre 2006 (marque internationale) la dénomination « Bébé Lilly » sans son autorisation alors qu'il disposait sur cette dénomination des droits d'auteur antérieurs, ou du moins un droit à la loyauté dans ses relations avec son éditeur, la société Heben Music a procédé, en connaissance de cause, à des dépôts frauduleux, ainsi que les demandes tendant à voir ordonner le transfert de propriété des marques française « Bébé Lilly » n° 34 32 222 et n° 920900 à son profit, ainsi que la transcription de ce transfert sur les registres de l'INPI et de l'OMPI aux frais de Monsieur C..., ès qualités, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

AUX MOTIFS QUE « M. X..., qui revendique des droits d'auteur sur le personnage de Bébé Lilly et sur le nom qui lui est donné, en ce qu'il est devenu titre générique d'une oeuvre, soutient que la société Heben Music a porté atteinte à ses droits ou tout du moins manqué à son devoir de loyauté d'éditeur à auteur en déposant en connaissance de cause, sans son autorisation, les marques litigieuses ; que Maître C... ès qualités conclut au mal fondé et au débouté de ses demandes ; qu'il soutient que M. X... échoue à démontrer ses droits d'auteur ou d'une antériorité opposable, alors qu'il résulte selon lui de l'ensemble des pièces produites que c'est la société Heben Music qui est à l'origine du concept du bébé virtuel chanteur et de son nom ; que, parmi les deux premiers titres co-écrits par M. X..., le personnage de " Bébé Lilly " n'apparaît expressément sous ce nom que dans le texte de la chanson " A l'école ", dont M. X... ne conteste pas qu'il l'a co-écrite en mars 2006 à la demande de la société Heben Music, qu'en effet, la chanson " Allo Papy ", co-écrite précédemment en juin 2005, se borne à mettre en scène une enfant prénommée Lili (surnom d'une des nièces de M. X... ayant interprété la chanson), qui interroge son grand-père sur le monde ; que cette chanson a, selon les déclarations de M. Z... dans son attestation manuscrite du 1er février 2010, été proposée une première fois en septembre 2005 à la société Heben Music, qui n'était pas intéressée ; que celui-ci indique ensuite que M. X... ayant eu l'idée de la faire interpréter par un enfant virtuel pour faire concurrence à " Ilona ", il a lui-même de nouveau démarché M. Hervé D... et que c'est en novembre 2005 " qu'Heben...

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