Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 21 novembre 2018, 17-11.122, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
ECLIECLI:FR:CCASS:2018:SO01671
Case OutcomeCassation partielle
Docket Number17-11122
Date21 novembre 2018
CounselSCP Lyon-Caen et Thiriez,SCP Thouvenin,Coudray et Grévy
Appeal Number51801671
CourtChambre Sociale (Cour de Cassation de France)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé le 9 février 2005 par la société Atos Euronext en qualité de chef de projet, M. Y... a été affecté ultérieurement par avenant auprès d'Atos Origin Malaisie pour une mission de deux ans renouvelable, jusqu'au 30 juin 2012, l'activité informatique de cotation de marché exercée par l'employeur étant reprise par la société Nyse technologies aujourd'hui dénommée Euronext technologies ; que par lettre du 13 août 2012, M. Y... a été licencié pour motif personnel ; qu'estimant que son licenciement était nul, il a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen pris en ses trois premières branches, les deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyens du pourvoi principal de l'employeur et sur les premier et deuxième moyens du pourvoi incident du salarié :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du licenciement, d'ordonner la réintégration du salarié dans un emploi équivalent en matière de fonction, de responsabilités et de rémunération ainsi qu'à lui verser, en deniers ou en quittance, le montant des salaires entre le 15 novembre 2012 jusqu'à la date de réintégration, sur la base d'une rémunération mensuelle brute de 6 750 euros, revalorisée sur la base de la moyenne des augmentations générales dans l'entreprise depuis 2000 augmentée d'un 13e mois, dont sont à déduire les sommes qui ont été versées à titre de revenus de remplacement, alors, selon le moyen, que seule la référence, dans la lettre de licenciement, à une action judiciaire effectivement engagée par le salarié est susceptible de constituer une atteinte effective au droit d'agir en justice et ce faisant, de justifier l'annulation du licenciement ; qu'en affirmant que la référence à la procédure envisagée par le salarié était constitutive d'une atteinte à la liberté fondamentale d'agir en justice entraînant à elle seule la nullité du licenciement, la cour d'appel a violé, par fausse application, les dispositions de l'article L. 1121-1 du code du travail, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la lettre de licenciement reprochait notamment au salarié d'avoir menacé l'employeur d'entamer des procédures à l'encontre de la société, la cour d'appel en a exactement déduit que la seule référence dans la lettre de rupture à une procédure contentieuse envisagée par le salarié était constitutive d'une atteinte à la liberté fondamentale d'ester en justice entraînant à elle seule la nullité de la rupture ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen du pourvoi incident du salarié :

Vu l'alinéa premier du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

Attendu qu'il résulte de ces textes qu'est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite ou susceptible d'être introduite par le salarié à l'encontre de son employeur ; que le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont il a pu bénéficier pendant cette période ;

Attendu que la cour d'appel, après avoir prononcé la nullité du licenciement pour atteinte au droit d'agir en justice, ordonne que soit déduit du rappel de salaires dû entre la date du licenciement et la date effective de réintégration du salarié dans l'entreprise, les sommes perçues à titre de revenus de remplacement ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit qu'il convient de déduire des sommes dues à M. Y... au titre du rappel de salaires entre le 15 novembre 2012 et jusqu'à la date effective de réintégration les sommes versées au salarié à titre de revenu de remplacement, l'arrêt rendu le 23 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Euronext technologies aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Euronext technologies à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Euronext technologies.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR dit nul le licenciement, en conséquence, d'AVOIR ordonné à la SAS EURONEXT de réintégrer M. Jean-Michel Y... dans un emploi équivalent en matière de fonction, de responsabilités et de rémunération ainsi qu'à lui verser, en deniers ou en quittance, le montant des salaires entre le 15 novembre 2012 jusqu'à la date de réintégration, sur la base d'une rémunération mensuelle brute de 6750 euros, revalorisée sur la base de la moyenne des augmentations générales dans l'entreprise depuis 2000 augmentée d'un 13ième mois, dont sont à déduire les sommes qui ont été versées à Monsieur Jean-Michel Y... à titre de revenu de remplacement ;

AUX MOTIFS QUE : « Monsieur Jean-Michel Y... sollicite le prononcé de la nullité de son licenciement en faisant valoir que les motifs en sont le fait qu'il a écrit différents mails et menacé de saisir les tribunaux alors qu'il s'agit de l'exercice de deux libertés fondamentales, la liberté d'expression et la liberté d'agir en justice, libertés dont la violation par l'employeur entraîne la nullité du licenciement, et qu'il a dénoncé la dégradation de ses conditions de travail, constitutive d'un harcèlement moral. La SAS EURONEXT TECHNOLOGIES répond que le licenciement disciplinaire est justifié par le fait que l'intéressé a dénigré à plusieurs reprise ses collègues dans des termes outrageants, visant à mettre en cause leur capacité à remplir les missions qui leur étaient assignées et se refusant à collaborer avec eux, et à faire pression sur son employeur pour obtenir une renégociation de son contrat au mieux de ses intérêts en impliquant le client. Elle soutient que la motivation du licenciement est étrangère à toute violation de la liberté d'expression ou du droit de saisir les tribunaux du salarié ainsi qu'à la dénonciation de harcèlement moral liée à la dégradation de ses conditions de travail. Dans la lettre du 13 août 2012 par laquelle la SAS EURONEXT TECHNOLOGIES a notifié à Monsieur Jean-Michel Y... son licenciement, il est mentionné ce qui suit : « Le 21 juin 2012, la Responsable Ressources Humaines vous adressait un projet de reconduction de votre expatriation conforme aux politiques de mobilité du groupe NYSE Euronext et à l'échange téléphonique de la semaine précédente. Le jour même vous lui répondiez que cela vous donnait « l'occasion de vous débarrasser de cette mission d'esclave », que vous ne vouliez plus en discuter et vous menaciez alors d'entamer des procédures à {'encontre de la société. » La seule présence dans la lettre de licenciement, fixant les limites du litige, d'une référence à une procédure contentieuse envisagée par le salarié objet du licenciement, est constitutive d'une atteinte à la liberté fondamentale d'ester en justice entraînant à elle seule la nullité de la rupture et rendant inopérant les autres griefs énoncés dans la lettre de licenciement que le juge n'a alors pas à vérifier. Le jugement est infirmé et la nullité du licenciement est prononcée. La nullité de ce licenciement a pour conséquence que Monsieur Jean-Michel Y... doit être réintégré dans l'entreprise, et qu'il a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration dans la limite des salaires dont il a été privé, et dont sont déduits, lorsque l'employeur le demande, ce qui est le cas en l'espèce, les revenus de remplacement et notamment les allocations de chômage. Aucune circonstance de l'espèce ne conduit à assortir l'obligation de réintégration d'une mesure d'astreinte, en raison de la disposition relative au versement de la rémunération. Le jugement est infirmé ».

1) ALORS QUE dans ses écritures, (Concl., p. 30), au soutien de sa demande tendant à ce que son licenciement soit déclaré nul, M. Y... s'est borné à faire état d'une violation de sa liberté d'expression et subsidiairement, de la volonté de son employeur de sanctionner la dénonciation de faits de harcèlement moral sans jamais à aucun moment se prévaloir d'une violation de son droit d'agir en justice et en particulier de la circonstance que son employeur aurait voulu sanctionner son intention de saisir la juridiction prud'homale ; qu'en affirmant que M. Y... sollicitait la nullité de son licenciement en faisant valoir que son employeur aurait violé sa liberté d'expression et son droit d'agir en justice, la cour d'appel, qui a dénaturé les écritures de M. Y..., a violé l'article 4 du code de procédure civile, ensemble le principe suivant lequel il est...

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