Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 25 mars 2020, 16-20.520, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Mouillard
ECLIECLI:FR:CCASS:2020:CO00296
CitationSur l¿office du juge en matière de procédure collective internationale, cf. :CJUE, 4 décembre 2019, Tiger e.a. C-493/18
Case OutcomeCassation sans renvoi
Docket Number16-20520
Date25 mars 2020
CounselSCP Ghestin,SCP Thouin-Palat et Boucard,SCP Spinosi et Sureau
Appeal Number42000296
Subject MatterCONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale - Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 - Article 3, § 1 - Procédure d'insolvabilité - Vérification de la compétence - Office du juge - Etendue - Détermination
CourtChambre Commerciale, Financière et Économique (Cour de Cassation de France)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 mars 2020




Cassation sans renvoi


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 296 FS-P+B+I

Pourvoi n° K 16-20.520






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 MARS 2020

M. O... N...Q, domicilié [...], a formé le pourvoi n° K 16-20.520 contre l'arrêt rendu le 13 mai 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme T... N...Q, [...],

2°/ à la société Tiger, société civile immobilière, dont le siège est [...],

3°/ à M. G... H..., domicilié Cabinet Grant Thornton, UK LLP, [...], pris en qualité de liquidateur judiciaire ou syndic de M. O... N...Q,

4°/ à la société Crédit immobilier de France développement, société anonyme, dont le siège est [...], venant aux droit de la société Banque patrimoine et immobilier,

défendeurs à la cassation.

Mme T... N...Q et la société Tiger ont formé un pourvoi provoqué contre le même arrêt.

M. G... H..., ès qualités, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal et les demanderesses au pourvoi provoqué invoquent, à l'appui de leur recours, les cinq moyens de cassation identiques annexés au présent arrêt.

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Ghestin, avocat de M. et Mme N...Q et de la société Tiger, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. H..., ès qualités, de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société Crédit immobilier de France développement, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 février 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mme Vallansan, M. Remeniéras, Mmes Graff-Daudret, Vaissette, Fontaine, Mme Fevre, M. Riffaud, Mme Boisselet, M. Mollard, conseillers, M. Guerlot, Mmes Barbot, Brahic-Lambrey, Kass-Danno, conseillers référendaires, Mme Guinamant, avocat général référendaire, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Reprise d'instance

1.Il est donné acte à la société Crédit immobilier de France développement de ce qu'elle reprend l'instance en lieu et place de la société Banque patrimoine immobilier.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 mai 2016) et les productions, le 7 août 2008, la société de droit allemand Wirecard a obtenu d'un juge anglais une mesure de gel des avoirs de M. N...Q, ressortissant néerlandais. Ce dernier était alors propriétaire sur le territoire français d'un appartement et d'un ensemble immobilier. Le 22 août 2008, M. N...Q et sa soeur, Mme N...Q épouse N... X... (Mme N...Q), ont signé devant un notaire français un acte de reconnaissance de dette par lequel M. N...Q reconnaissait devoir à Mme N...Q la somme de 500 000 euros pour divers prêts, s'engageait à rembourser cette somme au plus tard le 22 août 2017 et hypothéquait au profit de Mme N...Q en second rang les biens ci-avant. Le même jour, ils ont inscrit sur lesdits biens les deux hypothèques conventionnelles. Les 18 et 24 mars 2010, M. N...Q a vendu à la SCI Tiger, constituée le 25 février précédent avec sa soeur, cette dernière en détenant 90 %, l'appartement et l'ensemble immobilier moyennant respectivement les prix de 395 000 euros et 790 000 euros.

3. Le 10 mai 2011, M. N...Q a été déclaré en faillite à sa demande par la County Court de Croydon au Royaume-Uni en application du Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité et de la section 271 de la loi britannique sur les faillites de 1986 (Insolvency Act de1986) et le 1er juillet 2011, M. H..., de la société Grand Thornton, a été désigné syndic de la faillite de M. N...Q avec effet au 6 juillet 2011. A la demande de M. H..., ès qualités, la County Court de Croydon a, le 26 octobre 2011, autorisé l'initiative de procédures judiciaires pour, d'une part, entreprendre une action devant les juridictions françaises pour faire enregistrer l'ordonnance de faillite, d'autre part, obtenir une décision qui dise pour droit que l'hypothèque inscrite au profit de Mme N...Q le 22 août 2008 et les transferts des propriétés à la SCI Tiger des 18 et 24 mars 2010 étaient constitutifs de transactions sans contrepartie réelle ou significative conformément aux dispositions de la section 339 de la loi sur les faillites de 1986 et, par conséquent, obtenir une décision permettant la réintégration de ces propriétés dans le patrimoine du débiteur puis leur réalisation.

4. Le 12 décembre 2011, M. H..., ès qualités, a assigné M. N...Q, Mme N...Q et la SCI Tiger devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir déclarer inopposables à la masse de la faillite les hypothèques conventionnelles inscrites le 22 août 2008 et la vente des biens immobiliers situés en France. La société Banque patrimoine immobilier (la BPI), qui avait financé l'acquisition de ces biens, est intervenue à l'instance. Par un jugement du 19 novembre 2013, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré recevable l'action de M. H..., ès qualités, et jugé que les hypothèques et les ventes étaient inopposables à celui-ci, dans la limite des sommes restant dues aux créanciers. La cour d'appel de Paris a confirmé le jugement, sauf sur la limitation de l'inopposabilité aux sommes restant dues aux créanciers et, statuant à nouveau de ce chef, a dit que l'inopposabilité des deux hypothèques et des deux ventes à M. H..., ès qualités, n'était pas limitée de la sorte. Par un arrêt du 24 mai 2018, la Cour de cassation a saisi la Cour de justice de l'Union européenne (la CJUE) d'un renvoi préjudiciel portant sur l'interprétation de l'article 3, § 1, du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi provoqué, rédigés en termes identiques, réunis

Enoncé du moyen

5. M. N...Q, Mme N...Q et la SCI Tiger font grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de M. H..., ès qualités, de juger que les hypothèques consenties par M. N...Q sur les biens situés à Paris et à [...], et les ventes de ces biens à la SCI Tiger, intervenues respectivement les 18 mars et 24 mars 2010, sont inopposables à M. H..., ès qualités, de dire que l'inopposabilité des deux hypothèques et des deux ventes à M. H..., ès qualités, n'est pas limitée aux sommes dues aux créanciers et de rejeter les demandes de M. N...Q, alors « qu'aux termes de l'article 3 § 1 du Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, les juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure principale d'insolvabilité ; que la CJUE a dit pour droit que l'article 3 § 1 doit être interprété en ce sens que les juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel s'est ouverte la procédure d'insolvabilité sont compétentes pour connaître d'une action révocatoire fondée sur l'insolvabilité dirigée contre un défendeur ayant son domicile sur le territoire d'un autre Etat (CJUE, 16 janvier 2014, Schmid, aff. C-328/12 ; CJCE, 12 février 2009, Seagon, aff. C-339/07) ; qu'au cas d'espèce, dès lors qu'il était constant que la procédure principale d'insolvabilité avait été ouverte au Royaume-Uni, seules les juridictions du Royaume-Uni étaient compétentes pour statuer sur l'action en "inopposabilité" des prises d'hypothèques et des ventes immobilières dirigée par le mandataire des créanciers M. H... à l'encontre de M. N...Q, peu important que ce dernier fût domicilié en France ou que les biens concernés y fussent situés ; qu'en s'abstenant de relever d'office son incompétence, la cour d'appel a violé l'article 3 § 1 du Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000, ensemble l'article 92 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Aux termes de l'article 74 du code de procédure civile, les exceptions de procédure doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public. Il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions de M. N...Q, de Mme N...Q et de la SCI Tiger devant les juges du fond que ceux-là aient contesté la compétence des juridictions françaises pour connaître du litige.

7. Le moyen, présenté pour la première fois devant la Cour de Cassation, est donc irrecevable.

Mais sur le moyen relevé d'office, suggéré par les demandeurs

Vu l'article 3, § 1, du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité :

8. Il résulte de ce texte que les juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d'insolvabilité et que les juridictions de l'Etat membre compétent pour ouvrir la procédure d'insolvabilité ont une compétence exclusive pour connaître des actions qui dérivent directement de cette procédure et qui s'y insèrent étroitement (CJUE, 14 novembre 2018, Wiemer & Trachte, C-296/17, point 36).

9. Par un arrêt du 4 décembre 2019 (C-493/18, Tiger e.a.), la CJUE a dit pour droit que l'article susvisé doit être interprété en ce sens que l'action du syndic, désigné par une juridiction de...

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