Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 4 mars 2020, 19-13.316, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Cathala
ECLIECLI:FR:CCASS:2020:SO00374
Case OutcomeRejet
Date04 mars 2020
CitationSur l'existence d'un lien de subordination entre un travailleur et une société utilisant une plate-forme numérique, à rapprocher :Soc., 28 novembre 2018, pourvoi n° 17-20.079, Bull. 2018, V, n° ??? (cassation).Sur la caractérisation d'un lien de subordination, à rapprocher : 2e Civ., 25 mai 2004, pourvoi n° 02-31.203, Bull. 2004, II, n° 233 (cassation partielle), et l'arrêt cité ;Soc., 28 avril 2011, pourvoi n° 10-15.573, Bull. 2011, V, n° 100 (cassation totale partielle sans renvoi), et les arrêts cités ;Soc., 28 novembre 2018, pourvoi n° 17-20.079, Bull. 2018, V, n° ??? (cassation), et l'arrêt cité
Appeal Number52000374
Docket Number19-13316
CounselMe Haas,SCP Célice,Texidor,Périer,SCP Ortscheidt
CourtChambre Sociale (Cour de Cassation de France)
Subject MatterCONTRAT DE TRAVAIL, FORMATION - Définition - Lien de subordination - Applications diverses - Création d'un lien de subordination juridique permanent - Effets - Fourniture de prestations à un donneur d'ordre - Cas
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 mars 2020




Rejet


M. CATHALA, président



Arrêt n° 374 FP-P+B+R+I

Pourvoi n° S 19-13.316




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 MARS 2020

1°/ la société Uber France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...],

2°/ la société Uber BV, société de droit étranger, dont le siège est Meester Treublaan 7, 1097 DP, Amsterdam (Pays-Bas),

ont formé le pourvoi n° S 19-13.316 contre l'arrêt rendu le 10 janvier 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige les opposant à M. I... F..., domicilié [...], défendeur à la cassation.

Intervention volontaire : du syndicat Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO), dont le siège est [...] .

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés Uber France et Uber BV, de la SCP Ortscheidt, avocat de M. F..., de Me Haas, avocat de la CGT-FO, les plaidoiries de Mes Célice, Ortscheidt et celles de Me Haas, et l'avis de Mme Courcol-Bouchard, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 13 février 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mme Farthouat-Danon, M. Schamber, Mme Leprieur, M. Maron, Mme Aubert-Monpeyssen, MM. Rinuy, Pion, Ricour, Pietton, Mmes Cavrois, Pécaut-Rivolier, conseillers, Mme Depelley, M. David, Mme Chamley-Coulet, conseillers référendaires, Mme Courcol-Bouchard, premier avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 janvier 2019), M. F..., contractuellement lié avec la société de droit néerlandais Uber BV par la signature d'un formulaire d'enregistrement de partenariat, a exercé une activité de chauffeur à compter du 12 octobre 2016 en recourant à la plateforme numérique Uber, après avoir loué un véhicule auprès d'un partenaire de cette société, et s'être enregistré au répertoire Sirene en tant qu'indépendant, sous l'activité de transport de voyageurs par taxis.

2. La société Uber BV a désactivé définitivement son compte sur la plateforme à partir du mois d'avril 2017.

3. M. F... a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de requalification de sa relation contractuelle avec la société Uber en contrat de travail, et formé des demandes de rappels de salaires et d'indemnités de rupture.

Examen de la recevabilité de l'intervention volontaire du syndicat Confédération générale du travail-Force ouvrière

4. Selon les articles 327 et 330 du code de procédure civile, les interventions volontaires ne sont admises devant la Cour de cassation que si elles sont formées à titre accessoire, à l'appui des prétentions d'une partie et ne sont recevables que si leur auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.

5. Le syndicat Confédération générale du travail-Force ouvrière ne justifiant pas d'un tel intérêt dans ce litige, son intervention volontaire n'est pas recevable.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Les sociétés Uber France et Uber BV font grief à l'arrêt de dire que le contrat ayant lié M. F... à la société Uber BV est un contrat de travail, alors :

« 1°/ que le contrat de travail suppose qu'une personne physique s'engage à travailler pour le compte d'une autre personne, physique ou morale, moyennant rémunération et dans un rapport de subordination juridique ; que ne constitue donc pas un contrat de travail, le contrat conclu par un chauffeur VTC avec une plateforme numérique, portant sur la mise à disposition d'une application électronique de mise en relation avec des clients potentiels en échange du versement de frais de service, lorsque ce contrat n'emporte aucune obligation pour le chauffeur de travailler pour la plateforme numérique, ni de se tenir à sa disposition et ne comporte aucun engagement susceptible de le contraindre à utiliser l'application pour exercer son activité ; qu'au cas présent, la société Uber BV faisait valoir que le chauffeur concluant un contrat de partenariat reste totalement libre de se connecter à l'application ou non, de choisir l'endroit et le moment où il entend se connecter, sans en informer la plateforme à l'avance, et de mettre fin à la connexion à tout moment ; que la société Uber BV faisait également valoir que, lorsqu'il choisit de se connecter à l'application, le chauffeur est libre d'accepter, de refuser ou de ne pas répondre aux propositions de courses qui lui sont faites par le biais de l'application et que, si plusieurs refus consécutifs peuvent entraîner une déconnexion de l'Application pour des raisons opérationnelles liées au fonctionnement de l'algorithme, le chauffeur a la possibilité de se reconnecter à tout moment et cette déconnexion temporaire n'a aucune incidence sur la relation contractuelle entre le chauffeur et Uber BV ; que la société Uber BV faisait encore valoir que la rémunération de la plateforme est exclusivement assurée par la perception de frais sur les courses effectivement effectuées par le biais de l'application, de sorte que le chauffeur n'est tenu d'aucun engagement financier envers la plateforme susceptible de le contraindre à utiliser l'application ; que la société Uber BV faisait enfin valoir que le contrat de partenariat et l'utilisation de l'application ne sont assortis d'aucune obligation d'exclusivité pour le chauffeur qui peut librement utiliser de manière simultanée d'autres applications de mise en relation avec la clientèle constituée auprès de plateformes concurrentes et/ou exercer son activité de chauffeur VTC et développer une clientèle par d'autres moyens ; que la société Uber BV en déduisait que la conclusion et l'exécution du contrat par M. F... n'emportaient strictement aucune obligation pour ce dernier de travailler pour le compte de la plateforme, de sorte que la relation contractuelle ne pouvait être qualifiée de contrat de travail ; qu'en jugeant néanmoins que le contrat ayant lié M. F... à la société Uber BV est un contrat de travail, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la conclusion et l'exécution de ce contrat emportaient une obligation à la charge du chauffeur de travailler pour la plateforme ou de se tenir à la disposition de cette dernière pour accomplir un travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1411-1, L. 7341-1 et L. 8221-6 du code du travail ;

2°/ qu'il résulte de l'article L. 8221-6 du code du travail que la présomption de non salariat pour l'exécution d'une activité donnant lieu à une immatriculation au répertoire des métiers n'est écartée que lorsqu'il est établi que la personne immatriculée fournit des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui la placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d'un service organisé ne peut constituer un indice du lien de subordination que lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail ; qu'aucun lien de subordination juridique permanent ne saurait résulter du contrat conclu entre une plateforme numérique et un chauffeur VTC, lorsque le contrat n'emporte aucun pouvoir de la plateforme d'exiger du chauffeur qu'il accomplisse un travail pour elle ou même qu'il se tienne à sa disposition pendant une période donnée, aussi courte soit-elle, ni aucun engagement susceptible de contraindre le chauffeur à utiliser l'application développée par la plate-forme ; qu'au cas présent, il est constant que M. F..., qui était inscrit au répertoire des métiers en qualité de chauffeur, entrait dans le champ d'application de l'article L. 8221-6 du code du travail ; que la société Uber BV faisait valoir que le chauffeur concluant un contrat de partenariat reste totalement libre de se connecter à l'application, de choisir l'endroit et le moment où il entend se connecter, sans être aucunement tenu d'en informer à l'avance la plateforme, et de mettre fin à la connexion à tout moment ; que la société Uber BV faisait également valoir que, lorsqu'il choisit de se connecter à l'application, le chauffeur est libre d'accepter, de refuser ou de ne pas répondre aux propositions de courses qui lui sont faites par le biais de l'application et que, si plusieurs refus consécutifs peuvent entraîner une déconnexion temporaire de l'application pour permettre le bon fonctionnement de l'algorithme (les demandes de courses étant proposées aux chauffeurs connectés un par un, par ordre de proximité avec le passager), le chauffeur a la possibilité de se reconnecter à tout moment uniquement en cliquant sur l'application ; que la société Uber BV faisait encore valoir que la conclusion du contrat de partenariat et l'utilisation de l'application ne donne lieu à aucune redevance, ni à aucun engagement financier, de la part du chauffeur à l'égard de la société Uber BV, qui serait de nature à contraindre le chauffeur d'utiliser l'application, et que la rémunération de la plateforme est exclusivement assurée par la perception de frais sur les courses effectivement...

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