Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 novembre 2019, 18-19.752, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
ECLIECLI:FR:CCASS:2019:SO01533
Case OutcomeCassation partielle
Subject MatterSTATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Conventions diverses - Convention collective nationale des organismes gestionnaires de foyers et services pour jeunes travailleurs du 16 juillet 2003 - Avenant n° 2 du 21 octobre 2004 - Aménagement du temps de travail des cadres - Convention individuelle de forfait en jours sur l'année - Protection de la sécurité et de la santé du salarié - Nécessité - Défaut - Portée
Date06 novembre 2019
Docket Number18-19752
CounselSCP Lyon-Caen et Thiriez,SCP Gatineau et Fattaccini
Appeal Number51901533
CourtChambre Sociale (Cour de Cassation de France)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. R... a été engagé par l'association Noël Paindavoine en qualité de directeur général le 29 mars 2013 et licencié pour faute grave le 8 octobre 2014 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de ce licenciement et en paiement notamment de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires ;

Sur les premier et deuxième moyens :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen relevé d'office , après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-45 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, interprété à la lumière de l'article 17, §§ 1 et 4, de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Attendu, d'abord, que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles ;

Attendu, ensuite, qu'il résulte des articles susvisés des directives de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur ;

Attendu, enfin, que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ;

Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires, congés payés afférents et indemnité pour travail dissimulé, l'arrêt retient que, sans remettre en cause les dispositions de la convention collective applicable prévoyant une rémunération forfaitaire pour les cadres dits « autonomes » prévoyant un nombre de jours travaillés de deux cent sept jours auxquels, nécessairement vient s'ajouter la journée de solidarité, le salarié soutient que les dispositions de son contrat de travail étaient irrégulières en ce qu'elles ne mentionnaient ni les modalités de décompte des journées ou demi-journées travaillées, en ce que le nombre de jours annuels était fixé à deux cent huit alors que la convention collective les limite à deux cent sept et en ce qu'aucun entretien individuel n'était mis en place pour l'exécution de la convention de forfait, que toutefois, d'une part, la stipulation du contrat de travail fixant à deux cent huit le nombre annuel de jours de travail n'est pas irrégulière au regard de la convention collective dès lors que doit être prise en compte la journée de solidarité, que d'autre part, s'il est vrai que, aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, dans les circonstances spécifiques de l'espèce, l'association est fondée à soutenir que, alors que le salarié en qualité de directeur salarié, avait la charge de s'assurer du respect par l'association de la réglementation sociale, notamment en ce qu'elle vise la durée du travail et son aménagement, la contestation par celui-ci du respect des règles dont il avait la charge, est faite de mauvaise foi ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'article 9 de la convention collective nationale des organismes gestionnaires de foyers et services pour jeunes travailleurs du 16 juillet 2003 prévoit que, pour les directeurs, l'organisation du travail peut retenir le forfait en jours dans la limite de deux cent sept jours par an, que l'avenant n° 2 du 21 octobre 2004 à cette convention collective, relatif à l'aménagement du temps de travail des cadres, se limite à prévoir, en son article 2, que dans l'année de conclusion de la convention de forfait, la hiérarchie devra examiner avec le cadre concerné sa charge de travail et les éventuelles modifications à y apporter, que cet entretien fera l'objet d'un compte rendu visé par le cadre et son supérieur hiérarchique, que les années suivantes, l'amplitude de la journée d'activité et la charge de travail du cadre seront examinées lors de l'entretien professionnel annuel, en son article 3 que les jours travaillés et les jours de repos feront l'objet d'un décompte mensuel établi par le cadre et visé par son supérieur hiérarchique qui devra être conservé par l'employeur pendant une durée de 5 ans, que ces dispositions, en ce qu'elles ne prévoient pas de suivi effectif et régulier par la hiérarchie des états récapitulatifs de temps travaillé transmis, permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, ce dont il se déduisait que la convention de forfait en jours était nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. R... de ses demandes de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires, congés payés afférents et indemnité pour travail dissimulé, l'arrêt rendu le 10 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne l'association Noël Paindavoine aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la SCP Lyon-Caen et Thiriez ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. R....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et notamment en ce qu'il avait jugé que le licenciement pour faute grave de Monsieur R... était fondé et rejeté l'ensemble des demandes y afférentes ;

Aux motifs propres que la lettre de licenciement du 8 octobre 2014, qui fixe les limites du débat, fait grief à Monsieur R... de ses « méthodes managériales » dont elle indique qu'elles sont décriées par plusieurs salariés ; que plus précisément, elle indique :« Après seize mois d'activité au sein de l'association, force est de constater que vous avez échoué dans votre mission. Comme nous l'avons évoqué, vos méthodes managériales au sein de l'association sont décriées par plusieurs salariés. Ces derniers nous ont fait part de reproches véhéments voire agressifs à leur encontre avec peu de cas du respect de la personne humaine. Compte tenu des derniers événements qui sont survenus, nous prenons aujourd'hui conscience de la réalité des rapports que vous entretenez avec le personnel, de citer : - des extraits du courrier de Monsieur O... J... du 20 septembre 2013...

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