Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 11 septembre 2019, 17-26.879 17-26.880 17-26.881 17-26.882 17-26.883 17-26.885 17-26.886 17-26.887 17-26.888 17-26.889 17-26.890 17-26.891 17-26.892 17-26.893 17-26.894 17-26.895, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Cathala
ECLIECLI:FR:CCASS:2019:SO01189
Case OutcomeCassation
Docket Number17-26891,17-26886,17-26882,17-26893,17-26885,17-26892,17-26888,17-26890,17-26883,17-26895,17-26879,17-26894,17-26881,17-26880,17-26889,17-26887
CitationSur la possibilité d'agir en réparation du préjudice d'anxiété à l'encontre d'une entreprise n'entrant pas dans les prévisions légales, dans le même sens que :Ass. plén., 5 avril 2019, pourvoi n° 18-17.442, Bull. 2019, Ass. plén., n° ??? (1) (cassation partielle)
Appeal Number51901189
Date11 septembre 2019
CounselSCP Célice,Soltner,Texidor et Périer,SCP Thouvenin,Coudray et Grévy
CourtChambre Sociale (Cour de Cassation de France)
Subject MatterTRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE - Employeur - Obligations - Sécurité des salariés - Obligation de sécurité - Manquement - Préjudice - Préjudice spécifique d'anxiété - Droit à réparation - Mise en oeuvre - Salarié n'ayant pas travaillé dans un établissement figurant sur une liste établie par arrêté ministériel - Absence d'influence CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Obligations - Sécurité des salariés - Obligation de sécurité - Manquement - Préjudice - Préjudice spécifique d'anxiété - Indemnisation - Demande dirigée contre une société n'entrant pas dans les prévisions de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 - Possibilité - Portée STATUTS PROFESSIONNELS PARTICULIERS - Marin - Réglementation applicable - Détermination - Portée
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Jonction

1. En raison de leur connexité, il y a lieu de joindre les pourvois n° 17-26.879 à 17-26.883, 17-26.885 à 17-26.895 et 18-10.100 ;

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués, M. E... et seize autres salariés, employés en qualité de marins par la société nationale maritime Corse Méditerrannée (SNCM), ont saisi le tribunal d'instance aux fins de voir condamner l'employeur à leur payer diverses sommes en réparation d'un préjudice d'anxiété en raison d'une exposition à l'amiante pendant l'exécution de leur contrat de travail.

3. La SNCM a fait l'objet d'un redressement judiciaire le 28 novembre 2014 et d'un plan de cession le 20 novembre 2015, la SCP J... et H..., étant désignée en qualité de liquidateur.

4. La cour d'appel a accueilli la demande des salariés au titre de l'indemnisation du préjudice d'anxiété dès lors qu'ils bénéficient, au titre des dispositions du décret n° 2002-1272 du 18 octobre 2002 visant expressément l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, d'une présomption de préjudice d'anxiété indemnisable, sans avoir d'autre preuve à rapporter, présomption assimilable à celle reconnue aux salariés ayant travaillé dans des établissements listés par arrêté ministériel comme susceptible d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de fixer au passif de la procédure collective une somme de dommages-intérêts due à chacun des défendeurs aux pourvois au titre de l'indemnisation du préjudice d'anxiété, alors, que "le droit à indemnisation du préjudice d'anxiété fondé sur l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 repose sur le travail au sein « des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales » et au sein desquels « l'exercice des activités de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de flocage et de calorifugeage à l'amiante de l'établissement doit présenter un caractère significatif » ; que la présomption de responsabilité résultant de ce texte repose ainsi la situation concrète de l'établissement et l'exercice avéré au sein de cet établissement d'une activité significative nécessitant l'emploi d'amiante comme matière première ; que le régime de cessation anticipée d'activité des marins mis en place par le décret du décret n° 2002-1272 du 18 octobre 2002, modifiant le décret du 17 juin 1938 relatif à l'organisation et l'unification du régime d'assurance des marins, est ouvert à tout marin ayant exercé des fonctions en machine ou polyvalentes à bord d'un navire de passager avant le 31 décembre 1998 ; que ce régime spécifique, qui est exclusivement fondé sur la date de construction des navires sur lesquels le marin a été affecté, ne repose pas sur l'existence d'une utilisation effective, ni a fortiori, significative d'amiante au sein desdits navires et ne saurait donc, s'agissant de l'indemnisation du préjudice d'anxiété, être assimilé au classement d'un établissement sur le fondement de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 ; qu'en procédant à une assimilation pure et simple du régime de cessation anticipée d'activité des marins prévu par l'article 65 du décret du 17 juin 1938, dans sa rédaction issue du décret du 18 octobre 2002 au régime ACAATA de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, pour juger que les marins ayant exercé des fonctions en machines ou polyvalentes sur des navires de passagers antérieurement au 31 décembre 1998, bénéficient « d'une présomption de préjudice d'anxiété indemnisable, sans avoir d'autre preuve à rapporter », la cour d'appel a violé les articles 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, 41 de la loi du 23 décembre 1998 et 65 du décret du 17 juin 1938, dans sa rédaction issue du décret du 18 octobre 2002".

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, applicable au litige, ensemble l'article 65 du décret du 17 juin 1938 dans sa rédaction issue du décret n° 2002-1272 du 18 octobre 2002 :

6. L'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 modifiée a créé un régime particulier de préretraite permettant notamment aux salariés ou anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante figurant sur une liste établie par arrêté ministériel de percevoir, sous certaines conditions, une allocation de cessation anticipée d'activité (ACAATA), sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle.

7. Par un arrêt du 11 mai 2010 (Soc., 11 mai 2010, pourvoi n° 09-42.241, Bull. 2010, n° 106), adopté en formation plénière de chambre et publié au Rapport annuel, la chambre sociale de la Cour de cassation a reconnu aux salariés ayant travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi précitée et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel, le droit d'obtenir réparation d'un préjudice spécifique d'anxiété tenant à l'inquiétude permanente générée par le risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante.

8. La chambre sociale a ainsi instauré au bénéfice des salariés éligibles à l'ACAATA un régime de preuve dérogatoire, les dispensant de justifier à la fois de leur exposition à l'amiante, de la faute de l'employeur et de leur préjudice, tout en précisant que l'indemnisation accordée au titre du préjudice d'anxiété réparait l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence.

9. L'article 65, 1°, a) du décret du 17 juin 1938 relatif à la réorganisation et à l'unification du régime d'assurance des marins, dans sa rédaction issue du décret n° 2002-1272 du 18 octobre 2002, énonce que la caisse verse une allocation de cessation anticipée d'activité aux marins et anciens marins, sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu'ils remplissent les conditions suivantes :
1° Exercer ou avoir exercé :
a) Des fonctions à la machine à bord de navires comportant des équipements contenant de l'amiante ; pour l'application de cette disposition, et sauf preuve contraire, sont considérés comme ayant comporté des équipements de ce type les navires construits avant les dates définies dans le tableau figurant en annexe au décret n° 98-332 du 29 avril 1998 relatif à la prévention des risques dus à l'amiante à bord des navires.

10. Le régime de cessation anticipée d'activité pour les salariés marins ayant exercé des fonctions à la machine à bord des navires comportant des équipements contenants de l'amiante, fondé sur la date de construction des navires sur lesquels les marins ont exercé et qui permet la preuve contraire par l'employeur de l'absence de tels équipements, n'est pas assimilable à celui prévu par l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 pour les salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante et figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget.

11. Toutefois, en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée.

12. La cour d'appel a constaté que les navires de la SNCM en la cause, dont l'affectation essentielle au transport de passagers n'est pas contestée, ne sont pas rattachables au siège social de la SNCM, ni aux établissements listés par les arrêtés des 7 juillet 2000, 4 septembre 2007 et 26 mai 2015, comme susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante, que les salariés n'ont pas exercé un métier au sein des établissements listés de la SNCM mais des métiers en qualité de marin sur les navires, et qu'ils bénéficient au titre des dispositions du décret n° 2002-1272 du 18 octobre 2002 visant expressément l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, d'une présomption de préjudice d'anxiété indemnisable, sans avoir d'autre preuve à rapporter, présomption assimilable à celle reconnue aux salariés ayant travaillé dans des établissements listés par arrêté ministériel comme susceptible d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante.

13. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les salariés n'avaient pas travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, de sorte qu'en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, les salariés devaient justifier d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d'un préjudice d'anxiété personnellement subi résultant d'une telle exposition, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 22 septembre 2017 et celui rendu le 17 novembre 2017 (RG : 16/00797), entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne les salariés aux dépens ;

Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT