Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 13 juin 2019, 18-19.100, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Batut
ECLIECLI:FR:CCASS:2019:C100559
Case OutcomeRejet
Date13 juin 2019
Appeal Number11900559
Docket Number18-19100
CounselSCP Garreau,Bauer-Violas et Feschotte-Desbois,SCP Potier de La Varde,Buk-Lament et Robillot
CourtPremière Chambre Civile (Cour de Cassation de France)
Subject MatterCONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 8 - Respect de la vie privée et familiale - Atteinte - Exclusion - Cas - Décision de rétractation d'un jugement d'adoption simple et d'annulation de l'adoption
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Reçoit Mme Z... I... en son intervention volontaire en qualité de curatrice à la personne de M. P... I... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 2 mai 2018), que X... I... est décédé le [...] , laissant pour lui succéder, d'une part, ses deux enfants, M. P... I... et Mme Z... I... (les consorts I...), nés de son union avec Mme L..., dont il était divorcé depuis le 1er mars 2004, d'autre part, Mmes O... et N... I...-W..., soeurs jumelles nées le [...] à La Havane (Cuba), qu'il avait adoptées par jugement du 26 avril 2007 ; que, le 3 avril 2015, Mmes I...-W... ont assigné les consorts I... en partage judiciaire de la succession ; que, le 7 septembre 2015, ces derniers ont formé tierce opposition au jugement d'adoption ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mmes I...-W... font grief à l'arrêt de déclarer recevable la tierce opposition formée par les consorts I... alors, selon le moyen :

1°/ que le motif hypothétique équivaut au défaut de motifs ; qu'en se fondant, pour dire que le tribunal appelé à statuer sur la requête en adoption n'avait pas posé à l'adoptant la question de l'éventuelle présence de descendants ainsi que le soutenaient les adoptées sans toutefois pouvoir s'en justifier au moyen du dossier de procédure ayant donné lieu au jugement d'adoption, celui-ci ayant été détruit selon les constatations de l'arrêt, sur la circonstance que s'il l'avait fait, il n'aurait pas pu se satisfaire de la réponse que celles-ci prêtent à ce dernier, la cour d'appel a statué par un motif hypothétique et violé ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que la charge de la preuve d'un dol ou d'une fraude imputable à l'adoptant, sans laquelle la tierce opposition au jugement d'adoption n'est pas recevable, incombe au tiers opposant ; qu'en retenant qu'il appartenait aux adoptées d'établir que l'adoptant avait informé le tribunal de l'existence de ses enfants biologiques, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé ainsi l'article 1315, devenu 1353, du code civil, ensemble l'article 353-2 du même code ;

3°/ que la recevabilité de la tierce opposition au jugement d'adoption ne se confond pas avec le bien fondé de la demande d'adoption ; qu'en retenant que l'omission de la présence d'enfants légitimes dans la requête aux fins d'adoption était constitutive d'une réticence dolosive rendant recevable la tierce opposition dès lors qu'elle « ne doit rien au hasard, mais participe, au contraire, de la volonté d'un père de déposséder, autant que la loi le lui permet, ses enfants biologiques avec lesquels il était en conflit », la cour d'appel, qui s'est ainsi fondée, pour apprécier la recevabilité de la tierce opposition, sur le but prétendument poursuivi par l'adoptant, qu'elle jugeait non conforme à la finalité de l'adoption, et donc sur une considération pourtant seulement de nature à exclure le bien-fondé de la demande d'adoption, a violé l'article 353-2 du code civil ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article 353-2 du code civil, applicable à l'adoption plénière comme à l'adoption simple, que la tierce opposition à l'encontre d'un jugement d'adoption est recevable en cas de dol ou de fraude imputable aux adoptants ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a relevé que la requête en adoption de X... I... ne mentionnait pas l'existence des consorts I..., a estimé que l'adoptant avait ainsi sciemment omis d'informer le tribunal de la présence d'enfants nés de son mariage, héritiers réservataires, avec lesquels il était en conflit ouvert, notamment dans la procédure en révocation de donations pour ingratitude qui l'opposait à eux ; qu'elle en a souverainement déduit, sans confondre recevabilité et bien-fondé de la tierce opposition, que ces faits caractérisaient une omission et une réticence constitutives d'une fraude rendant recevable la tierce opposition, dès lors que ces circonstances étaient de nature à influer de façon déterminante sur la décision à intervenir ; que le moyen qui, en ses deux premières branches, critique des motifs surabondants de l'arrêt, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que Mmes I...-W... font grief à l'arrêt de recevoir la tierce opposition formée par les consorts I..., de dire en conséquence que le jugement d'adoption est rétracté, que l'adoption est annulée et que le nom patronymique I... ne sera plus adjoint au nom des adoptées, qui s'appelleront désormais N... W... et O... W... alors, selon le moyen :

1°/ que dans le cas où l'adoptant a des descendants, le tribunal vérifie si l'adoption n'est pas de nature à compromettre la vie familiale ; qu'en retenant que l'adoption, qui avait été sollicitée par requête du 4 novembre 2005, était de nature à compromettre la vie familiale tout en constatant que le cercle familial était déjà « profondément divisé et désuni » depuis plusieurs années au moment où la requête aux fins d'adoption avait été déposée, prétexte pris que la vie familiale n'aurait alors pas été « définitivement » compromise, la cour d'appel a violé l'article 353, alinéa 3, du code civil ;

2°/ que l'adoption ne peut être jugée comme ayant des fins essentiellement successorales qu'au regard de l'objectif poursuivi par l'adoptant, et non en considération des conséquences légales de l'adoption sur le plan successoral ; qu'en se fondant, pour dire que l'adoption des soeurs W... avait des fins successorales, sur la circonstance que « le jugement d'adoption a eu pour conséquence de défavoriser les enfants légitimes dans leur part héréditaire au profit des adoptées, celles-ci devenant ipso facto héritières réservataires de l'adoptant », la cour d'appel qui s'est ainsi fondée, pour juger que l'adoption constituait un détournement de l'institution, sur les conséquences que celle-ci produisait sur le plan successoral et non sur le but poursuivi par l'adoptant, a violé les articles 353 et 361 du code civil ;

3°/ que lorsque le candidat à l'adoption entend adopter plusieurs personnes, le tribunal doit rechercher si les conditions de l'adoption sont remplies à l'égard de chacune d'elle ; qu'en jugeant que les prétendues relations amoureuses entretenues entre l'adoptant et O... W... constituaient un obstacle à l'adoption de celle-ci, mais également à celle de sa soeur, la cour d'appel, qui a ainsi refusé l'adoption de cette dernière en considération d'un obstacle qui ne concernait pourtant que sa soeur, a violé les articles 353 et 361 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir exactement rappelé que la finalité de l'adoption réside dans la création d'un lien de filiation et que son utilisation à des fins étrangères à celle-ci constitue un détournement de l'institution, la cour d'appel a relevé que X... I... n'avait ni élevé ni éduqué les adoptées, dont il avait fait la connaissance lorsqu'elles avaient 22 ans, qu'il entretenait une liaison avec Mme O... W... et que le but poursuivi était de nature successorale et fiscale, l'adoption ayant pour objet de réduire les droits des enfants de l'adoptant issus de son mariage, tout en faisant des adoptées ses héritières réservataires ; qu'elle en a souverainement déduit que, l'institution ayant été détournée de son but, la décision devait être rétractée ; que le moyen qui, en sa première branche, critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que Mmes I...-W... font le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que la rétractation d'un jugement d'adoption ne doit pas constituer une ingérence injustifiée dans l'exercice du droit au respect dû à la vie familiale de l'adopté ; qu'en retenant que la rétractation du jugement d'adoption ne portait pas atteinte au droit au respect de la vie familiale des adoptées prétexte pris que les tiers opposants à ce jugement soutenaient n'avoir eu connaissance de celui-ci qu'après le décès de leur père survenu...

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