Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 8 janvier 2020, 18-15.027, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
ECLIECLI:FR:CCASS:2020:CO00011
Case OutcomeRejet
Subject MatterSOCIETE ANONYME - Administrateur - Responsabilité - Responsabilité pour insuffiance d'actif - Représentant permanent - Conditions - Détermination - Portée
CitationSur la responsabilité pour insuffisance d'actif d'un représentant permanent d'un dirigeant personne morale, à rapprocher :Com., 19 novembre 2013, pourvoi n° 12-16.099, Bull. 2013, IV, n° 170 (rejet)
Docket Number18-15027
Date08 janvier 2020
CounselSCP Gadiou et Chevallier,de Lanouvelle et Hannotin,SCP Piwnica et Molinié,SCP Nicolaÿ
Appeal Number42000011
CourtChambre Commerciale, Financière et Économique (Cour de Cassation de France)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Donne acte à M. J... de ce qu'il intervient volontairement en qualité d'administrateur judiciaire de la société Quinta communications, devenue la société Bleufontaine ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 février 2018, RG n° 16/09049), interprété et rectifié par un arrêt du 20 avril 2018, que le groupe Quinta industries était constitué, en particulier, de la société anonyme Quinta industries, qui avait pour actionnaire et administrateur la société Quinta communications, dirigée par M. D..., et qui détenait plusieurs filiales parmi lesquelles la société [...] et la société Laboratoire des technologies de communication (la société LTC), détenant elle-même la société Scanlab ; que la société Quinta industries a été mise en redressement, puis liquidation judiciaires les 3 novembre et 15 décembre 2011, M. L... étant désigné liquidateur ; que ce dernier a notamment assigné la société Quinta communications, en qualité de dirigeant de fait et de droit, et M. D..., en qualité de représentant permanent de celle-ci au sein de la société débitrice, en responsabilité pour insuffisance d'actif et en outre, pour le second, en prononcé d'une mesure de faillite personnelle ou d'une interdiction de gérer ; que la société Quinta communications, devenue la société Bleufontaine, a été mise en redressement judiciaire le 14 novembre 2018, M. J... étant désigné en qualité d'administrateur judiciaire ;

Sur le premier moyen, pris en ses troisième, quatrième, sixième, septième, huitième, neuvième et dixième branches :

Attendu que M. D... et la société Quinta communications font grief à l'arrêt, tel qu'interprété par l'arrêt du 20 avril 2018, de condamner la société Quinta communications à payer la somme de 3 500 000 euros, et de condamner la même, solidairement avec M. D..., à payer la somme de 3 500 000 euros au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actif alors, selon le moyen :

1°/ que la cour d'appel qui a simplement constaté que M. D... avait été le représentant permanent de la société Quinta communications au conseil d'administration de Quinta industries à compter du 15 février 2011, n'a relevé aucune faute personnelle de ce dernier tenant au non-paiement des cotisations sociales et fiscales ; que l'arrêt n'est donc pas légalement justifié au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

2°/ que la cour d'appel ne pouvait prendre en considérations les dettes fiscales et sociales de la société Quinta industries au 31 décembre 2009, au 26 octobre 2010 et au 31 décembre 2010, pour apprécier une éventuelle faute de gestion de M. D..., représentant permanent de la société Quinta communications au conseil d'administration de Quinta industries à compter du 15 février 2011 ; que la cour d'appel a encore violé l'article L. 651-2 du code de commerce ;

3°/ que la cour d'appel, qui a constaté que M. D... avait été le représentant permanent de la société Quinta communications au conseil d'administration de Quinta industries à compter du 15 février 2011, n'a relevé aucune faute personnelle de ce dernier à partir de cette date susceptible de constituer une faute de gestion consistant en la poursuite abusive d'une activité déficitaire ; que l'arrêt n'est pas légalement justifié au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

4°/ que la cour d'appel, qui a constaté que M. D... avait été le représentant permanent de la société Quinta communications au conseil d'administration de Quinta industries à compter du 15 février 2011, n'a relevé aucune faute personnelle de ce dernier à partir de cette date susceptible de constituer une faute de gestion consistant dans « le fait d'effectuer des avances qui conduisent à la ruine de la société holding et des filiales ayant effectué des apports constitue une faute de gestion qui en l'espèce a contribué à l'insuffisance d'actif en ce qu'au 31 décembre 2010, la société Quinta industries avait avancé 25 800 000 euros au sous groupe [...], se privant ainsi de trésorerie et privant également les sociétés LTC et Scanlab de la trésorerie nécessaire à leur conversion au numérique » ; que l'arrêt n'est pas légalement justifié au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

5°/ que la cour d'appel, qui a constaté que M. D... avait été le représentant permanent de la société Quinta communications au conseil d'administration de Quinta industries à compter du 15 février 2011, et que « le fait d'effectuer des avances qui conduisent à la ruine de la société holding et des filiales ayant effectué des apports constitue une faute de gestion qui en l'espèce a contribué à l'insuffisance d'actif en ce qu'au 31 décembre 2010, la société Quinta industries avait avancé 25 800 000 euros au sous groupe [...], se privant ainsi de trésorerie et privant également les sociétés LTC et Scanlab de la trésorerie nécessaire à leur conversion au numérique », n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations selon lesquelles la faute de gestion ne pouvait être imputable à M. D..., devenu représentant permanent de la société Quinta communications au conseil d'administration de Quinta industries à compter du 15 février 2011 ; que l'arrêt a violé l'article L. 651-2 du code de commerce ;

6°/ que la condamnation de la société Quinta communications à contribuer à l'insuffisance d'actif ayant été prononcée en considération de plusieurs fautes, la cassation encourue à raison de l'une d'elle entraîne la cassation de l'arrêt de ce chef ; que la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de commerce ;

7°/ que la condamnation M. D... à contribuer à l'insuffisance d'actif ayant été prononcée en considération de plusieurs fautes, la cassation encourue à raison de l'une d'elle entraîne la cassation de l'arrêt de ce chef ; que la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'il résulte de l'article L. 651-1 du code de commerce que la responsabilité pour insuffisance d'actif, encourue sur le fondement de l'article L. 651-2 du même code, est notamment applicable aux dirigeants d'une personne morale de droit privé soumise à une procédure collective et aux personnes physiques représentants permanents de ces dirigeants personnes morales ; qu'en vertu de l'article L. 225-20, alinéa 1, de ce code, applicable aux sociétés anonymes, lorsqu'une personne morale est nommée administrateur, celle-ci est tenue de désigner un représentant permanent qui est soumis aux mêmes conditions et obligations et qui encourt les mêmes responsabilités civile et pénale que s'il était administrateur en son nom propre, sans préjudice de la responsabilité solidaire de la société qu'il représente ; qu'il s'ensuit que, lorsqu'une société anonyme débitrice est dirigée par une personne morale qui a désigné un représentant permanent, la faute de gestion susceptible d'engager la responsabilité pour insuffisance d'actif de ce dirigeant peut être caractérisée indifféremment à l'égard de celui-ci ou à l'égard de son représentant permanent ; qu'après avoir constaté que la société Quinta communications était administrateur de la société débitrice et représentée au conseil d'administration par M. D... à compter du 15 février 2011, l'arrêt relève que les dettes fiscales et sociales de la société débitrice s'élevaient à 789 262 euros au 26 octobre 2010 et à 723 490 euros au 31 décembre 2010, et que les bilans mentionnent, par ailleurs, des dettes fiscales et sociales de 3 672 209 euros au 31 décembre 2009 et de 5 159 644 euros au 31 décembre 2010 ; que l'arrêt relève encore qu'après l'échec de la procédure de conciliation, ouverte du 31 janvier au 30 juin 2011, une lettre du 12 septembre 2011, adressée par M. D... à la direction générale des finances publiques, établit que la société Quinta communications, actionnaire, n'a pas respecté son engagement, pris dans le cadre de la conciliation, d'apporter les fonds nécessaires pour éviter la création d'un nouveau passif, ce que les dirigeants de la société débitrice ne pouvaient ignorer ; que l'arrêt retient que le non-respect du plan d'apurement accordé par l'administration fiscale le 10 septembre 2010, ainsi que le non-paiement des cotisations fiscales et sociales, constituent une faute de gestion qui a contribué à l'insuffisance d'actif, en l'absence de renforcement de l'actif dans le même temps, et que cette faute est imputable à la société Quinta communications, dirigeante de fait et administrateur, et à M. D..., représentant permanent de celle-ci au conseil d'administration de la société débitrice à compter du 15 février 2011, dès lors que les administrateurs ont approuvé chaque année les comptes, en dépit de l'importance des dettes fiscales et sociales ; que par ces constatations et appréciations, qui font ressortir une faute consistant en un défaut de paiement de l'important passif social et fiscal de la société débitrice notamment après le 15 février 2011, sans qu'il soit remédié à cette situation connue de la société Quinta communications, dirigeant de droit, la cour d'appel, qui a imputé cette faute de gestion à ce dirigeant, a pu l'imputer aussi à M. D... en qualité de représentant permanent à compter du 15 février 2011 ;

Attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt constate, d'abord, que le résultat d'exploitation de la société débitrice était constamment déficitaire entre 2007 et 2010, s'élevant, au 31 décembre, à 19 778 954 euros en 2007, 1 097 828 euros en 2008, 3 793 546 euros en 2009 et 16 991 045 euros en 2010 ; qu'il relève, ensuite, que les capitaux propres étaient négatifs depuis 2007, à concurrence de 3 020 962 euros au 31 décembre 2007, 4 118 790 euros au 31 décembre 2008, 7 912 336 euros au 31 décembre 2009 et 24 903 381 euros au 31 décembre 2010 ; qu'il relève encore qu'il ressort du rapport des commissaires aux comptes sur les comptes consolidés de la société débitrice, que la société Quinta communications a soutenu le groupe Quinta industries jusqu'au premier semestre...

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