Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 20 avril 2017, 16-80.091, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Guérin
ECLIECLI:FR:CCASS:2017:CR00664
Case OutcomeCassation partielle
Publication au Gazette officielBulletin criminel 2017, n° 110
Docket Number16-80091
Date20 avril 2017
CounselSCP Sevaux et Mathonnet,SCP Thouin-Palat et Boucard
Appeal NumberC1700664
CourtChambre Criminelle (Cour de Cassation de France)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° M 16-80.091 FS-P+B

N° 664

ND
20 AVRIL 2017


CASSATION PARTIELLE


M. GUÉRIN président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par M. [W] [E], contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 3 novembre 2015, qui, pour détournement de fonds par une personne chargée d'une mission de service public, l'a condamné à trois ans d'emprisonnement dont un an avec sursis et mise à l'épreuve, à cinq ans d'interdiction de gérer, a ordonné des mesures de confiscation et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 22 février 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Zerbib, conseiller rapporteur, M. Soulard, M. Steinmann, Mme de la Lance, Mme Chaubon, M. Germain, Mme Planchon, M. d'Huy, M. Wyon, conseillers de la chambre, Mme Chauchis, Mme Pichon, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. [F] ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de Mme le conseiller ZERBIB, les observations de la société civile professionnelle SEVAUX et MATHONNET, de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et BOUCARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général [F] ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. [E], directeur d'agence de la Banque Postale, a été poursuivi du chef de détournement d'une somme de 1 153 719 euros commis par une personne chargée d'une mission de service public ; que le tribunal l'a déclaré coupable de ce délit ; qu'il a interjeté appel du jugement ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 314-1 et 432-15 du code pénal, 7, 8 et 593 du code de procédure pénale, violation de la loi, défaut de motif, manque de base légale :

"en ce que la cour d'appel a rejeté l'exception de prescription soulevée par le prévenu et l'a condamné du chef de détournement de fonds privés par une personne chargée d'une mission de service public pour des faits commis entre le 1er février 2002 et le 31 décembre 2008 ainsi qu'entre le 1er janvier 2009 et le 30 avril 2012, et a prononcé sur les intérêts civils ;

"aux motifs qu'il résulte de l'article 8 du code de procédure pénale, qu'en matière de délit, la prescription de l'action publique est de trois années révolues ; qu'en matière de détournement de fonds publics, le point de départ de la prescription doit être fixé au jour où les actes frauduleux ont pu être constatés dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ; que M. [E] fait valoir qu'il n'a pas dissimulé ses détournements par des manoeuvres quelconques et qu'il se contentait soit d'opérer des retraits d'un montant supérieur à celui autorisé par ses clients, soit d'indiquer au client que le retrait envisagé était destiné à un placement nouveau ou à l'augmentation d'une somme déjà placée ; qu'il fait valoir par ailleurs que tous les comptes-titres et épargne font l'objet, au moins semestriellement, d'un envoi automatisé de relevés aux clients titulaires et que les comptes-chèques font l'objet de relevés mensuels adressés au client ; qu'en conséquence, les détournement ne pouvaient pas leur échapper à la lecture des relevés ou lors de la consultation en ligne de leurs comptes ; que, plus encore, La Banque Postale, de par son obligation de vérification des opérations effectuées par son agent, aurait dû elle-même découvrir les détournements effectués par ce dernier au vu de l'ampleur et de leur absence de dissimulation ; mais attendu qu'il résulte des propres déclarations du prévenu ainsi que celles de ses clients, qu'il usait de manoeuvres pour dissimuler les détournements effectués au cours de la période visée aux yeux de ses clients et de la banque ; qu'ainsi, ses clients ont indiqué qu'ils ne recevaient pas le double des bordereaux de retraits qu'ils signaient à leur domicile et qu'ils ne lui réclamaient pas du fait de la confiance instaurée par ce dernier ; que certains ont signé des bordereaux en blanc ; que les signatures figurant sur les bordereaux de retraits n'étaient toujours pas conformes à celles des titulaires des comptes ponctionnés, ce qui a été reconnu par le prévenu lors de sa deuxième audition ; que ce dernier a lui-même indiqué qu'il communiquait à ses clients un état des comptes qui ne mentionnait pas les détournements effectués ou encore qu'il les prévenaient de la nécessité d'attendre un délai de quatre jours avant de voir apparaître le versement d'une somme sur l'un de leur compte ; qu'il avait reconnu également avoir agi à l'insu des conseillers-clientèles en utilisant leurs codes et identifiants à des périodes ou l'agence La Banque Postale était fermée (entre midi et 2 heures, le soir) ; qu'il se rendait également auprès d'autres agences de l'agglomération pour effectuer des versements afin de ne pas attirer l'attention de la sienne ; que les enquêteurs avaient également relevé qu'il scindait les retraits d'espèces des comptes de ses clients avant de les verser sur son compte de manière à éviter d'attirer l'attention de sa hiérarchie ; que par ailleurs certains bordereaux de retraits ont été retrouvés à son domicile lors de la perquisition du 2 mai 2012 alors que d'autres ne l'ont jamais été ; qu'il y a lieu de souligner que certaines victimes (Mmes [T], [J]) étaient très âgées (nées en 1921 et 1923) et que l'une d'entre elles (Mme [C]) était atteinte de la maladie d'Alzheimer au moment des faits ; que ces éléments ne favorisant pas leur vigilance pour repérer les détournements commis sur leurs comptes ; qu'enfin, le système de cavalerie organisé par l'intéressé ne facilitait pas une vision claire de l'état des comptes concernés ; que les manoeuvres de dissimulation ont consisté également à transférer certains clients de [Localité 1] à [Localité 2] avec l'accord de ces derniers afin d'éviter la découverte de ses détournements ; que l'ensemble de ces éléments démontre que l'intéressé usait de manoeuvres diverses pour dissimuler à ses clients les détournements qu'il commettait et ce, après les avoir mis en confiance ; que dans ces conditions, il apparaît que ces agissements frauduleux n'ont pu être découverts que par l'alerte de Tracfin relative à des mouvements importants sur ses comptes personnels ; qu'il est vraisemblable que les outils utilisés par Tracfin mais également par le service dédié de La Poste pour repérer les éventuelles malversations de ses salariés se sont affinés au fil du temps pour devenir de plus en plus efficace ; qu'il y a lieu en conséquence de rejeter la prescription soulevée par le prévenu ;

"alors qu'en matière de détournement de fonds placées sur un compte bancaire, le délai de prescription court...

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