Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 22 mai 2019, 18-12.101, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Batut
ECLIECLI:FR:CCASS:2019:C100485
Case OutcomeCassation
Date22 mai 2019
CitationSur l'obligation de déclaration à la cellule Tracfin en cas de soupçon sur l'origine des fonds, cf. : CE, 31 mars 2004, n° 256355, publié au Recueil Lebon
Appeal Number11900485
Docket Number18-12101
CounselSCP Monod,Colin et Stoclet
CourtPremière Chambre Civile (Cour de Cassation de France)
Subject MatterOFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Obligations spécifiques - Obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme - Manquement - Nature - Détermination OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Discipline - Manquement - Définition - Non-respect de ses obligations relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après une inspection de l'étude dans laquelle il exerçait ses fonctions de notaire, M. D... (le notaire) a été poursuivi, à des fins disciplinaires, par le procureur de la République, pour avoir commis divers manquements à ses obligations dans treize dossiers distincts ;

Sur les quatrième et sixième moyens, ci-après annexés :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches :

Attendu que le notaire fait grief à l'arrêt de prononcer à son encontre la peine d'interdiction d'exercer les fonctions de notaire pendant trois ans, alors, selon le moyen :

1°/ que le notaire n'est pas tenu de se renseigner sur l'origine des fonds impliqués dans l'opération à laquelle il prête son concours, sauf à ce que ladite opération soit particulièrement complexe, ou d'un montant inhabituellement élevé, ou qu'elle ne paraisse pas avoir de justification économique ou d'objet licite ; qu'en reprochant au notaire de n'avoir pas vérifié l'origine des fonds employés par M. M... pour l'acquisition de l'immeuble de [...] reçue par acte authentique du 11 juillet 2012, sans établir que l'opération litigieuse présentait l'un des quatre caractères susvisés, la cour d'appel a violé les articles L. 561-5, L. 561-6, L. 561-10-2 et R. 561-12 du code monétaire et financier, 2 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels, 30 et 58 du règlement national du notariat ;

2°/ que le notaire déclare à la cellule de renseignement financier nationale les opérations portant sur des sommes dont il sait, soupçonne ou a de bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent d'une infraction ; que l'existence d'un soupçon raisonnable justifiant une déclaration s'apprécie au regard du risque de blanchiment que présentent le client ou l'opération en cause, en tenant compte des obligations de vigilance auxquelles le notaire est tenu ; qu'en reprochant au notaire de ne pas avoir adressé de déclaration de soupçon à Tracfin malgré les amendements apportés à l'acte authentique de vente du 11 juillet 2012 par rapport aux stipulations du compromis du 6 juillet 2011, le montant élevé de l'usufruit, le paiement du prix au moment de la promesse hors comptabilité du notaire et les versements opérés à partir d'un compte Carpa qu'elle relevait, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs impropres à établir l'existence de raisons sérieuses pour le notaire de soupçonner que les sommes employées par M. M... provenaient d'une infraction et devaient, par suite, faire l'objet d'une déclaration à Tracfin, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 561-15 et D. 561-32-1 du code monétaire et financier, 2 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels, 30 et 58 du règlement national du notariat ;

3°/ que le seul manquement du notaire à son obligation de vérification de l'origine des fonds employés par son client en matière de lutte contre le blanchiment ne saurait, en toute hypothèse, s'analyser en un manquement à ses devoirs déontologiques de probité, de sérieux et de conscience professionnelle ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 2, 3.2.1, 30 et 58 du règlement national du notariat ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que, suivant actes dressés les 9 et 11 juillet 2012, la Société [...] (la SAVIM) a vendu à M. M... la nue-propriété d'un ensemble immobilier situé à [...], au prix de 103 000 euros, et à la SCI Valampe, représentée par M. M..., l'usufruit de ce bien pendant dix-sept ans, au prix de 737 000 euros intégralement payé en dehors de la comptabilité du notaire, l'arrêt relève que l'acte authentique comporte des modifications substantielles par rapport aux stipulations de la promesse synallagmatique de vente, s'agissant des parties, de l'objet de la vente, des modalités de paiement, ainsi que des débiteurs du prix ; qu'il ajoute que le montant de l'usufruit est anormalement élevé, que le prix a été payé, contrairement aux usages, au moment de la promesse de vente et, de surcroît, pour 97 % hors la comptabilité de l'étude notariale, et que des versements ont été opérés à partir du compte Carpa de M. M..., avocat, ainsi que par le vendeur ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, desquelles il résultait que l'opération litigieuse présentait un caractère particulièrement complexe et que les circonstances l'entourant ne permettaient pas d'exclure tout soupçon sur la provenance des sommes en cause, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que le notaire était tenu de vérifier l'origine des fonds et de procéder à une déclaration auprès de la cellule Tracfin ; qu'elle en a exactement déduit que le non-respect, par le notaire, de ses obligations relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux édictées par les articles L. 561-1 et suivants du code monétaire et financier était constitutif d'un manquement disciplinaire prévu à l'article 30 du règlement national des notaires ; que le moyen, qui manque en fait en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur la quatrième branche du même moyen :

Vu les articles 3 de la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat, 2 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels, 3.2.3 et 58 du règlement national des notaires ;

Attendu que, pour prononcer la peine d'interdiction d'exercer les fonctions de notaire pendant trois ans, après avoir relevé que les circonstances et confusions entourant les actes de vente conclus entre la SAVIM, M. M... et la SCI Valampe auraient dû alerter le notaire et l'amener à des vérifications minimales, l'arrêt retient que celui-ci a méconnu les dispositions de l'article 3.2.3 du règlement national des notaires, aux termes duquel le notaire est tenu de prêter son ministère lorsqu'il en est requis, sauf à le refuser pour l'élaboration de conventions contraires à la loi ou frauduleuses ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir le caractère illicite ou frauduleux de la vente litigieuse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 2 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels, 3.2.3 et 58 du règlement national des notaires, ensemble l'article 150 U, II, du code général des impôts ;

Attendu que, pour statuer comme il le fait, après avoir constaté que la SCI Le Marroun a vendu à l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur un terrain pour un prix de 1 400 000 euros et que l'acte authentique dressé les 27 et 28 juin 2012 stipule que « l'opération entre dans le cadre de l'exonération des plus-values dans la mesure où elle porte sur la résidence principale de l'associé unique du cédant », l'arrêt relève qu'il ressort de la reconnaissance de conseil donné du 27 juin 2012 que le notaire avait pourtant considéré que « les différentes instructions laissent entendre que n'est susceptible de constituer une résidence principale relevant de l'exonération qu'une construction [...], définition qui ne semble pas pouvoir être étendue à une caravane » et que le vendeur « risque de se voir opposer par l'administration fiscale un refus quant à l'exonération d'impôt » ; qu'il ajoute que les doutes du notaire étaient tels qu'il avait pris la précaution de faire affecter en nantissement au profit de l'administration une somme de 436 742 euros représentant le montant de l'impôt sur la plus-value et des pénalités sur trois ans qui pourraient être réclamés au vendeur en cas de contestation ; qu'il en déduit que le notaire aurait dû refuser de prêter son ministère à la rédaction d'un acte authentique contraire à la légalité ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la caravane implantée sur le terrain cédé était attachée au fonds à perpétuelle demeure, de sorte qu'elle pouvait être regardée comme constituant un immeuble et, par suite, relever du champ d'application de l'exonération prévue à l'article 150 U, II, du code général des impôts, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles 21 et 22, alinéa 1, du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires ;

Attendu, aux termes du premier de ces textes, que l'acte notarié porte mention des documents qui lui sont annexés, que les procurations sont annexées à l'acte, à moins qu'elles ne soient déposées aux minutes du notaire rédacteur de l'acte, et que, dans ce cas, il est fait mention dans l'acte du dépôt de la procuration au rang des minutes ; que, selon le second, lorsque l'acte est établi sur support papier, les pièces annexées à l'acte sont revêtues d'une mention constatant cette annexe et signée du notaire ;

Attendu que, pour statuer comme il a été dit, après avoir relevé qu'à l'occasion de la vente conclue entre la SCI Saphir 52 et M. et Mme V..., la société venderesse était représentée à l'acte par M. K..., agissant en vertu des pouvoirs qui lui avaient été conférés aux termes d'une procuration sous seing privé du 18 novembre 2011, l'arrêt retient que, bien que cette procuration ait été jointe à l'acte, aucune mention de l'acte notarié ne précise qu'elle lui a été annexée ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, si l'acte notarié doit porter mention de la procuration, aucune disposition légale ou réglementaire n'exige qu'il précise que celle-ci lui est annexée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le cinquième moyen, pris en sa première branche :

Vu les...

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