Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 8 décembre 2015, 14-19.589, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Mouillard
ECLIECLI:FR:CCASS:2015:CO01056
Case OutcomeRenvoi devant la cour de justice de l'u.e.
Appeal Number41501056
Docket Number14-19589
CounselSCP Baraduc,Duhamel et Rameix,SCP Célice,Blancpain,Soltner et Texidor,SCP Piwnica et Molinié
Date08 décembre 2015
Subject MatterUNION EUROPEENNE - Cour de justice de l'Union européenne - Question préjudicielle - Interprétation des actes pris par les institutions de l'Union - Règlement (CE) n° 2200/96 du Conseil du 28 octobre 1996 - Article 11, § 1 - Règlement (CE) n° 1182/2007 du Conseil du 26 septembre 2007 - Article 3, § 1 - Règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007 - Article 122, alinéa 1er - Prohibition des ententes anticoncurrentielles - Domaine d'application - Pratiques de fixation collective d'un prix minimum, de concertation sur les quantités mises sur le marché ou d'échange d'informations stratégiques - Exclusion
CourtChambre Commerciale, Financière et Économique (Cour de Cassation de France)

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches :

Vu l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, saisie par le ministre chargé de l'économie de la situation de la concurrence dans le secteur de la production et de la commercialisation des endives, l'Autorité de la concurrence (l'Autorité) a, par décision n° 12-D-08 du 6 mars 2012, dit établi que l'Association des producteurs d'endives de France (l'APEF), l'Association des producteurs vendeurs d'endives (l'APVE), le Comité économique fruits et légumes du Nord de la France (le CELFNORD), le Comité économique régional agricole fruits et légumes (le CERAFEL), la Fédération du commerce de l'endive (la FCE), la Fédération nationale des producteurs d'endives (la FNPE), devenue l'Union des endiviers, la Section nationale endives (la SNE), la société Groupe Perle du Nord et les organisations de producteurs suivantes : Cap'Endives, Fraileg, France Endives, Marché de Phalempin, Primacoop, Prim'Santerre, Soleil du Nord, Sipema et Valois-Fruits avaient enfreint les dispositions de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE, devenu l'article 101, paragraphe 1, TFUE, et de l'article L. 420-1 du code de commerce, en participant à une entente complexe et continue sur le marché français, ayant consisté en une concertation sur le prix des endives, au moyen de différents dispositifs, tels que la diffusion hebdomadaire d'un prix minimum, la fixation d'un cours pivot, la mise en place d'une bourse aux échanges, la fixation d'un prix cliquet et l'usage détourné du mécanisme des prix de retrait, en une concertation sur les quantités d'endives mises sur le marché et en un système d'échanges d'informations stratégiques ayant servi à mettre en place une police des prix, ces pratiques ayant eu pour objet la fixation en commun d'un prix minimum de vente à la production d'endives et ayant permis aux producteurs et à plusieurs de leurs organisations professionnelles de maintenir des prix de vente minima, et ce, pendant une période ayant débuté en janvier 1998 et toujours en cours à la date de la décision ; que des sanctions pécuniaires ont été prononcées ;

Attendu que la cour d'appel de Paris, par arrêt du 15 mai 2014, a réformé la décision de l'Autorité et dit qu'il n'était pas établi que les organismes en cause avaient enfreint les dispositions de l'article 101, paragraphe 1, TFUE et de l'article L. 420-1 du code de commerce ;

Que la cour d'appel, après avoir constaté que le règlement (CEE) n° 1035/72 du 18 mai 1972 portant organisation commune des marchés (OCM) dans le secteur des fruits et légumes, applicable durant la période antérieure à celle visée par les pratiques reprochées, avait confié aux organisations de producteurs (OP) la mission de régulariser les prix au stade de la production et, qu'à cette fin, les OP et leurs associations (les AOP) pouvaient fixer un prix de retrait en dessous duquel les OP ne mettaient pas en vente les produits apportés par leurs adhérents, a relevé que le règlement (CE) n° 2200/96 du 28 octobre 1996, applicable à l'espèce, n'avait pas mis fin à la mission de régularisation des prix à la production confiée aux OP, ni à la possibilité pour ces organisations de mettre en place un prix de retrait ; qu'elle a précisé que le règlement (CE) n° 1182/2007 du 26 septembre 2007, dont les dispositions avaient ensuite été intégrées dans le règlement (CE) n° 1234/2007, avait également fixé à l'OCM fruits et légumes plusieurs objectifs dont celui de renforcer la position des producteurs sur le marché en regroupant l'offre et qu'il continuait de permettre des mécanismes d'intervention, les OP ayant toujours les mêmes missions, notamment celles d'assurer la programmation de la production et son adaptation à la demande, en quantité et en qualité, d'optimiser les coûts de production et de régulariser les prix à la production, et pouvant toujours mettre en place des retraits, ces mécanismes devant cependant s'inscrire dans le cadre d'une politique de prévention et de gestion des crises ; qu'elle a déduit de ces premières constatations que, pendant toute la période visée par le grief, tant la réglementation de l'OCM, mise en place dans le secteur des fruits et légumes, que les dispositions du droit interne avaient, pour les besoins de la réalisation des objectifs fixés par la politique agricole commune, attribué aux OP et aux AOP des missions s'inscrivant dans le cadre de règles dérogatoires au droit de la concurrence, notamment en ce qui concerne la régularisation des prix, dans une optique de gestion de l'offre ; qu'elle a, ensuite, relevé que le règlement (CE) n° 1234/2007 avait également institué un régime dérogatoire au droit de la concurrence en permettant aux OP de se regrouper au sein d'AOP de gouvernance, n'ayant pas la charge de la commercialisation, et exerçant les activités des OP, notamment aux fins de régularisation des prix à la production, et disposant du droit de se concerter ; qu'elle a ajouté que le règlement d'exécution n° 543/2011 du 7 juin 2011 n'a pas remis en question la pratique des prix de retrait ni la possibilité de prendre des mesures de dénaturation ; que, s'appuyant, ensuite, sur l'analyse, qu'elle a jugée nuancée, du Conseil de la concurrence dans son avis n° 08-A-07 du 7 mai 2008 quant à la portée de la notion de « régularisation des prix » contenue dans les règlements portant OCM, la cour d'appel a considéré que cette analyse n'excluait pas formellement la thèse des OP et des organismes poursuivis selon laquelle les pratiques reprochées de fixation collective de prix minimum relevaient de leur mission de stabilisation des cours et de régularisation des prix à la production, prévue par les règlements n° 2200/96, 1182/2007 et 1234/2007 ; qu'elle a déduit de l'ensemble de ces constatations et appréciations et, en l'état des difficultés d'interprétation de la réglementation OCM sur l'étendue exacte et les limites de la mission de régularisation des prix assignée aux organismes mis en cause dans le cadre du régime dérogatoire au droit de la concurrence découlant de l'application des règles de la politique agricole commune, qu'il n'était pas établi que la diffusion de consignes de prix minimum était, en toutes circonstances, nécessairement et définitivement prohibée, de sorte qu'il n'était pas indiscutablement établi que les organismes en cause étaient sortis des limites des missions qui leur étaient légalement attribuées en matière de régularisation des prix ;

Attendu que l'Autorité fait grief à l'arrêt de statuer ainsi et de dire qu'il n'est pas établi que les organisations de producteurs et organismes poursuivis ont enfreint les dispositions de l'article 101, paragraphe 1, TFUE et de l'article L. 420-1 du code de commerce alors, selon le moyen :

1°/ qu'en énonçant que « tant les règlements OCM que des dispositions de droit interne, pour les besoins de la réalisation des objectifs fixés par la politique agricole commune, ont attribué aux organismes collectifs mis en cause des missions particulières s'inscrivant dans un cadre dérogatoire au droit de la concurrence », que « les règlements OCM et les dispositions (¿) du code rural (¿) ont (¿) confié aux OP et aux AOP des missions s'inscrivant dans le cadre de règles dérogatoires au droit de la concurrence », et que « l'OCM unique a également institué un régime dérogatoire au droit de la concurrence en permettant aux producteurs de se regrouper au sein d'AOP de gouvernance au sein desquelles ils disposent du droit de se concerter », cependant qu'en dehors de l'application des dérogations expresses à l'application de l'article 101 § 1 TFUE instaurées par les règlements portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce des produits agricoles, l'exercice des missions dévolues aux organisations de producteurs et associations de ces organisations ne pouvait se concevoir que dans le respect des règles de concurrence, la cour d'appel a violé les articles 101 et 288 TFUE, 1 et 2 du règlement n° 26/62 du Conseil du « 20 avril 1962 », 1 et 2 du règlement (CE) n° 1184/2006 du Conseil du 24 juillet 2006, 175 et 176 du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007 et L. 420-1 du code de commerce ;

2°/ que le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et ne peut justifier sa décision en se fondant sur l'obscurité ou l'insuffisance de la loi ; qu'en invoquant les « difficultés d'interprétation de la réglementation OCM sur l'étendue exacte et les limites de la mission de « régularisation des prix » assignée aux organismes mis en cause dans le cadre du régime dérogatoire au droit de la concurrence découlant de l'application des règles de la politique agricole commune » pour considérer que la diffusion de consignes de prix minimum n'était pas, en toutes circonstances, nécessairement et définitivement prohibée, et en se fondant sur le fait que « les limites de la mission de régularisation des prix n'apparaiss ai ent pas fixées de manière incontestable » pour juger qu' « il n' était pas ainsi indiscutablement démontré que les organisations mises en cause étaient sorties des limites des missions légales », la cour d'appel a violé les articles 4 du code civil et 12 du code de procédure civile ;

Attendu que, selon les articles 1 et 2 du règlement (CEE) n° 26 du Conseil du 4 avril 1962 et du règlement (CE) n° 1184/2006 du Conseil du 24 juillet 2006, portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce des produits agricoles, et les articles 175 et 176 du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007, portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (dit règlement «OCM unique »), les règles de concurrence s'appliquent à la production et...

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