Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 22 novembre 2017, 16-86.475, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Soulard
ECLIECLI:FR:CCASS:2017:CR02813
Case OutcomeRejet
CounselSCP Spinosi et Sureau
Appeal NumberC1702813
Docket Number16-86475
Subject MatterLOIS ET REGLEMENTS - Principe de légalité - Transparence de la vie publique - Obligations de déclaration - Infractions - Omission de déclarer une partie substantielle de son patrimoine ou de ses intérêts - Convention européenne des droits de l'homme - Article 7 - Compatibilité
CourtChambre Criminelle (Cour de Cassation de France)
Date22 novembre 2017
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° A 16-86.475 FS-P+B

N° 2813

SL
22 NOVEMBRE 2017


REJET


M. X... président,




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

REJET du pourvoi formé par Mme Yamina Y..., épouse Z..., contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 5-12, en date du 27 septembre 2016, qui, pour méconnaissance, par un membre du gouvernement, des obligations déclaratives aux fins de prévention des conflits d'intérêts et de transparence dans la vie publique, l'a condamnée à deux mois d'emprisonnement avec sursis, une amende de 5 000 euros et un an d'inéligibilité AR ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 11 octobre 2017 où étaient présents : M. X..., président, Mme A..., conseiller rapporteur, Mme de la Lance, MM. Steinmann, Germain, Mme Planchon, M. Larmanjat, Mme Zerbib, MM. d'Huy, Wyon, conseillers de la chambre, Mmes Pichon, Fouquet, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. B... ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire A..., les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général B... ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Mme Z..., nommée, par décret du 21 juin 2012, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée de la francophonie, a procédé aux déclarations de patrimoine prévues par la loi, en date des 19 juillet 2012, 11 avril 2013, 29 janvier, 14 mars et 6 juin 2014 ainsi qu'aux déclarations d'intérêts, en date des 29 janvier et 14 mars 2014 ; qu'alerté par le directeur général des finances publiques sur le caractère éventuellement incomplet de certaines des déclarations de Mme Z..., le président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique a saisi le procureur de la République, le 31 mars 2014, par application de l'article 40 du code de procédure pénale ; qu'au terme de l'enquête préliminaire, Mme Z... a été poursuivie devant le tribunal correctionnel pour répondre de faits de méconnaissance, par un membre du gouvernement, des obligations déclaratives aux fins de prévention des conflits d'intérêts et de transparence dans la vie publique ; que les juges du premier degré l'ont relaxée des faits de non-déclaration de modification substantielle de son patrimoine entre le 29 janvier et le 13 mars 2014 mais déclarée coupable pour le surplus et l'ont dispensée de peine ; que le ministère public et Mme Z... ont relevé appel de cette décision ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 7, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme, 111-2, 111-3 et 121-3 du code pénal, 1321 du code civil dans rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, 1er et 5-1, § I, de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988, LO135-1 du code électoral dans sa rédaction issue de la loi organique n° 2011-410 du 14 avril 2011, 591 et 593 du code de procédure pénale :

"en ce que la cour d'appel a déclaré la demanderesse coupable du délit prévu par l'article 5-1, § I, de la loi du 11 mars 1988 pour avoir omis de déclarer une partie substantielle de son patrimoine dans sa déclaration du 19 juillet 2012 ;

"aux motifs, qu'au préalable, il incombe au juge d'interpréter les notions de "part substantielle" de patrimoine, de "modification substantielle", de "fait générateur de la déclaration" ou "participation à des fonctions dirigeantes" résultant des dispositions des lois 2011-412 du 14 avril 2011 et 2013-907 du 11 octobre 2013 ; que le moyen tendant à le faire écarter ces dispositions législatives pour absence de précision suffisante sera écarté ; que sur le fait d'avoir à Paris, le 19 juillet 2012, étant membre du gouvernement en sa qualité de ministre déléguée chargée de la francophonie, omis sciemment de déclarer à la commission pour la transparence financière de la vie politique une partie substantielle de son patrimoine ou fourni une évaluation mensongère de son patrimoine portant atteinte à la sincérité de sa déclaration et à la possibilité pour la commission pour la transparence financière de la vie politique d'exercer sa mission, en l'espèce en ne mentionnant pas la détention de 12 parts de la société de droit belge G2 ; que la déclaration de patrimoine effectuée le 19 juillet 2012, immédiatement après la nomination de Mme Yamina Y..., épouse Z..., comme ministre le 16 mai 2012, ne mentionne pas la détention de 12 parts de la société G2 ; que, sur l'élément matériel, contrairement à ce qui est soutenu par la défense, ces parts constituaient alors une partie substantielle de son patrimoine ; qu'il résulte en effet des débats d'appel qu'elles ont été évaluées par l'avocat fiscaliste de Mme Yamina Y..., épouse Z..., elle-même et rémunéré par celle-ci à l'occasion de l'établissement de ses déclarations ISF à la somme de 960 000 euros pour l'année 2012 ; qu'alors que la totalité de l'actif net résultant de cette déclaration ISF s'élevait à la somme de 2 453 389 euros, il s‘agissait à l'évidence d'une partie substantielle de son patrimoine au sens de la loi 2011-412 du 14 avril 2011 ; qu'à supposer même qu'il y ait eu lieu de pratiquer un abattement compte tenu de l'absence de liquidité des titres G2, la cour observe que le rapport d'expertise commandé par la société G2 elle-même et déposé le 28 janvier 2014, a retenu une décote de 40 % à ce titre ; qu'il en résulterait alors une valeur de 576 000 euros représentant elle aussi une partie substantielle du patrimoine de Mme Yamina Y..., épouse Z..., à la date du 19 juillet 2012 ; que, sur l'élément intentionnel, il est vrai que ces valorisations n'ont été effectuées qu'à la fin de l'année 2012 et les déclarations ISF pour les années 2007 à 2012 n'ont été déposées que le 17 décembre 2012 ; que cependant, de première part, et même si elle a minimisé son rôle comme administrateur de la SA G2, il résulte des dispositions du code de commerce belge relatif à l'administration des sociétés anonymes, notamment en ses articles 517, 518 et 522 versées le 7 juillet 2016 aux débats par monsieur l'avocat général, que les sociétés anonymes de droit belge sont administrées par des personnes physiques ou morales, rémunérées ou non, que les administrateurs doivent être au nombre de trois au moins, qu'ils sont nommés par l'assemblée générale des actionnaires, que le conseil d'administration a le pouvoir d'accomplir tous les actes nécessaires ou utiles à la réalisation de l'objet social de la société ; que, de deuxième part, Mme Yamina Y..., épouse Z..., a reconnu au cours des débats d'appel qu'elle avait approuvé chaque année les comptes sociaux de la société G2, sur la base desquels son avocat fiscaliste a valorisé les parts de la société G2 ; que, de troisième part, contrairement à ce qu'elle a commencé à soutenir en début d'audience, qu'elle ne se désintéressait pas des investissements immobiliers de cette société puisqu'elle a reconnu ensuite qu'elle avait détenu 20 % des parts de la SCI Asap, principale filiale de la SA G2, propriétaire d'un appartement [...] à

Paris 16 ème ; que, de quatrième et dernière part, qu'elle ne saurait prétendre être ignorante du monde des affaires et de la valeur d'une société au regard de ses comptes sociaux puisqu'elle était elle-même présidente de la SAS Elemiah depuis le 13 juillet 2006 ; qu'il en résulte qu'à la date du 19 juillet 2012, même en l'absence des évaluations qui seront effectuées à sa demande en fin d'année, elle n'ignorait pas la valeur substantielle que représentaient dans son patrimoine les actions de la SA G2 et que c'est en connaissance de cause qu'elle a omis de les déclarer ; que la cour confirmera la déclaration de culpabilité de ce chef ;

"1°) alors que les dispositions de l'article 5-1, § I, de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988, qui répriment le fait "d'omettre sciemment de déclarer une part substantielle de son patrimoine", sont, en raison de l'imprécision de cette notion, contraires au principe de la...

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