Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 16 septembre 2020, 18-50.080 19-11.251, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Batut
ECLIECLI:FR:CCASS:2020:C100519
CitationN 1>Sur l'impossibilité d'établir une double filiation maternelle ou paternelle, cf. : Cons. const., 17 mai 2013, décision n° 2013-669 DC.Sur l'impossibilité d'établir une double filiation maternelle ou paternelle, à rapprocher. : avis de la Cour de cassation, 7 mars 2018, n° 17-70.039, Bull. 2018, Avis, n° 2.
Case OutcomeCassation partielle
Date16 septembre 2020
Appeal Number12000519
Docket Number18-50080,19-11251
CounselSCP Colin-Stoclet,SCP Célice,Texidor,Périer,SCP Delamarre et Jehannin
CourtPremière Chambre Civile (Cour de Cassation de France)
Subject MatterCONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 8 - Respect de la vie privée et familiale - Intérêt supérieur de l'enfant - Impossible établissement d'une double filiation de nature maternelle hors adoption - Compatibilité CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 14 - Interdiction de discrimination - Compatibilité - Femme transgenre ayant conçu l'enfant avec un appareil reproductif masculin - Effet - Impossible établissement d'une double filiation de nature maternelle hors adoption CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention de New York du 20 novembre 1989 - Droits de l'enfant - Article 3, § 1 - Intérêt supérieur de l'enfant - Impossible établissement d'une double filiation de nature maternelle hors adoption - Compatibilité
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 septembre 2020




Cassation partielle


Mme BATUT, président



Arrêt n° 519 FS-P+B+R


Pourvois n°
H 18-50.080
X 19-11.251 JONCTION


Aide juridictionnelle totale en défense
au profit du président du conseil départemental
du Vaucluse, en qualité d'administrateur ad hoc
de M... J....
Admissions du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date des 27 septembre 2019
et 12 novembre 2019.





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 SEPTEMBRE 2020

I - Le procureur général près la cour d'appel de Montpellier, domicilié en son parquet général, 1 rue Foch, 34023 Montpellier cedex 1, a formé le pourvoi n° H 18-50.080 contre un arrêt rendu le 14 novembre 2018 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre A et B), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme S... Q..., domiciliée [...] ,

2°/ au président du conseil départemental de Vaucluse, domicilié [...] ,

3°/ à Mme B... J..., domiciliée [...] ,

défendeurs à la cassation.

Parties intervenantes :

- l'Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL), dont le siège est [...] ,

- l'Association commune trans et homo pour l'égalité (ACTHE), dont le siège est [...] .

II - Mme S... Q... a formé le pourvoi n° X 19-11.251 contre le même arrêt et contre un arrêt rendu le 21 mars 2018 par la même cour d'appel, dans le litige l'opposant :

1°/ au procureur général près la cour d'appel de Montpellier,

2°/ au président du conseil départemental de Vaucluse,

3°/ à Mme B... J...,

défendeurs à la cassation.

Parties intervenantes :

- l'Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL),

- l'Association commune trans et homo pour l'égalité (ACTHE).

Le demandeur au pourvoi n° H 18-50.080 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi n° X 19-11.251 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, les observations de la SCP Colin-Stoclet, avocat de Mmes Q... et J..., de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat du président du conseil départemental de Vaucluse, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des associations APGL et ACTHE, et l'avis de Mme Caron-Deglise, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 23 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Le Cotty, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, MM. Hascher, Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mme Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Caron-Deglise, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° H 18-50.080 et X 19-11.251 sont joints.

Intervention

2. L'Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL) et l'Association commune trans et homo pour l'égalité (ACTHE) sont reçues en leur intervention volontaire accessoire.

Déchéance partielle du pourvoi n° X 19-11.251, examinée d'office

3. Selon l'article 978 du code de procédure civile, à peine de déchéance, le demandeur en cassation doit, au plus tard dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée.

4. Mme Q... s'est pourvue en cassation contre l'arrêt avant dire droit du 21 mars 2018 mais son mémoire ne contient aucun moyen à l'encontre de cette décision.

5. Il y a lieu en conséquence de constater la déchéance partielle du pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre cet arrêt.

Faits et procédure

6. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 14 novembre 2018), Mme J... et M. Q... se sont mariés le [...] . Deux enfants sont nés de cette union, C... le [...] et W... le [...].

7. En 2009, M. Q... a saisi le tribunal de grande instance de Montpellier d'une demande de modification de la mention relative à son sexe dans les actes de l'état civil. Un jugement du 3 février 2011 a accueilli sa demande et dit qu'il serait désormais inscrit à l'état civil comme étant de sexe féminin, avec S... pour prénom. Cette décision a été portée en marge de son acte de naissance et de son acte de mariage.

8. Le 18 mars 2014, Mme J... a donné naissance à un troisième enfant, M... J..., conçue avec Mme Q..., qui avait conservé la fonctionnalité de ses organes sexuels masculins. L'enfant a été déclarée à l'état civil comme née de Mme J....

9. Mme Q... a demandé la transcription, sur l'acte de naissance de l'enfant, de sa reconnaissance de maternité anténatale, ce qui lui a été refusé par l'officier de l'état civil.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi n° X 19-11.251, pris en ses deuxième et quatrième à huitième branches, en ce qu'il est dirigé contre le chef de dispositif rejetant la demande de transcription de la reconnaissance de maternité et les autres demandes de Mme Q...

Enoncé du moyen

10. Mme Q... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de transcription, sur les registres de l'état civil, de la reconnaissance de maternité faite avant la naissance et de rejeter ses autres demandes, alors :

« 1°/ que la loi française ne permet pas de faire figurer, dans les actes de l'état civil, l'indication d'un sexe autre que masculin ou féminin ; que dès lors, ne peut figurer, sur un acte de l'état civil, le lien de filiation d'un enfant avec un « parent biologique », neutre, sans précision de sa qualité de père ou de mère ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il était dans l'intérêt supérieur de l'enfant de voir reconnaître la réalité de sa filiation biologique avec Mme Q... ; que l'établissement d'une filiation par la voie de l'adoption était, en l'occurrence, impossible ; que la cour d'appel a également constaté que le droit au respect de la vie privée de Mme Q... excluait qu'il puisse lui être imposé une filiation paternelle ; qu'il se déduisait de ces constatations, relatives à la nécessité, pour l'intérêt supérieur de l'enfant, de reconnaître la filiation biologique avec Mme Q..., mais l'impossibilité de faire figurer sur l'acte de naissance de M... J... une filiation paternelle à l'égard de Mme Q..., que seule la mention de Mme Q... en qualité de mère, était de nature à concilier l'intérêt supérieur de l'enfant et le droit au respect de la vie privée de Mme Q... et de M... J... ; qu'en jugeant le contraire, aux motifs inopérants et erronés qu'une telle filiation « aurait pour effet de nier à M... la filiation paternelle, tout en brouillant la réalité de sa filiation maternelle », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant les articles 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les article 3-1 et 7 de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant ;

2°/ que dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que, depuis un jugement du 3 février 2011, Mme Q... est de sexe féminin à l'état civil ; que la cour d'appel a constaté que l'existence d'un lien biologique entre Mme Q... et M... J... n'était pas contestée ; qu'en jugeant que l'intérêt de l'enfant M... J... était de voir reconnaître avec Mme Q... un lien de filiation non sexué, aux motifs que l'établissement d'un lien de filiation maternelle aurait pour effet de lui nier toute filiation paternelle et de brouiller la réalité de la filiation maternelle, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si à l'inverse le fait d'établir une filiation non maternelle avec Mme Q... n'était pas susceptible d'entraîner, pour l'enfant, des conséquences négatives, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 § 1 et 7 de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant ;

3°/ qu'en application de l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe ; que cette disposition interdit de traiter de manière différente, sans justification objective et raisonnable, des personnes placées dans des situations comparables et prohibe les discriminations liées notamment à l'identité sexuelle des personnes ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que, depuis un jugement du 3 février 2011, Mme Q... est de sexe féminin à l'état civil ; que la cour d'appel a par ailleurs...

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