Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 21 novembre 2019, 19-15.890, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Batut
ECLIECLI:FR:CCASS:2019:C101074
Case OutcomeRejet
Docket Number19-15890
Appeal Number11901074
Date21 novembre 2019
CounselSCP Célice,Soltner,Texidor et Périer,SCP Zribi et Texier
CourtPremière Chambre Civile (Cour de Cassation de France)
CitationN1 > Sur l'applicabilité directe d'un autre article de la Charte sociale européenne, à rapprocher :Avis de la Cour de cassation, 17 juillet 2019, n° 19-70.010, Bull. 2019, Avis, n° ??? (3).N2 >Sur la constitutionnalité des examens radiologiques osseux, cf. : Cons. const., 21 mars 2019, décision n° 2018-768 QPC.N3 >Sur l'appartenance du ministère public à l'autorité judiciaire, Cf. :Cons. const., 30 juillet 2010 décision n° 2010-14/22 QPC ; Cons. const., 6 mai 2011, décision n° 2011-125 QPC ;Cons. const., 22 juillet 2016, décision n° 2016-555 QPC
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 2 avril 2019), qu'U... Q..., se déclarant mineur pour être né le [...] à Dagodio (Côte d'Ivoire), a été confié provisoirement à l'aide sociale à l'enfance par ordonnance du 6 novembre 2017 ; que son placement a été renouvelé à plusieurs reprises par le juge des enfants dans l'attente des résultats des investigations menées pour vérifier son âge et son identité ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'U... Q... fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à assistance éducative à son égard alors, selon le moyen :

1°/ que tout enfant et tout adolescent a le droit à une protection sociale, juridique et économique appropriée ; que l'article 388 du code civil permet le recours à des examens osseux sur des mineurs qui, suivant de nombreux avis d'organismes internes et internationaux, sont dénués de fiabilité, de sorte que le recours à ce procédé, pour déterminer leur âge, méconnaît le droit des mineurs isolés étrangers à une protection juridique étatique appropriée ; qu'un juge ne peut, en conséquence, se fonder sur ces examens, pour déterminer l'âge d'un individus ; qu'en fondant sa décision en partie sur une expertise osseuse, sur le fondement de l'article 388 du code civil, pour déterminer la majorité d'U... Q..., la cour d'appel a violé l'article 17 de la Charte sociale européenne ;

2°/ que dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordial ; que les Etats ont l'obligation positive de protéger efficacement les enfants en incluant des mesures raisonnables pour empêcher les mauvais traitements dont les autorités avaient ou auraient dû avoir connaissance ; que l'article 388 du code civil permet le recours à des examens radiologiques osseux pour évaluer la minorité d'une personne se présentant comme un mineur isolé étranger lors même qu'il résulte de divers avis d'organismes internes et internationaux que ces examens manquent de fiabilité, de sorte que le recours à ce procédé, qui conduit à l'élaboration d'un rapport ayant force d'expertise judiciaire, présente un risque important que des mineurs isolés, dépourvus de toute protection étatique, soient victimes de traitements inhumains et dégradants et qu'ainsi ne soit pas protégé leur intérêt supérieur ; qu'un juge ne peut dès lors fonder sa décision, fut-ce partiellement, sur ces examens pour déterminer l'âge d'un individus ; qu'en fondant toutefois en partie sa décision sur une expertise osseuse, ordonnée sur le fondement de l'article 388 du code civil, la cour d'appel a violé l'article 3, § 1, de la Convention internationale des droits de l'enfant ;

3°/ qu'il incombe aux autorités nationales, au titre de l'interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, une obligation de protection et de prise en charge des mineurs non accompagnés ; que l'article 388 du code civil permet le recours à des examens radiologiques osseux pour évaluer la minorité d'une personne se présentant comme un mineur isolé étranger lors même qu'il résulte de divers avis d'organismes internes et internationaux que ces examens manquent de fiabilité, de sorte que le recours à ce procédé, qui conduit à l'élaboration d'un rapport ayant force d'expertise judiciaire, présente un risque important que des mineurs isolés, dépourvus de toute protection étatique, soient victimes de traitements inhumains et dégradants et qu'ainsi ne soit pas protégé leur intérêt supérieur ; qu'un juge ne peut dès lors motiver sa décision notamment par ces examens pour déterminer l'âge d'un individus ; qu'en fondant toutefois sa décision sur une expertise osseuse, sur le fondement de l'article 388 du code civil, la cour d'appel a violé l'article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4°/ que, subsidiairement, les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l'autorité judiciaire ; que la notion d'autorité judiciaire, visée par l'article 388 du code civil doit être entendue comme se référant au seul juge du siège ; qu'en se fondant toutefois sur une expertise osseuse qui avait été ordonnée par le ministère public, la cour d'appel a ainsi violé l'article 388 du code civil ;

5°/ que les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l'autorité judiciaire ; que toute personne a droit à un procès équitable ; qu'en vertu du principe de l'égalité des armes, chaque partie doit avoir une possibilité raisonnable de présenter sa cause - y compris ses preuves - dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; qu'il en résulte que l'article 388 du code civil, lu à la lumière de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être interprété comme ne visant, sous la notion « d'autorité judiciaire », que le seul juge du siège, à l'exception du parquet ; qu'en effet, le parquet, qui est une partie à l'instance en matière d'assistance éducative, ne saurait disposer du pouvoir de se ménager une preuve, ayant l'autorité d'une expertise, ce qui entraînerait un déséquilibre entre les parties dans l'administration de la preuve ; qu'en se fondant toutefois, fut-ce en partie, sur une expertise osseuse, ordonnée par le parquet, pour déterminer l'âge de la personne, la cour d'appel a violé l'article 388 du code civil et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6°/ que, en tout état de cause, toute personne a droit à un procès équitable ; qu'en vertu du principe de l'égalité des armes, chaque partie doit avoir une possibilité raisonnable de présenter sa cause - y compris ses preuves - dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; qu'en vertu de ce principe, le parquet, qui est une partie à l'instance en matière d'assistance éducative, ne saurait disposer du pouvoir de se ménager une preuve, ayant l'autorité d'une expertise, à savoir, celui d'ordonner une expertise osseuse, ce qui entraînerait un déséquilibre entre les parties dans l'administration de la preuve ; que si l'article 388 du code civil devait être interprété comme visant également le parquet, il devrait alors être écarté comme contraire à l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que dès lors, en se fondant toutefois, fut-ce en partie, sur une expertise osseuse, ordonnée par le parquet, pour déterminer l'âge de la personne, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu, en premier lieu, que par le c) du paragraphe 1 de l'article 17 de la partie II de la Charte sociale européenne révisée, les États signataires s'engagent, « en vue d'assurer aux enfants et aux adolescents l'exercice effectif du droit de grandir dans un milieu favorable à l'épanouissement de leur personnalité et au développement de leurs aptitudes physiques et mentales », « à prendre, soit directement, soit en coopération avec les organisations publiques ou privées, toutes les mesures nécessaires et appropriées tendant : [...] à assurer une protection et une aide spéciale de l'Etat vis-à-vis de l'enfant ou de l'adolescent temporairement ou définitivement privé de son soutien familial » ; que ces stipulations, qui requièrent l'intervention d'actes complémentaires pour produire des effets à l'égard des particuliers, ne sont pas d'effet direct ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'article 388 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016, que des examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, peuvent être réalisés sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé ; que les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d'erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l'intéressé est mineur et que le doute lui profite ;

Qu'eu égard aux garanties entourant le recours à ces examens, la cour d'appel n'a méconnu ni l'intérêt supérieur de l'enfant résultant de l'article 3, § 1, de la Convention internationale des droits de l'enfant ni l'article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en prenant en considération les conclusions des experts ;

Attendu, en troisième lieu, que le procureur de la République est une autorité judiciaire compétente pour ordonner les examens radiologiques osseux prévus à l'article 388 du code civil ; que c'est sans méconnaître ce texte que la cour d'appel s'est fondée sur les conclusions d'un test osseux qui avait été ordonné par celui-ci ;

Attendu, en quatrième lieu, que le procureur de la République, qui n'est pas une partie poursuivante en assistance éducative, s'est borné à émettre...

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