Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 18 janvier 2017, 15-85.209, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Guérin
ECLIECLI:FR:CCASS:2017:CR05906
Case OutcomeRejet
Date18 janvier 2017
Appeal NumberC1705906
Docket Number15-85209
CounselMe Balat,SCP Boré et Salve de Bruneton,SCP Didier et Pinet,SCP Rocheteau et Uzan-Sarano,SCP Rousseau et Tapie,SCP Waquet,Farge et Hazan
CitationSur la notion de manoeuvre frauduleuse caractérisant le délit d'escroquerie, à rapprocher :Crim., 24 avril 1984, pourvoi n° 83-90.752, Bull. crim. 1984, n° 142 (rejet), et les arrêts cités
CourtChambre Criminelle (Cour de Cassation de France)

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Yves X...,
- La société Atlantique Demeures,
- M. François Y..., pris en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Atlantique Demeures ;

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 11° chambre, en date du 10 juin 2015, qui, pour escroquerie, a condamné le premier à trois ans d'emprisonnement avec sursis avec mise à l'épreuve et à l'interdiction définitive d'exercer la profession de maître d'oeuvre, la seconde à 50 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;


La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 7 décembre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de Mme le conseiller PLANCHON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE DE BRUNETON, de Me BALAT, de la société civile professionnelle ROUSSEAU et TAPIE, de la société civile professionnelle DIDIER et PINET, de la société civile professionnelle ROCHETEAU et UZAN-SARANO, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MONDON ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire commun aux demandeurs, les mémoires en défense et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme, que la société Atlantique Demeures et son gérant, M. Yves X..., ont été cités devant le tribunal correctionnel du chef d'escroquerie pour avoir, en qualité de maître d'oeuvre, imposé aux artisans choisis par eux, pour intervenir sur les chantiers de construction de maisons individuelles, l'établissement de factures majorées par l'ajout d'un poste intitulé " frais de dossier " représentant entre 50 et 75 % du montant hors taxe des marchés, qui s'est avéré correspondre à des commissions occultes d'un montant total de 5 441 676, 47 euros entre 2005 et 2007, lesquelles leur ont été rétrocédées à l'insu de 275 clients maîtres d'ouvrage ; que, par jugement du 28 juin 2012, le tribunal correctionnel de Nantes les a déclarés coupables du délit d'escroquerie et condamnés, la première, à une amende de 50 000 euros, le second, à trois ans d'emprisonnement avec sursis avec mise à l'épreuve et à l'interdiction définitive d'exercer la profession de maître d'oeuvre et a prononcé sur les intérêts civils ; que les prévenus, ainsi que le ministère public et certaines des parties civiles ont interjeté appel de cette décision ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, des articles 10-2 et 11 du code de procédure pénale, de l'article 75 du code de procédure pénale dans sa version antérieure à la loi n° 2015-993 du 17 août 2015 ; violation de l'article 9-1 du code civil ; violation des articles 6. 1 et 6. 2 de la convention européenne des droits de l'homme ; violation du secret de l'enquête pénale, du principe de loyauté de la preuve, du droit au respect de la présomption d'innocence, du devoir d'impartialité des enquêteurs, des principes du droit à un procès équitable et du droit à la préservation de l'équilibre des droits de parties ; défaut de motifs et défaut de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de l'enquête préliminaire ;

" aux motifs propres que, sur l'exception de nullité de l'enquête préliminaire, à réception des informations circonstanciées transmises par Maître B..., mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de l'entreprise de maçonnerie GLM, révélant l'existence d'un système de « rétrocessions » instauré de longue date par la société de maîtrise d'oeuvre Atlantique Demeures, et consistant à se faire rétrocéder par l'entreprise GLM, à l'insu des maître d'ouvrage, des commissions « somptuaires » sur le montant des marchés de maçonnerie dont elle était attributaire, le parquet de Nantes a saisi la Brigade de Recherches de Rezé aux fins de procéder à une enquête préliminaire, sur les faits susceptibles d'être qualifiés pénalement d'escroqueries au préjudice des clients de la Sarl Atlantique Demeures ; que l'exploitation et l'étude des très nombreux documents (devis, factures de « frais de dossier », marchés de travaux, pièces comptables, etc...) saisis au cours des investigations et perquisitions menées dès les mois d'octobre et décembre 2007, au domicile personnel tant de M. C... et de M. X..., qu'au siège de la société Atlantique Demeures, et l'ensemble des éléments d'informations recueillis auprès tant de M. C..., gérant de l'entreprise GLM, que de plusieurs autres artisans de divers corps d'état et du comptable, même de la société Atlantique Demeures, M. D..., permettaient rapidement aux enquêteurs, d'une part, d'objectiver l'existence d'un système généralisé de « rétrocessions » pratiqué par la société de maîtrise d'oeuvre, à l'insu de ses clients et consistant à se faire « rétrocéder » par les entreprises chargées de l'exécution de certains lots, un pourcentage ou une commission calculée sur le montant des marchés, dont ils étaient attributaires, d'autre part, de reconstituer à partir de l'étude de l'ensemble des documents saisis et notamment de factures de « frais de dossier », les montants de toutes les « rétrocessions », que la société Atlantique Demeures avait appliquées et facturées aux entreprises sur les montants de divers marchés de travaux de 275 chantiers de construction, dont elle avait assuré la maîtrise d'oeuvre entre 2005 et 2007, et de recenser dans le même temps, la liste des 275 maîtres d'ouvrage à l'insu desquels, ces « rétrocessions " » avaient été pratiquées ; qu'après le recueil de ces informations et avoir entendu le 28 janvier 2008, M. X..., sous le régime de la garde à vue, les enquêteurs ont adressé, non pas à tous les clients de la société Atlantique Demeures mais aux 275 victimes potentielles, que les résultats de leurs investigations leur avaient permis d'identifier, une lettre-plainte sous la forme d'un questionnaire, accompagnée d'un « courrier explicatif » pour les informer, en conformité avec les dispositions de l'article 75 du code de procédure pénale, de leurs droits en qualité de victimes de se constituer le cas échéant, partie civile sur les éléments de fait que l'enquête avait permis d'objectiver, et à réclamer la réparation de leur préjudice en les invitant à renseigner et à leur retourner la lettre-plainte ; qu'il était ainsi rappelé dans le courrier explicatif : « Vous avez fait construire une maison avec l'entreprise Atlantique Demeures. A cette occasion, vous avez été victime de faits susceptibles d'être qualifiés d'escroqueries et poursuivis par la justice. Dans ce cadre, nous vous adressons une lettre plainte, qui est impérativement à renseigner, dater et signer et nous renvoyer dans les plus brefs délais en tout état de cause avant le 10 juin 2008, terme de rigueur » ; que le courrier apportait ensuite aux victimes des explications tant sur les faits que sur la procédure et leurs droits et la manière pour celles-ci, de se constituer partie civile et de chiffrer leur préjudice ; que chaque victime était également rendue destinataire d'un tableau individualisé sur lequel, figuraient les montants pour chaque lot, des « rétrocessions » qui avaient été intégrées dans le calcul du prix du marché et le pourcentage de majoration, en résultant sur le prix de chaque marché ainsi que sur le coût global des marchés concernés ; que, parmi les éléments de fait rappelés dans le courrier, il était indiqué entre autres : « En plus de ces honoraires, Atlantiques Demeures, en fonction du prix qu'ils arrivaient à vous vendre le projet, récupéraient partie des sommes que vous versiez aux artisans. Concrètement, Atlantique Demeures établit les devis détaillés et chiffrés adressés aux artisans. Sur ce document, Atlantiques Demeures ajoute le montant de sa « rétro » qui est le nom utilisé pour désigner la somme qu'il prélève à son profit (par exemple, sur un marché de maçonnerie de 18 000 euros HT., Atlantiques Demeures ajoute 13 000 euros HT). Le prix total obtenu va servir à établir le montant du marché tel, qu'il vous est présenté ensuite (dans notre exemple, vous payez 31 000 euros HT). En réalité, l'artisan, parfaitement informé, sait que lorsqu'il vous facture 31 000 euros HT., il recevra une facture « frais de dossier » d'Atlantiques Demeures, d'un montant de 13 000 euros HT. Les clients d'Atlantiques Demeures ont donc payé, à leur insu, plusieurs milliers d'euros supplémentaires (un tableau avec le détail du prix que vous avez payé accompagne ce courrier). Ainsi, au lieu de vous conseiller et de vous accompagner dans votre intérêt, l'entreprise Atlantique Demeures profite de votre confiance pour vous soutirer des sommes indues, et utilise les artisans pour collecter ces sommes en toute discrétion. Vous n'êtes pas forcément concernés par l'ensemble de ces points. En revanche, pas un client ces dernières années, ne semble avoir échappé au système mis en place. Nous dénombrons 275 victimes à qui ce même courrier est adressé. Vous avez désormais la possibilité de déposer plainte si vous le souhaitez et de demander des dommages et intérêts » ; que le courrier énonce ensuite des informations pratiques relatives au dépôt de plainte, à la constitution de partie civile, et à l'évaluation du préjudice suite auxquelles, il est indiqué en conclusion : « Concrètement vous pouvez : Ne rien faire (bien évidemment vous n'obtiendrez rien), déposer plainte et demander des dommages et intérêts (dans ce cas vous pourrez peut être récupérer les sommes indues que vous avez versées. Il n'y a pas de garantie que vous obteniez...

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