Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 7 juin 2017, 15-87.214, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Guérin
ECLIECLI:FR:CCASS:2017:CR01227
Case OutcomeCassation
Docket Number15-87214
Date07 juin 2017
Appeal NumberC1701227
CounselSCP Thouin-Palat et Boucard
CitationSur l'inapplicabilité du principe de rétroactivité in mitius aux poursuites du chef d'aide à l'immigration illégale postérieures à l'adhésion à l'Union européenne de l'Etat dont les étrangers sont ressortissants, dans le même sens que :CJUE, arrêt du 6 octobre 2016, Paoletti et a., C-218/15Evolution par rapport à :Crim., 22 janvier 1997, pourvoi n° 95-84.636, Bull. crim. 1997, n° 30 (rejet), et les arrêts cités
Subject MatterTRAVAIL - Travailleurs étrangers - Emploi d'un étranger non muni d'un titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France - Adhésion à l'Union européenne de l'Etat dont l'étranger est ressortissant - Levée des restrictions à l'accès au marché du travail - Portée ETRANGER - Travail en France - Emploi d'un travailleur non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France - Adhésion de l'Etat dont l'étranger est ressortissant - Levée des restrictions à l'accès au marché du travail - Portée
CourtChambre Criminelle (Cour de Cassation de France)

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


- La société Yvroud européenne des fluides,


contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, en date du 12 novembre 2015, qui, pour emploi d'étrangers non munis d'une autorisation de travail, aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'étrangers en France et travail dissimulé, l'a condamnée à six amendes de 5 000 euros ;


La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 25 avril 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Ricard, conseiller rapporteur, M. Straehli, Mme Durin-Karsenty, MM. Larmanjat, Parlos, Bonnal, Mme Ménotti, conseillers de la chambre, MM. Barbier, Talabardon, Ascensi, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Cordier ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

Sur le rapport de M. le conseiller RICARD, les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et BOUCARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général CORDIER ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'un premier contrôle, réalisé le 21 avril 2009, sur le chantier de construction d'une clinique à La Ravoire (Savoie), a révélé l'emploi par la société Yvroud européenne des fluides (la société Yvroud) de treize ressortissants roumains, démunis pour certains de titre de séjour et d'autorisation de travail, alors qu'ils avaient été recrutés par la société Yvroud en Roumanie par le truchement d'une société de droit roumain, ICG International Group (la société ICG) ; que lors d'un second contrôle de ce chantier, effectué le 11 mai 2009, la présence de vingt salariés de nationalité roumaine, employés dans des conditions similaires, était constatée ; que la poursuite des investigations menées par le service de police, ainsi que par l'inspection du travail a établi que ces travailleurs avaient été embauchés par la société ICG, succédant à une précédente société de droit roumain, la société SC Allodia Impexcom SRL, en qualité d'intérimaires, avant d'être envoyés en France, pour une durée indéterminée, entre mai 2008 et janvier 2009, puis mis à la disposition, notamment, de la société Yvroud, cette dernière les employant sur ledit chantier et assurant leur hébergement à ce titre ; que, selon les auditions réalisées, l'étude des documents saisis et le rapport de l'inspection du travail, les salaires indiqués et le nombre d'heures de travail effectuées par ces travailleurs tels que mentionnés sur les contrats de mise à disposition étaient inexacts ; que, selon les éléments transmis par l'administration du travail roumaine, les sociétés Allodia et ICG ne bénéficiaient pas du statut d'entreprise de travail temporaire et aucun contrat de mise à disposition établi par ces société pour treize des salariés ayant oeuvré pour le compte de la société Yvroud n'avait été établi, situation dont il était déduit l'existence de faits de travail dissimulé ; que, saisi des poursuites engagées contre ladite société, le tribunal a rejeté l'exception d'irrégularité de la procédure soulevée et a déclaré la société Yvroud coupable des chefs de travail dissimulé, d'emploi d'étrangers non munis d'une autorisation de travail et d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'étrangers en France ; que le prévenu et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 509, 512, 463, 592, 593, 648 à 651 du code de procédure pénale, 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble violation des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de faire droit à l'exception de nullité de la procédure soulevée par la société Yvroud ;

" aux motifs que l'avocat de la société Yvroud fait état de ce qu'il avait sollicité l'accès aux scellés faits par les services de police et qu'il lui avait été indiqué, après recherches, que l'intégralité des scellés avait disparu ; qu'il en tirait argument pour soulever une irrégularité de la procédure en faisant état d'une jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 6 janvier 2010, W 09-83-897, venant affirmer, selon lui, la nécessité de pouvoir vérifier et discuter l'existence et la teneur de pièces de la procédure si elles constituaient un document substantiel pour le respect des droits de la défense, et devant entraîner la nullité de la décision ; qu'il rappelait le titre annoncé des huit scellés et d'une annexe non communiqués, annexe en fait présente au dossier ; qu'il considérait que l'exploitation de ces scellés avait été utilisée principalement lors d'une audition de l'enquête, celle de M. X... , responsable roumain de la société utilisée, ce qui, selon lui, devait entraîner l'impossibilité de retenir cette audition. Il indiquait, d'autre part, que l'annexe au rapport de la DDPAF, intitulée " Tableau synoptique détaillant les identités des quarante ouvriers roumains employés par les sociétés Ravoire et Yvroud avec les périodes d'emploi et le temps de travail comptabilisé par mois " ne pouvait être prise en compte, puisque résultant de l'exploitation des documents placés sous scellés disparus. Il indiquait enfin que le rapport établi par la ODPAF ne pouvait pas être pris en considération puisque se fondant principalement sur les scellés disparus, ce qui devait entraîner de ce fait la mise à l'écart de l'avis de la direction du travail du 5 août 2011 s'appuyant précisément sur ce rapport de police, comportant au demeurant des noms différents. Il concluait en conséquence à l'annulation du jugement et à la relaxe de la prévenue ; que le tribunal a répondu à cette argumentation en indiquant : " s'il est constant que la disjonction des deux procédures entre Chambéry et Albertville a engendré des difficultés quant à la répartition des pièces, le tribunal a sollicité l'intégralité du dossier transmis à Chambéry, justifiant les renvois ; que le tribunal appréciera en conséquence les faits reprochés à la société Yvroud sur la base des pièces soumises à son appréciation et sur aucune autre, il convient en conséquence de rejeter le moyen. " L'examen de la jurisprudence indiquée concerne en fait le seul problème de la délivrance des copies des pièces du dossier au prévenu, nécessitant de rechercher si celui-ci avait pu ou non obtenir la copie de l'intégralité des pièces du dossier soumis à la juridiction. Elle ne permet donc pas de déduire le corpus décliné dans les conclusions avec les conséquences indiquées, qui, au demeurant, seraient de peu d'efficacité au vu des dispositions de l'articles 520 du code de procédure pénale permettant à la Cour d'évoquer alors et de statuer sur le fond, d'autant que l'argumentation soulevée relève davantage du fond que d'un problème de nullité ; qu'en l'espèce, l'argumentation sera rejetée, car la disparition des pièces ne saurait entraîner ipso facto la nullité du jugement ; qu'il est vrai que ces documents, saisis principalement chez M. X... , ont donné lieu à une exploitation par les services de la police aux frontières, qui en ont alors extrait un certain nombre d'éléments utilisés dans leurs questions posées entièrement retranscrites, éléments utilisés alors dans le cadre de l'interrogatoire de M, X..., élément clé des sociétés Allodia Impexcom et ICG, en ce sens qu'il était en charge de la totalité des salariés roumains adressés depuis la Roumanie par M. Y..., gérant des deux sociétés, en France, M. X... reconnaissant lui-même que son " rôle était d'encadrer tous les salariés roumains de ICG en France, de servir d'intermédiaire entre les roumains et les français, d'obéir aux ordres des clients français et de transmettre les demandes des français aux roumains " ; que, toutefois, ces éléments étaient déjà connus en fait des services de police suite aux auditions des nombreux salariés découverts sur le chantier le 10 mai 2009, d'autre part, M. X... , au vu des questions posées, avait une liberté totale de réponse par rapports aux questions et a pu alors fournir les réponses qu'il entendait vouloir donner ; qu'il s'avère que les réponses données sont en fait venues conforter les éléments exploités déjà connus en fait des services de police à la suite des auditions des salariés ; que ces éléments de réponse ne peuvent en aucun cas être rayés d'un trait de plume, s'agissant d'une audition intervenue dans le cadre d'une enquête de police, d'une personne tiers, sur laquelle la prévenue ne saurait avoir un droit de contrôle sur le contenu ; qu'en outre, la société prévenue ne démontre en rien en quoi la non communication desdits scellés lui ferait grief, s'agissant de documents saisis chez les sociétés roumaines, alors même que le problème de sa qualité pour agir à ce titre se pose sérieusement, et qu'en outre, à supposer que ces documents pouvaient contenir des informations totalement différentes des siennes, la société Yvroud était toujours à même de pouvoir apporter la contradiction par la production de ses propres documents en cas de contestation, ayant eu accès et ayant pu...

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