Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 29 août 2019, 18-14.768, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Flise (président)
ECLIECLI:FR:CCASS:2019:C201094
CitationA rapprocher :CJUE, arrêt du 20 juillet 2017, C-287/16
Case OutcomeCassation partielle
Date29 août 2019
Appeal Number21901094
Docket Number18-14768
CounselSCP Boré,Salve de Bruneton et Mégret,SCP Célice,Soltner,Texidor et Périer,SCP Delvolvé et Trichet
CourtDeuxième Chambre Civile (Cour de Cassation de France)
Subject MatterASSURANCE (règles générales) - Contrat d'assurance - Nullité - Article L. 113-8 du code des assurances - Inopposabilité aux victimes d'un accident de la circulation ou à leurs ayants droit
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que victime le 5 juillet 2008 d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule assuré auprès de la société Mutuelle assurances des commerçants et industriels de France (la MACIF), conduit par M. Q..., Aîssa B... est décédé des suites de ses blessures le [...] ; qu'un tribunal correctionnel a déclaré M. Q... coupable d'homicide involontaire et a statué sur les constitutions de partie civile des parents de la victime, M. X... B... et Mme J... B..., ainsi que de ses frères et soeurs, M. M... B..., M. C... B..., Mme W... B..., Mme N... B... épouse S..., Mme Y... B... épouse A..., Mme O... B..., Mme V... B... épouse P... et Mme EK... B... épouse L... (les consorts B...) ; que ceux-ci ont ensuite assigné M. Q... et la MACIF en indemnisation de leurs préjudices, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère ; que la MACIF a assigné en intervention forcée M. H... en qualité de souscripteur du contrat d'assurance du véhicule conduit par M. Q... lors de l'accident et le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) ; que, par arrêt déclaré opposable au FGAO, la cour d'appel a annulé le contrat d'assurance souscrit par M. H... et débouté les consorts B... des demandes qu'ils avaient formées à l'encontre de la MACIF ;

Sur le quatrième moyen du pourvoi incident de M. H..., pris en ses deux branches, tel que reproduit en annexe :

Attendu que M. H... fait grief à l'arrêt d'annuler le contrat qu'il a souscrit auprès de la MACIF portant sur le véhicule Renault Megane immatriculé [...] ;

Mais attendu que la cour d'appel a jugé que le tribunal avait à juste titre annulé le contrat d'assurance litigieux en retenant que la déclaration du souscripteur, M. H..., était inexacte en ce qu'il savait parfaitement qu'il n'était ni le propriétaire , ni le conducteur habituel du véhicule qu'il assurait « pour rendre service » à un ami ; qu'ayant ainsi pris en considération l'existence de fausses déclarations intentionnelles faites par M. H... à sa seule initiative lors de la conclusion du contrat, elle a légalement justifié sa décision ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen du pourvoi incident de M. H..., annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur la recevabilité du premier moyen du pourvoi principal du FGAO, contestée par la défense :

Attendu que la MACIF prétend que ce moyen est irrecevable aux motifs qu'il est contraire à l'analyse développée dans les écritures d'appel du FGAO et que celui-ci n'a ni intérêt ni qualité à s'en prévaloir dès lors que la solution retenue par la décision de la Cour de justice de l'Union européenne sur laquelle se fonde le grief n'est pas susceptible d'exercer une influence sur sa situation ;

Mais attendu d'une part que le moyen en cause n'est pas incompatible avec la thèse soutenue en appel par le FGAO qui entendait voir juger que la MACIF devait prendre en charge le sinistre litigieux ; que, d'autre part, le FGAO a qualité et intérêt à se prévaloir du moyen tiré de l'inopposabilité aux ayants droit de la victime d'un accident de la circulation de la nullité, pour fausse déclaration intentionnelle, du contrat d'assurance souscrit pour le véhicule impliqué dans cet accident, qui s'impose au regard de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 20 juillet 2017 qu'il invoque ;

D'où il suit que ce moyen est recevable ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Vu l'article L. 113-8 du code des assurances, ensemble l'article R. 211-13 du même code, interprétés à la lumière de l'article 3, paragraphe 1, de la directive 72/166/CEE du Conseil du 24 avril 1972 et de l'article 2, paragraphe 1, de la deuxième directive 84/5/ CEE du Conseil du 30 décembre 1983 et des articles 3 et 13 de la directive n° 2009/103 du Conseil du 16 septembre 2009 ;

Attendu que la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit (arrêt du 20 juillet 2017, C 287-16) que l'article 3, paragraphe 1, de la directive 72/166/CEE du Conseil, du 24 avril 1972, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs, et au contrôle de l'obligation d'assurer cette responsabilité, et l'article 2, paragraphe 1, de la deuxième directive 84/5/CEE du Conseil, du 30 décembre 1983, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale qui aurait pour effet que soit opposable aux tiers victimes, dans des circonstances telles que celles de l'affaire au principal, la nullité d'un contrat d'assurance de responsabilité civile automobile résultant de fausses déclarations initiales du preneur d'assurance en ce qui concerne l'identité du propriétaire et du conducteur habituel du véhicule concerné ou de la circonstance que la personne pour laquelle ou au nom de laquelle ce contrat d'assurance est conclu n'avait pas d'intérêt économique à la conclusion dudit contrat ;

Qu'il s'en déduit qu'interprétée à la lumière des dispositions des directives susvisées, la nullité édictée par l'article L. 113-8 du code des assurances n'est pas opposable aux victimes d'un accident de la circulation ou à leurs ayants droit ;

Attendu que pour rejeter la demande du FGAO tendant à voir dire que la MACIF sera tenue de garantir les conséquences dommageables de l'accident en cause après avoir annulé, en application de l'article L. 113-8 du code des assurances, le contrat d'assurance automobile souscrit par M. H... le 21 juin 2008, l'arrêt retient que, contrairement à ce que soutiennent les ayants droit de la victime, l'exception la nullité soulevée par l'assureur leur est opposable ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens du pourvoi principal et du pourvoi incident :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages tendant à voir dire que la MACIF sera tenue de garantir les conséquences dommageables de l'accident, l'arrêt rendu le 30 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel Chambéry ;

Condamne la Mutuelle assurances des commerçants et industriels de France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf août deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt, déclaré opposable au Fonds de garantie, d'avoir rejeté les demandes du Fonds de garantie tendant, d'une part, à ce que l'exception de nullité soulevée par la Macif soit déclarée irrecevable et, d'autre part, à ce qu'il soit dit que la Macif sera tenue de garantir les conséquences dommageables de l'accident, et d'avoir annulé le contrat d'assurance automobile souscrit par M. SI... H... auprès de la Macif portant sur le véhicule Renault Megane immatriculé [...] ;

Aux motifs que « pour rejeter les exceptions de procédure et conclure à la nullité du contrat d'assurance souscrit par M. H... auprès de la société MACIF, le tribunal a retenu les éléments suivants : - l'exception de nullité du contrat est opposable aux ayants droit du défunt, - la société Macif n'a été informée qu'à la réception du procès-verbal de gendarmerie le 21 janvier 2009, que le propriétaire et conducteur habituel du véhicule n'était pas son sociétaire, - la société Macif a opposé un refus de garantie par courrier LRAR du 10 juin 2010, dans le délai de prescription biennale courant à compter de la connaissance de l'anomalie (en l'espèce le 21 janvier 2009), - la société Macif n'a fait aucune proposition d'indemnisation définitive ou accompli un acte dont la nature implique sans ambiguïté renonciation à se prévaloir de la nullité du contrat d'assurance, - les nullités de plein droit instaurées par la loi n'ont pas à figurer dans le contrat d'assurance pour être opposables à l'assuré, - la déclaration du souscripteur est inexacte en ce que M. H... savait parfaitement qu'il n'était ni le propriétaire, ni le conducteur habituel du véhicule qu'il assurait "pour rendre service" à un ami, - ces inexactitudes volontaires caractérisent une mauvaise foi et ont nécessairement modifié l'appréciation du risque pour l'assureur ; que s'agissant donc de l'opposabilité de l'exception de nullité, du rejet de la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale, de l'absence de renonciation à se prévaloir de la nullité du contrat d'assurance, ainsi que de la nullité du contrat, c'est par des motifs pertinents au vu des justificatifs qui lui étaient soumis, que le tribunal s'est livré à une exacte analyse des faits et à une juste application des règles de droit (articles L. 113-2 et L. 133-8 du code des assurances) ; que la cour, adoptant cette motivation, confirmera la nullité du contrat d'assurance et le rejet de l'ensemble des demandes des consorts B...

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