Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 13 février 2019, 17-14.785, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Mouillard (président)
ECLIECLI:FR:CCASS:2019:CO00199
Case OutcomeCassation partielle
Docket Number17-14785
Appeal Number41900199
Date13 février 2019
CounselMe Bouthors,Me Le Prado
CourtChambre Commerciale, Financière et Économique (Cour de Cassation de France)
Subject MatterPRET - Prêt d'argent - Prêteur - Etablissement de crédit - Responsabilité - Manquement au devoir de mise en garde - Préjudice - Perte d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé - Condition nécessaire - Impossibilité pour l'emprunteur de faire face au paiement des sommes exigibles au titre du prêt
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.


FB


COUR DE CASSATION


______________________



Audience publique du 13 février 2019

Cassation partielle


Mme MOUILLARD, président


Arrêt n° 199 FS-P+B


Pourvoi n° X 17-14.785



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E



_________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



_________________________




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :


Statuant sur le pourvoi formé par la société Banque CIC Nord Ouest, société anonyme, dont le siège est [...], contre l'arrêt rendu le 15 décembre 2016 par la cour d'appel de Caen (2e chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant à Mme D... B..., domiciliée [...], défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 15 janvier 2019, où étaient présents : Mme Mouillard, président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, M. Guérin, Mme Vallansan, M. Remeniéras, Mmes Graff-Daudret, Vaissette, Bélaval, Fontaine, conseillers, Mme Schmidt, M. Guerlot, Mmes Barbot, Brahic-Lambrey, Kass-Danno, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, Mme Labat, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations de Me Le Prado, avocat de la société Banque CIC Nord Ouest, de Me Bouthors, avocat de Mme B..., l'avis de Mme Henry, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le troisième moyen :

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 6 mars 2008, la société Banque Scalbert-Dupont CIN, devenue CIC Nord Ouest (la banque), a consenti à Mme B... un prêt destiné à financer l'acquisition d'un bien immobilier destiné à la location, remboursable in fine le 15 avril 2020 et garanti par le nantissement d'un contrat d'assurance vie souscrit par son intermédiaire ; que, le 14 juin 2013, Mme B... a assigné la banque en responsabilité pour avoir manqué à son obligation de mise en garde lors de l'octroi de ce prêt ;

Attendu que pour condamner la banque à payer à Mme B... la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient, d'abord, que les performances du contrat d'assurance vie nanti, ainsi que des autres placements détenus par Mme B..., présentaient un caractère aléatoire et que si, à l'échéance du prêt le 15 avril 2020, Mme B... ne disposait pas des fonds nécessaires à son remboursement, elle s'exposerait à la vente de l'appartement financé sans avoir l'assurance qu'elle en retirerait un prix suffisant pour apurer sa dette ; qu'il retient, ensuite, que la banque ne prouve pas s'être assurée que Mme B..., emprunteuse profane, avait pris conscience du risque d'endettement excessif auquel l'exposait cette opération ; qu'il retient, enfin, que ce manquement a fait perdre à Mme B... une chance de ne pas contracter le prêt litigieux et que le préjudice subi doit être évalué à 40 % du montant total des intérêts, arrondi à la somme de 100 000 euros ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le manquement d'une banque à son obligation de mettre en garde un emprunteur non averti sur le risque d'endettement excessif né de l'octroi d'un prêt prive cet emprunteur d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, la réalisation de ce risque supposant que l'emprunteur ne soit pas en mesure de faire face au paiement des sommes exigibles au titre du prêt, et qu'il résultait de ses constatations que le terme du prêt, remboursable in fine, n'était pas échu, de sorte que le risque, sur lequel la banque s'était abstenue de mettre Mme B... en garde, ne s'était pas réalisé, la cour d'appel, qui a indemnisé un préjudice éventuel, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de Mme B... tendant à ce qu'il soit enjoint à la société CIC Nord Ouest de préciser les éléments pris en considération pour le calcul du taux effectif global et notamment de préciser si le coût du nantissement est inclus ou non, l'arrêt rendu le 15 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne Mme B... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société CIC Nord Ouest la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Banque CIC Nord Ouest.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué

D'AVOIR condamné le CIC Nord Ouest à payer à Mme B... la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts.

AUX MOTIFS QU' «il est acquis que par acte sous seing privé en date du 6 mars 2008 la société CIC banque Scalbert-Dupont CIN a consenti à Mme D... B... un prêt in fine d'un montant de 110 680 € et un prêt relais d'un montant de 22 174 € pour financer l'acquisition en VEFA d'un appartement destiné à la location dans une résidence de tourisme située à Equemauville dans le Calvados moyennant le prix de 142554 € ; que le premier prêt d'un montant de 110 680 € est un prêt in fine, "à remboursement DIVERS" dont les conditions particulières précisent qu'il est remboursable en capital et intérêts le 15 avril 2020 et que son coût total s'élève, assurance comprise, à la somme de 102623,99 € dont 90362,74 € au titre des intérêts au taux contractuel de 5,10 % l'an ; que le second prêt d'un montant de 22174 € est un prêt relais "à remboursement DIVERS" dont les conditions particulières précisent qu'il est remboursable en capital et intérêts le 15 avril 2010, les intérêts s'élevant à la somme de 2318,61€ ; que ce dernier prêt a été remboursé à l'échéance par Mme B... et n'est pas visé par sa demande indemnitaire qui concerne exclusivement le prêt de 110680 € ; que le prêt de 110 680 € était garanti par une prise d'hypothèque sur l'immeuble acheté et le nantissement du contrat d'assurance vie Assur Horizon souscrit par l'appelante par l'intermédiaire du CIC moyennant le versement d'une prime initiale de 80 000 €, le terme de l'adhésion étant fixé au 31 décembre 2020 ; que bien qu'envisagé dans ce cadre par le cabinet Alliance labellisation aucune des pièces produites ne prouve que cette acquisition s'est effectivement inscrite dans une opération de défiscalisation ; qu'il ressort par contre du même document que cet investissement locatif visait à procurer un revenu à l'appelante qui n'a exercé aucun emploi jusqu'à son divorce...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT