Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 24 octobre 2019, 18-12.255, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Batut
ECLIECLI:FR:CCASS:2019:C100886
Case OutcomeRejet
Docket Number18-12255
Appeal Number11900886
Date24 octobre 2019
CounselSARL Cabinet Briard,SCP Spinosi et Sureau
CourtPremière Chambre Civile (Cour de Cassation de France)
Subject MatterPRET - Prêt d'argent - Intérêts conventionnels - Calcul - Mois normalisé - Application - Conditions - Détermination - Portée INTERETS - Intérêts conventionnels - Taux - Calcul - Mois normalisé - Application - Conditions - Détermination - Portée
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 décembre 2017), que, suivant offre acceptée le 17 avril 2009, la société BNP Paribas Personal Finance (la banque) a consenti à M. et Mme V... (les emprunteurs) un prêt libellé en francs suisses et remboursable en euros, dénommé Helvet immo ; que les emprunteurs ont assigné la banque en paiement de dommages-intérêts pour manquement à son devoir de mise en garde et en nullité de la clause stipulant l'intérêt conventionnel ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les emprunteurs font grief à l'arrêt de dire que la clause de monnaie de compte définit l'objet principal du contrat et ne peut donc, étant claire et compréhensible, donner lieu à une appréciation de son caractère abusif, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en vertu de l'article L. 132-1, alinéa 1, du code de la consommation (dans sa rédaction applicable en la cause), dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que, selon l'alinéa 7 du même article, l'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte pas sur la définition de l'objet principal du contrat, pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible ; que cette exception ne peut être opposée à la remise en cause d'une stipulation d'un contrat de prêt libellé en devises étrangères et remboursable en euros qui prévoit que les échéances de remboursement seront indexées sur le taux de change euro / franc suisse dès lors qu'une telle stipulation ne définit pas l'objet principal du contrat, afférent au financement de l'acquisition d'un bien immobilier, mais constitue une simple modalité d'exécution du prêt ; qu'en opposant, néanmoins, cette exception, par la considération que les emprunteurs auraient invoqué la législation sur les clauses abusives à l'encontre d'une clause « rédigée de manière claire et compréhensible » et qui « définit l'objet du contrat », la cour d'appel a violé l'article L. 132-1, alinéa 1, du code de la consommation, devenu l'article L. 212-1 du même code ;

2°/ que si l'appréciation du caractère abusif des clauses visées aux termes de l'article L. 132-1, alinéa 1, du code de la consommation (dans sa rédaction applicable en la cause) ne concerne pas celles qui portent sur l'objet principal du contrat, c'est pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible ; qu'en jugeant que la clause litigieuse ne pouvait être considérée comme abusive dès lors qu'elle « défini[ssait] l'objet principal du contrat » et était « rédigée de façon claire et compréhensible » sans rechercher, comme cela lui était demandé, si compte tenu de ses termes, des données figurant dans le tableau d'amortissement annexé à l'offre de crédit, duquel il ressortait que les échéances de remboursement calculées sur la base du taux de change initial présentaient un caractère fixe et, plus largement, des informations figurant dans l'offre de crédit et ses annexes, elle était suffisamment claire et intelligible pour permettre aux emprunteurs d'avoir connaissance du risque d'augmentation illimitée du coût effectif du crédit induit par le mécanisme d'indexation des remboursements sur le taux de change euro/franc suisse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1, alinéa 1, du code de la consommation, tel qu'il doit être interprété à la lumière de l'article 4, § 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ;

3°/ que si l'appréciation du caractère abusif des clauses au sens de l'article L. 132-1, alinéa 1, du code de la consommation (dans sa rédaction applicable en la cause) ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert, c'est pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible ; qu'en jugeant que la clause d'indexation litigieuse « défini[ssait] l'objet principal du contrat » et était « rédigée de façon claire et compréhensible », en sorte qu'elle échappait à tout contrôle par le juge de son caractère abusif, quand elle avait constaté qu'il ressortait des stipulations de l'offre de prêt que le taux de change était décrit comme présentant tout à la fois un caractère fixe, puisqu'il avait vocation à « régir toute l'opération » et constituait la base de calcul du montant des échéances fixes de remboursement figurant dans le tableau d'amortissement indexé à l'offre de crédit, et un caractère variable, dans la mesure où la charge exacte du remboursement du prêt ainsi que son montant ne pouvaient être déterminés que par référence au « taux de change applicable », c'est-à-dire au taux de change de l'euro par rapport au franc suisse à un instant donné, la cour d'appel, qui avait pourtant mis en exergue le caractère incompréhensible ou, à tout le moins, ambiguë de la clause d'indexation litigieuse, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 132-1, alinéa 1, du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause ;

Mais attendu, d'abord, que l'arrêt relève que les parties sont expressément convenues que le paiement des échéances par l'emprunteur devait être effectué en euros pour être ensuite converti en francs suisses et permettre le remboursement du capital emprunté dans cette devise, qu'il retient que les conditions de remboursement d'un prêt ne revêtent pas un caractère accessoire mais définissent l'essence même du rapport contractuel, de sorte que la clause de monnaie de compte, dont toutes les autres ne sont que la déclinaison ou la conséquence, fixe une prestation essentielle caractérisant le contrat ; qu'il en déduit, à bon droit, que la clause litigieuse définit l'objet principal du contrat ;

Attendu, ensuite, que l'arrêt relève que l'offre préalable explique sans équivoque le fonctionnement du prêt libellé en devise et détaille les opérations de change réalisées au cours de la vie du contrat ; qu'il constate que l'offre mentionne que l'amortissement du prêt se fait par la conversion des échéances fixes en euros et qu'une telle conversion, exposée de manière concrète et précise, intervient selon un taux de change objectif dont la variabilité a une incidence directe sur le montant des règlements, la durée et le coût total du crédit ; que l'arrêt ajoute que les emprunteurs ont également pu se convaincre de la variabilité du taux et de ses conséquences sur le remboursement du capital par la lecture des documents annexés à l'offre, soit le tableau d'amortissement prévisionnel, les informations relatives aux opérations de change et la notice présentant les conditions et modalités de variations du taux d'intérêt du crédit, ladite notice comportant des simulations chiffrées envisageant tant une appréciation qu'une dépréciation du franc suisse par rapport à l'euro ; que la cour d'appel a ainsi fait ressortir, sans omettre de procéder à la recherche prétendument délaissée, le caractère clair et compréhensible de la clause litigieuse ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de dommages-intérêts pour manquement de la banque à son devoir de mise en garde, alors, selon le moyen :

1°/ que l'établissement bancaire est tenu d'une obligation de mise en garde à l'égard de son client sur les risques encourus dans les opérations spéculatives ; que le prêt Helvet immo, en ce qu'il indexe le montant du capital à rembourser sur l'évolution du taux de change euro contre franc suisse, expose l'emprunteur à un risque de perte non mesurable et d'une ampleur non prévisible ; qu'en retenant, pour débouter les emprunteurs de leurs demandes indemnitaires motif pris de ce qu'il n'était pas démontré que la banque ait manqué à l'une quelconque de ses obligations, en ce compris de mise en garde et d'information, que ce produit ne revêtait pas un caractère spéculatif, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°/ que la banque qui consent un prêt à un emprunteur non averti est tenu à son égard, lors de la conclusion du contrat, d'un devoir de mise en garde sur les spécificités du prêt qui sont de nature à créer un risque particulier ; qu'il en est ainsi notamment lorsque le prêt est libellé en devise étrangère et remboursable en euros, ce qui peut avoir pour effet d'accroître, sans limite, le montant du capital devant être remboursé par l'emprunteur qui supporte seul le risque de variation du taux de change ; qu'en s'abstenant de rechercher si la banque s'était acquittée de son devoir de mise en garde relatif à ce risque particulier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3°/ que, lorsque le prêt consenti revêt une nature complexe et est de nature à créer un risque particulier pour l'emprunteur, le banquier prêteur, tenu d'informer l'emprunteur, ne peut se contenter de présenter à l'emprunteur le fonctionnement du prêt mais doit attirer son attention sur les risques particuliers que lui fait encourir la spécificité du prêt envisagé ; qu'en l'espèce, en se fondant, pour écarter la responsabilité de la banque pour manquement à son obligation d'information, sur les stipulations du contrat de prêt, les simulations, la notice figurant en annexe, et l'acceptation par les emprunteurs de l'offre de crédit, cependant qu'il résultait de ses...

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