Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 10 octobre 2012, 11-85.914, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Louvel
Case OutcomeRejet
CounselMe Spinosi,SCP Gatineau et Fattaccini,SCP Waquet,Farge et Hazan
Appeal NumberC1205874
Date10 octobre 2012
CitationSur la caractérisation du délit de concussion par exonération commis par un maire, à rapprocher :Crim., 19 mai 1999, pourvoi n° 98-82.607, Bull. crim. 1999, n° 100 (rejet) ;Crim., 31 janvier 2007, pourvoi n° 06-81.273, Bull. crim. 2007, n° 24 (rejet)
Docket Number11-85914
Subject MatterMAIRE - Concussion - Exonération du paiement du prix d'un terrain communal - Abstention volontaire de passer l'acte de vente autorité par le conseil municipal
CourtChambre Criminelle (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin criminel 2012, n° 214

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Jean X...,
- M. Jean Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de SAINT-DENIS de la RÉUNION, chambre correctionnelle, en date du 13 juillet 2011, qui a condamné, le premier, pour concussion, à un an d'emprisonnement avec sursis, 8 000 euros d'amende, le second, pour recel, à neuf mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Gatineau et Fattaccini pour M. X..., pris de la violation des articles 1583 du code civil, 111-4, 121-3, 432-10 du code pénal, 7 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de concussion ;

"aux motifs qu'il est acquis aux débats que M. Y... a occupé gratuitement pendant la période visée dans la prévention un terrain d'une superficie de 900 m² appartenant à la commune de Saint-Leu sur lequel il a construit une maison ; que pourtant, dans un délibération en date du 26 mai 2003, le conseil municipal de cette commune avait autorisé le maire, non pas à consentir à l'intéressé une autorisation d'occupation à titre gratuit, mais à lui vendre le même terrain au prix de 35 euros le m² ; qu'ainsi, alors qu'aux termes de l'article L. 2122-21 du code général des collectivités locales, le maire est chargé d'exécuter les décisions du conseil municipal et en particulier de passer les actes de vente régulièrement autorisés, il est constant que pour sa part, M. X..., maire de la commune de Saint-Leu à compter du mois d'avril 2004, s'est abstenu, pendant la période incriminée, de faire exécuter la délibération précitée qu'il connaissait pourtant parfaitement pour avoir pris part au vote en tant que conseiller municipal ; qu'il est dès lors établi, en premier lieu, que M. Y... a bénéficié d'un avantage illégal consistant en l'occupation à titre gratuit d'un terrain communal non autorisée par le conseil municipal ; en second lieu, que cet avantage indu trouve son origine dans un manquement commis par le maire à ses obligations légales qui lui imposaient, en l'espèce, de passer l'acte de vente autorisé par la délibération du conseil municipal du 26 mai 2003, ce qu'il n'a pas fait ni essayé sérieusement de faire sans pouvoir se prévaloir d'un obstacle juridique ou factuel susceptible de constituer un motif légitime ; tels faits, générateurs à la fois d'une exonération irrégulière au profit d'un citoyen et d'une perte d'une ressource potentielle pour la commune relèvent incontestablement des prévisions de l'article 432-10, alinéa 2, du code pénal ; que divers éléments du dossier permettent de retenir avec certitude que ces faits ne résultent ni d'une inertie, ni d'une négligence, mais qu'ils ont au contraire été commis sciemment ; qu'il ressort des propres déclarations de M. Y... que, confronté à des difficultés de financement, il avait délibérément retardé le paiement du prix de vente du terrain pour pouvoir prioritairement assurer la construction de sa maison ; qu'il ne pouvait dès lors ignorer qu'en s'installant sur un terrain au début de l'année 2004 et l'en l'occupant sans bourse délier jusqu'au 6 décembre 2006, date à laquelle il a versé dans la comptabilité du notaire la somme correspondant au prix de vente, il bénéficiait d'un avantage dont les accédants à la propriété sont habituellement privés et qui ne reposait, en ce qui le concerne, que sur la complaisance du maire, s'agissant d'un terrain communal ; que d'ailleurs, sa compagne, Mme Z... a bien précisé aux enquêteurs qu'elle pensait que M. X... avait donné son accord pour retarder le paiement du prix de vente du terrain ; que de son côté, M. X... ne peut sérieusement soutenir être resté dans l'ignorance de l'avantage dont bénéficiait M. Y... jusqu'à sa dénonciation dans un article de presse publié en juin 2007 ; qu'en premier lieu, il ne pouvait qu'être informé à travers l'examen et le vote annuels des comptes de la commune de l'existence de cette ressource non encaissée qu'était le prix de la vente d'un terrain communal consentie à M. Y... ; qu'en deuxième lieu, il a reconnu à l'audience de la cour qu'il savait que ce dernier occupait le terrain sans avoir réglé la vente et sans qu'une contrepartie financière lui soit imposée ; qu'en troisième lieu, la grande proximité, au moins professionnelle, qui existait entre les deux hommes, avant comme après la délibération du conseil municipal du 26 mai 2003, accrédite la thèse d'une concertation pour que le maire permette à son ancien chauffeur devenu membre de son cabinet, de différer le paiement d'un terrain sur lequel il s'était installé, l'autorisant ainsi à l'occuper gratuitement et lui procurant dès lors un avantage illégal ; qu'il résulte de l'analyse qui précède, que le délit de concussion par dépositaire de l'autorité publique prévu par l'article 432-10 du code pénal est constitué dans ses éléments matériel et intentionnel à l'encontre de M. X... et que le recel d'un bien provenant de ce délit est également pleinement établi à la charge de M. Y..., en tout cas jusqu'au 6 décembre 2006, date à laquelle le versement du prix de vente fait disparaître, en ce qui le concerne, l'élément intentionnel ; qu'il convient dès lors d'infirmer la décision de relaxe entreprise et, statuant à nouveau, de déclarer les deux prévenus coupables des faits qui leur sont respectivement reprochés en limitant toutefois à la période comprise entre le mois de mai 2004 et le 6 décembre 2006, l'infraction commise par M. Y... ;

"1) alors qu'il résulte de l'article 1583 du code civil, que la vente est parfaite entre les parties et la propriété acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée, ni le prix payé ; qu'en l'espèce, après délibération du 26 mai 2003, le commune de Saint-Leu a autorisé la vente d'une parcelle communale de 900 m² au prix de 38 000 euros selon l'évaluation faite par l'administration des domaines à M. Y... ; que l'attestation du 30 juillet 2003 de Me A..., notaire, témoigne de l'échange des consentements entre la commune de Saint-Leu et M. Y..., ces derniers s'étant entendus sur la chose et sur le prix ; qu'en affirmant que M. Y... a bénéficié d'un avantage illégal consistant en l'occupation à titre gratuit d'un terrain communal non autorisée par le conseil municipal, quand cette occupation résultait d'une vente parfaitement légale expressément autorisée par le conseil municipal, dès lors que les parties avaient manifesté leur consentement tant sur la chose que sur le prix, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et privé sa décision de toute base légale ;

"2) alors que la loi pénale est d'interprétation stricte , que le délit de concussion ne peut être constitué qu'à la condition que le prévenu ait accordé, sous une forme quelconque et pour quelque motif que ce soit, « une exonération ou une franchise des droits, contributions, impôts ou taxes publics en violation des textes légaux et réglementaires » ; que tel ne peut être le cas du prix de vente d'un terrain fut-il communal, lequel ne peut en aucun cas s'apparenter à un impôt ; qu'en déclarant M. X... coupable de concussion pour avoir manqué de diligence quant à la réclamation du prix de la vente d'un terrain communal autorisée par la commune, la cour a étendu le champ d'incrimination du délit au-delà des limites fixées par le texte légal, en violation du principe de l'interprétation stricte de la loi pénale ;

"3) alors que le délit de concussion par dépositaire de l'autorité publique suppose que son auteur ait accompli un acte positif en « accordant » à autrui une exonération ou une franchise de droits ; qu'en se bornant à reprocher à M. X... d'avoir manqué de vérifier la mise en oeuvre de l'acte de vente autorisé par le conseil municipal, la cour d'appel a...

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