Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 27 mars 2019, 18-15.005, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Mouillard (président)
ECLIECLI:FR:CCASS:2019:CO00325
Case OutcomeCassation
CounselMe Bertrand,SCP Coutard et Munier-Apaire,SCP Bernard Hémery,Carole Thomas-Raquin,Martin Le Guerer
CitationA rapprocher : Com., 8 mars 2005, pourvoi n° 03-15.871, Bull. 2005, IV, n° 53 (cassation sans renvoi)
Appeal Number41900325
Date27 mars 2019
CourtChambre Commerciale, Financière et Économique (Cour de Cassation de France)
Docket Number18-15005
Subject MatterBREVET D'INVENTION ET CONNAISSANCES TECHNIQUES - Brevets d'invention - Règles d'action en justice - Saisie-contrefaçon - Déroulement - Personnes pouvant assister aux opérations de saisie-contrefaçon - Conseil en propriété industrielle ayant établi un rapport décrivant les caractéristiques du produit incriminé à l'initiative de la partie requérante MESURES D'INSTRUCTION - Expertise - Expert - Mission - Exclusion - Conseil en propriété industrielle assistant un huissier dans le cadre d'une saisie-contrefaçon de brevet
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société JC Bamford Excavators Limited que sur le pourvoi incident éventuel relevé par la société Manitou BF ;

Reçoit la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle et l'Association des conseils en propriété industrielle en leur intervention volontaire accessoire au soutien des prétentions de la société JC Bamford Excavators Limited ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société de droit britannique JC Bamford Excavators Limited (la société JCB), spécialisée dans la conception et la fabrication d'engins de travaux publics ou agricoles, a confié à deux conseils en propriété industrielle (CPI) la réalisation de tests sur une machine Manitou suspectée de contrefaçon, puis, s'appuyant sur le rapport d'expertise privée qu'ils ont déposé, décrivant les caractéristiques du matériel examiné, a assigné la société Manitou BF (la société Manitou) en contrefaçon des revendications 1 à 12 de la partie française du brevet européen n° 1 532 065 et 1 à 4, 6 à 10 et 13 de la partie française du brevet européen n° 2 263 965 dont elle est titulaire et obtenu, sur requête, une ordonnance l'autorisant à faire pratiquer, par un huissier assisté des mêmes CPI désignés comme experts, une saisie-contrefaçon portant sur le modèle examiné, dans les locaux de cette société ; que la société Manitou a formé une demande de rétractation de cette ordonnance ;

Attendu qu'en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation de l'article 7-1 de la directive n° 2004/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle et son application aux faits de l'espèce, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ;

Sur les premier, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième moyens du pourvoi incident éventuel :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal :

Vu l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article L. 615-5 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour rétracter l'ordonnance du 2 juin 2017 et ordonner l'annulation du procès-verbal de saisie-contrefaçon, la restitution des éléments saisis, la destruction immédiate par la société JCB du procès-verbal de saisie-contrefaçon et de l'ensemble des copies des éléments saisis, et interdire à la société JCB d'utiliser ou de communiquer, quelle que soit la procédure en France ou à l'étranger, le procès-verbal de saisie-contrefaçon, ainsi que les éléments saisis, l'arrêt relève que MM. M... et E... ont été désignés à deux reprises dans le même litige en contrefaçon opposant la société JCB à la société Manitou, d'abord pour procéder, à la demande de la société JCB, à des tests sur un véhicule Manitou qui ont donné lieu au dépôt d'un rapport d'expertise privée décrivant les caractéristiques du matériel examiné, puis, par ordonnance du 2 juin 2017 les désignant comme "experts judiciaires", pour assister l'huissier instrumentaire au cours des opérations de saisie-contrefaçon portant notamment sur le matériel examiné au cours de l'expertise privée ; qu'il retient qu'à l'évidence, des CPI ne peuvent, sans qu'il soit nécessairement porté atteinte au principe d'impartialité exigé par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, être désignés comme experts par l'autorité judiciaire alors qu'ils étaient antérieurement intervenus comme experts pour le compte de l'une des parties dans la même affaire relative à des faits de contrefaçon de brevet portant sur le même matériel ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le fait que le conseil en propriété industrielle de la partie saisissante ait, à l'initiative de celle-ci, établi un rapport décrivant les caractéristiques du produit incriminé ne fait pas obstacle à sa désignation ultérieure, sur la demande du saisissant, en qualité d'expert pour assister l'huissier dans le cadre d'une saisie-contrefaçon de brevet, sa mission n'étant pas soumise au devoir d'impartialité et ne constituant pas une expertise au sens des articles 232 et suivants du code de procédure civile, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le pourvoi incident ;

Et sur le pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Manitou BF aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société JC Bamford Excavators Limited la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour la société JC Bamford Excavators Limited

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé l'ordonnance du 5 octobre 2017, rétracté l'ordonnance du 2 juin 2017, ordonné l'annulation du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 16 juin 2017 à 9 h 30 au 17 juin 2017 à 2 h 15, la restitution immédiate des éléments saisis en son exécution, qu'ils soient en possession de l'huissier instrumentaire, de la société JCB, de ses conseils ou de toute autre personne à qui ces éléments ont été communiqués, la destruction immédiate par la société JCB du procès-verbal de saisie-contrefaçon des 16-17 juin 2017 et de l'ensemble des copies des éléments saisis, à ses frais, l'interdiction à la société JCB d'utiliser ou de communiquer, quelle que soit la procédure en France ou à l'étranger, le procès-verbal de saisie-contrefaçon des 16-17 juin 2017, ainsi que l'ensemble des éléments saisis et condamné la société JCB aux entiers dépens ainsi qu'à payer à la société Manitou une somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QU' « en ce qui concerne les moyens de rétractation totale ou partielle autres que celui, ci-après examiné, tiré du fait d'avoir requis la désignation de deux experts en violation du principe d'impartialité, l'argumentation développée par la société Manitou est identique à celle présentée en première instance ; que la cour confirmera l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté ces moyens pour les justes motifs qu'elle contient ;

Que pour rejeter le moyen tiré de la violation du principe d'impartialité résultant de ce que les conseils en propriété industrielle cités dans la requête avaient préalablement établi un rapport pour le compte de la société JC Bamford, le premier juge a estimé que le caractère déloyal de la requête n'était pas démontré dès lors que les conseils en propriété industrielle, du fait de leur statut déontologique, même si ce sont les conseils habituels du saisissant, sont autorisés à assister aux opérations de...

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