Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 9 décembre 2014, 13-22.212, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Frouin
ECLIECLI:FR:CCASS:2014:SO02270
CitationSur la rémunération du temps de trajet pris en dehors de l'horaire normal de travail et effectué en exécution des fonctions représentatives, lorsqu'il excède le temps normal de déplacement entre le domicile et le lieu de travail, à rapprocher :Soc., 12 juin 2013, pourvoi n° 12-12.806, Bull. 2013, V, n° 155 (cassation partielle)
Case OutcomeCassation partielle
Docket Number13-22212
Appeal Number51402270
CounselSCP Gatineau et Fattaccini,SCP Masse-Dessen,Thouvenin et Coudray
Date09 décembre 2014
CourtChambre Sociale (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin 2014, V, n° 281

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Aldi marché bois Grenier a engagé M. X... en qualité de chauffeur livreur le 13 octobre 1998 ; que le salarié, délégué syndical, membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de rappels de rémunération au titre du temps de trajet et des heures de délégation, alors, selon le moyen :

1°/ que le représentant du personnel ne doit subir aucune perte de rémunération en raison de l'exercice de son mandat ; qu'en conséquence, les temps de trajet effectués pour l'exécution des fonctions représentatives ne peuvent donner lieu à retenue sur salaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que l'employeur pouvait imputer sur le crédit d'heures de délégation du salarié le temps de trajet effectué en exécution des fonctions représentatives, de sorte que ce temps n'était plus rémunéré alors que le salarié subissait ainsi une perte de rémunération du fait de l'exercice de son mandat ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 2143-17 du code du travail ;

2°/ que l'existence d'un usage résulte de la généralité, de la constance et de la fixité de l'avantage en cause ; que pour écarter l'existence d'un usage en vigueur dans l'entreprise selon lequel le temps de trajet n'avait pas à être imputé sur les heures de délégation, la cour d'appel s'est bornée à retenir que le salarié ne rapportait pas la preuve de l'existence d'un usage répondant aux conditions de constance, généralité et fixité ; qu'en statuant, ainsi par voie de simple affirmation alors que le salarié soutenait qu'antérieurement à la retenue opérée, l'employeur n'avait jamais décompté le temps de trajet utilisé pour la mise en oeuvre des heures de délégation sur celles-ci, la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions du salarié et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que le crédit mensuel d'heures de délégation peut être dépassé en cas de circonstances exceptionnelles ; que le salarié faisait valoir que des risques psychosociaux graves existaient au sein de l'entreprise ; qu'en se bornant à affirmer que les circonstances exceptionnelles ne sont pas établies au cas d'espèce sans s'expliquer sur les risques psychosociaux évoqués par le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2143-13 et L. 4614-3 du code du travail ;

Mais attendu qu'en l'absence de prévision contraire par la loi, un usage ou un engagement unilatéral de l'employeur, le temps de trajet, pris pendant l'horaire normal de travail en exécution des fonctions représentatives, s'impute sur les heures de délégation ;

Et attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel qui a répondu aux conclusions sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et a constaté que n'était établie l'existence ni d'un usage, ni d'un engagement unilatéral de l'employeur, ni de circonstances exceptionnelles, a légalement justifié sa décision ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident de l'employeur :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de rappels de primes de panier, alors, selon le moyen :

1°/ que les primes de panier ne sont dues au titre de la rémunération des heures de délégation que si elles constituent des éléments de salaires ; qu'en l'espèce, le versement de la prime de panier de 30 francs (4, 57 euros) aux chauffeurs, prévu par l'article 5 de l'avenant du 31 janvier 2000 à l'accord de modulation du temps de travail, était subordonné à l'impossibilité pour ceux-ci en raison de leur travail d'être en Centrale et de bénéficier ainsi de la cantine pendant les heures d'ouverture de celle-ci, ce dont il s'évinçait qu'elle était constitutive d'un remboursement des frais occasionnés aux chauffeurs pour se nourrir à l'extérieur de l'entreprise ; qu'en condamnant néanmoins la société Aldi marché à verser à M. X... des primes de panier au titre de ses journées de délégation, lorsque celles-ci avaient la nature juridique de remboursement de frais, la cour d'appel a violé les articles L. 2143-17, L. 4614-6 et L. 1442-6 du code du travail et 5 de l'avenant du 31 janvier 2000 à l'accord de modulation du temps de travail du 23 novembre 1999 ;

2°/ que la prime de panier prévue à l'article 5 de l'avenant du 31 janvier 2000 à l'accord de modulation du temps de travail, n'est due au salarié que sous réserve de justifier ne pas se trouver en Centrale pendant les heures normales des repas ; qu'en faisant droit à la demande du salarié au titre de la prime de panier pendant les heures de délégation aux prétextes que l'employeur qui ne contestait pas l'utilisation faite par M. X... de ses heures de délégation, n'établissait pas le fait qu'il ne renseignait pas les cahiers de présence dans les magasins qu'il visitait, celui-ci ayant rappelé dans deux courriers en date du 23 septembre 2010 et du 8 mars 2012, qu'il renseignait le relevé d'heures auprès du service d'expéditions, que l'établissement situé à Bois Grenier ne possédait pas de restaurant d'entreprise, le salarié ne bénéficiant par ailleurs pas de tickets restaurants et que l'intégralité des primes, était en revanche versée depuis 2011 de sorte que les repas, non pris en charge par ailleurs, devaient donner lieu au versement de la prime sans distinguer selon que le salarié est en délégation à l'extérieur de la Centrale ou pas, la cour d'appel a violé l'article 5 de l'avenant du 31 janvier 2000 à l'accord de modulation du temps de travail du 23 novembre 1999 ;

3°/ que le juge ne peut pas dénaturer les documents de la cause ; qu'il résultait en l'espèce d'un courrier du 10 avril 2005 signés par les chauffeurs d'Aldi Bois Grenier dont M. X... que « les chauffeurs de la centrale de Bois grenier, respectueux des procédures mises en place et soucieux de la pérennité de leur activité au sein de la société Aldi, tiennent à vous faire part des remarques suivantes : Nous avons accepté (...) que les primes de paniers soient supprimées si notre pause est prise en centrale » ; qu'en affirmant que ce courrier ne permettait pas de considérer que M. X... avait renoncé au bénéfice des dispositions susvisées de l'avenant du 31 janvier 2000, ce document ne pouvant s'analyser comme un accord collectif et s'inscrivant uniquement dans une démarche revendicative concernant l'ajustement des taux horaires entre deux établissements, la cour d'appel a dénaturé cette pièce en contradiction avec le principe susvisé ;

Mais attendu que l'utilisation des heures de délégation ne doit entraîner aucune perte de salaire ; que l'arrêt qui constate que la prime a un caractère forfaitaire et que, sans ses mandats représentatifs, le salarié aurait bénéficié des primes de panier qui lui étaient normalement attribuées, n'encourt pas les griefs du moyen ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi incident de l'employeur :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'un rappel de salaire correspondant à des demi-pauses, alors, selon le moyen, que l'article 3 de l'accord de modulation du 23 novembre 1999 dispose que « le temps de pause payé sera forfaitairement de trente minutes par jour travaillé, afin de compenser les journées de huit heures effectives » ; que cet accord ne prévoyait donc pas l'attribution automatique de ce forfait, mais en conditionnait l'octroi à l'accomplissement de journées de huit heures effectives ; qu'en analysant cette clause comme excluant que le paiement des temps de pause soit conditionné par la preuve des horaires effectués, les journées qui excédaient huit heures effectives de travail étant envisagées par les partenaires sociaux de façon globale, la cour d'appel a violé l'article 3 de l'accord de modulation du 23 novembre 1999 ;

Mais attendu que la cour d'appel a exactement décidé que l'article 3, alinéa 3, de l'accord de modulation du temps de travail du 23 novembre 1999 prévoyant que le temps de pause payé sera forfaitairement de trente minutes par jour travaillé afin de compenser les journées de plus de huit heures effectives, le paiement des temps de pause ne dépendait que de l'existence d'un jour travaillé ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen du pourvoi incident :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une somme au titre de frais de déplacement, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il incombe aux juges de caractériser les éléments constitutifs que sont la généralité, la constance et la fixité de l'usage instituant l'avantage dont le paiement est demandé ; qu'en se bornant à relever, pour faire droit à la demande du salarié au titre du remboursement des frais de déplacement entraînés par ses missions de membre du CHSCT sur la base du barème fiscal, que dans un procès-verbal du CHSCT en date du 30 juin 1999, dont il importait peu, selon elle, qu'il ne soit pas signé par l'employeur, la signature du président n'étant pas exigée à peine de nullité, la direction indiquait « la base de remboursement des frais de déplacement sera différente suivant le type de véhicule et sera calculée suivant le barème de l'administration fiscale » et que ce n'est que dix ans après que la société Aldi avait fait connaître son désaccord sur le contenu de ce procès-verbal, dénonçant un usage qu'elle ne pouvait prétendre avoir ignoré jusqu'alors ; qu'en statuant ainsi, sans constater la généralité, la constance et la fixité de la pratique consistant à rembourser les frais de déplacement entraînés par les missions de membre du CHSCT sur la base du barème fiscal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

2°/ que le juge ne peut dénaturer les documents de...

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