Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 26 juin 2019, 17-30.970, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
ECLIECLI:FR:CCASS:2019:CO00597
Case OutcomeCassation partielle
Subject MatterVENTE - Vente commerciale - Vente à livrer - Construction de navire - Marché passé par une entreprise publique - Prestations sous-traitées à une société tierce - Application du titre II de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 - Portée
Date26 juin 2019
Docket Number17-30970
CounselSCP Rocheteau et Uzan-Sarano,SCP Thouvenin,Coudray et Grévy
Appeal Number41900597
CourtChambre Commerciale, Financière et Économique (Cour de Cassation de France)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Constructions mécaniques de Normandie que sur le pourvoi incident relevé par la société Naval group ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par contrat du 5 juin 2002 la Malaisie a passé commande de deux sous-marins de type « Scorpene » auprès d'un consortium international (le groupement) composé de la société de droit espagnol Izar, la société malaise Perimekar et la société DCN International (la société DCNI), qui a pour activité essentielle la négociation d'accords de groupement avec des constructeurs étrangers afin d'exporter la production militaire navale française ; que celle-ci était chargée de fournir la section avant des deux sous-marins, la société Izar devant produire la section arrière de ces bâtiments ; que la société DCNI a confié à la société Direction des constructions navales (la société DCN) une partie des travaux de construction et d'assemblage dont elle était chargée ; qu'à cette fin, la société DCN et la société Constructions mécaniques de Normandie (la société CMN) ont conclu, le 25 juin 2004, un accord-cadre puis, le 14 mars 2005, un contrat par lequel la première a confié à la seconde l'exécution de prestations sur les deux sous-marins ; que la société CMN l'ayant assignée en annulation du contrat du 14 mars 2005 et paiement des travaux réalisés, la société DCN, devenue la société DCN systèmes et services (la société DCNS) puis la société Naval group, a demandé reconventionnellement la réparation du préjudice subi en raison de manquements contractuels reprochés à son sous-traitant ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société CMN fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à l'annulation du contrat de sous-traitance du 14 mars 2005 alors, selon le moyen :

1°/ que pour les marchés qui ne sont pas passés par l'État, les collectivités locales, les établissements publics ou les entreprises publiques, l'entrepreneur principal est tenu de fournir caution ou délégation du maître d'ouvrage en garantie des sommes dues à son sous-traitant ; qu'à défaut, le contrat de sous-traitance est nul ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même retenu que le marché passé par l'État malais désignait ce dernier comme maître de l'ouvrage ; que l'État malais ne se confondant ni à l'État français, ni à une collectivité locale, ni à un établissement ou entreprise public, il en résultait que la société DCNS, entrepreneur principal de la société CMN à son égard, était tenue de lui fournir caution ou délégation de paiement ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 4, 11 et 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, dans leur rédaction applicable en l'espèce ;

2°/ que s'agissant même des marchés passés par l'État, les collectivités locales, les établissements publics ou les entreprises publiques, le sous-traitant qui confie à un autre l'exécution d'une partie du marché dont il est chargé est tenu de lui fournir une caution ou une délégation du maître de l'ouvrage en garantie de ses paiements ; qu'il importe peu à cet égard que ce sous-traitant de premier rang, entrepreneur principal à l'égard de son propre sous-traitant, soit lui-même une entreprise publique ; qu'en décidant en l'espèce que la société DCNS, bien que sous-traitante du marché passé par l'État malais, n'avait pas, dès lors qu'elle était une entreprise publique, à fournir de garantie de paiement à la société CMN, qui était sous-traitante de second rang, la cour d'appel a violé les articles 6 et 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;

Mais attendu que le contrat conclu entre la Malaisie et le groupement est un contrat de construction navale qui s'analyse en un contrat de vente à livrer ; que la société DCNS, entreprise publique, s'étant vue confier par la société DCNI, vendeur et maître de l'ouvrage, la construction des parties avant des deux sous-marins destinés à la Malaisie, l'acheteur, n'a pas contracté directement avec cette dernière et a, en qualité d'entrepreneur principal, sous-traité à la société CMN une partie du marché ; que la société CMN étant ainsi sous-traitante directe d'un marché passé par une entreprise publique, la société DCNS, le contrat du 14 mars 2005 relevait des dispositions du titre II de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, et non de celles du titre III de cette loi ; qu'en conséquence, la société DCNS n'était pas tenue de fournir une caution en application des dispositions de l'article 14 de cette loi ; que par ces motifs de pur droit, substitués, après avertissement délivré aux parties, à ceux critiqués, l'arrêt se trouve justifié ; que le moyen n'est pas fondé ;



Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le quatrième moyen du pourvoi principal :

Vu les articles 4 et 455 du code de procédure civile, et l'article 1153-1, devenu 1231-7, du code civil ;

Attendu que l'arrêt condamne la société CMN à payer à la société DCNS la somme de 1 177 059,60 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2011 sur la somme de 780 787 euros et du 13 mai 2015 pour le surplus ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans préciser à quoi correspondait le montant de 780 787 euros quand la société DCNS demandait la condamnation de son sous-traitant à lui payer, compte tenu d'un règlement de 245 500 euros effectué par la société CMN en exécution du jugement du 22 février 2016, la somme de 882 399,60 euros TTC avec intérêts légaux sur la somme de 980 883 euros HT à compter du 14 septembre 2011 jusqu'au 22 février 2016 puis sur 735 333 euros HT à compter de cette date, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi incident ;

Et sur le pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant le jugement du 22 février 2016, il condamne la société Constructions mécaniques de Normandie à payer à la société DCNS, devenue la société Naval group, la somme de 1 177 059,60 euros TTC, au titre du trop-perçu, avec intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2011 sur la somme de 780 787 euros et du 13 mai 2015 pour le surplus, et dit que les intérêts dus pour au moins une année entière produiront eux-mêmes intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2016, en application de l'article 1343-2 nouveau du code civil, l'arrêt rendu le 11 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Naval group aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Constructions mécaniques de Normandie la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Constructions mécaniques de Normandie.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté la demande de la société CMN visant à voir prononcer la nullité du contrat de sous-traitance n° M 0415828 du 24 mars 2005, faute pour la société DCNS d'avoir remis à la société CMN la caution personnelle et solidaire prévue à l'article 14 de la loi du 31 mars 1975 relative à la sous-traitance, et à voir condamner, en conséquence, la société DCNS à lui payer une somme égale au montant de tous les travaux qui lui ont été confiés dans le cadre de la construction des sous-marins Scorpène pour la Malaisie, à titre de restitution par équivalent en conséquence de la nullité prononcée, avec intérêts à la date d'achèvement des prestations et capitalisation desdits intérêts ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur l'applicabilité de la loi du 31 décembre 1975 au contrat M 04 15 828 du 14 mars 2005, il n'est pas contesté par les parties la qualification de contrat d'entreprise du contrat liant la société DCNS à la société CMN, une partie des travaux à réaliser par la société DCNS étant confiée à la société CMN ; qu'elles s'opposent sur la qualité de maître d'ouvrage de la société DCNS et sur la qualification de contrat d'entreprise du contrat du 5 juin 2002 avec l'État malais ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1975, « au sens de la présente loi, la sous-traitance est l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant l'exécution de tout ou partie du contrat d'entreprise ou d'une partie du marché public conclu avec le maître de l'ouvrage » ; que l'article L.5113-3 du code des transports dispose que «sauf convention contraire, le transfert de propriété n'intervient qu'à la date de la recette du navire, après essais» ; qu'il est de principe que le maître d'ouvrage est le client pour le compte de qui le navire est construit, même si le transfert de propriété n'a lieu qu'au moment de la recette du navire ; que la qualification de contrat d'entreprise, au sens de l'article précité, doit être retenue lorsque les éléments commandés ne sont pas compatibles avec une production en série. Par ailleurs, le contrat de construction de navire se distingue du contrat de vente ; qu'à titre liminaire, il convient de relever que la construction juridique de ce type...

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