Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 19 octobre 2016, 16-81.920, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Guérin
ECLIECLI:FR:CCASS:2016:CR05212
Case OutcomeRejet
Docket Number16-81920
Appeal NumberC1605212
CounselSCP Nicolaÿ,de Lanouvelle et Hannotin
Date19 octobre 2016
Subject MatterCONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - Droits de la défense - Echange d'informations et de renseignements entre les services répressifs des Etats membres de l'Union - Remise spontanée en dehors d'une demande officielle d'entraide - Remise à un juge d'instruction français par un policier allemand - Ecoutes téléphoniques judiciaires réalisées en Allemagne - Compatibilité CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6, § 1 - Equité - Echange d'informations et de renseignements entre les services répressifs des Etats membres de l'Union - Remise spontanée en dehors d'une demande officielle d'entraide - Remise à un juge d'instruction français par un policier allemand - Ecoutes téléphoniques judiciaires réalisées en Allemagne - Compatibilité
CourtChambre Criminelle (Cour de Cassation de France)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


- M. Kakhaber X...,


contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 7 mars 2016, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de complicité de tentative de meurtre en bande organisée, complicité de meurtre en bande organisée et association de malfaiteurs, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 5 octobre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Moreau, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;

Sur le rapport de M. le conseiller MOREAU, les observations de la société civile professionnelle NICOLAŸ, DE LANOUVELLE et HANNOTIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MONDON ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 24 juin 2016, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'une information judiciaire a été ouverte à la juridiction interrégionale spécialisée de Marseille à la suite de l'assassinat en France d'un ressortissant géorgien, Vladimir I..., soupçonné d'être un membre actif d'une association mafieuse géorgienne ; que les recherches se sont orientées vers plusieurs membres de la communauté géorgienne, en particulier M. Kakhaber X..., incarcéré en Espagne ; que le 8 mars 2010, le juge d'instruction a adressé aux autorités judiciaires espagnoles une commission rogatoire internationale afin d'obtenir les enregistrements d'écoutes téléphoniques judiciaires effectuées en Espagne ; que les autorités espagnoles ont adressé ces pièces au juge d'instruction ; que le 29 juillet 2010, un policier allemand s'est présenté au cabinet du juge d'instruction pour lui remettre un CD-Rom contenant l'enregistrement de conversations téléphoniques interceptées dans le cadre d'une procédure judiciaire conduite en Allemagne, conversations pouvant comporter des indices de l'implication de M. X... ; que ce policier a été entendu en qualité de témoin par le juge d'instruction ; que deux informations ouvertes au tribunal de Nice, l'une pour association de malfaiteurs, l'autre pour tentative de meurtre aggravé, impliquant également des ressortissants géorgiens, ont été jointes le 13 octobre 2010 à la procédure en cours à Marseille ; que le juge d'instruction a délivré le 16 avril 2014 un mandat d'arrêt européen à l'encontre de M. X... ; que l'intéressé a été remis par les autorités espagnoles aux autorités françaises ; que M. X...a été mis en examen le 1er août 2014 des chefs de tentative d'homicide volontaire aggravé, complicité d'homicide volontaire aggravé et participation à une association de malfaiteurs ; qu'il a présenté à la chambre de l'instruction une requête en annulation de la procédure, visant notamment le versement au dossier des écoutes téléphoniques réalisées en Espagne et en Allemagne ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire du code de procédure pénale, du principe de l'égalité des armes et du droit à un procès équitable, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que la chambre de l'instruction a rejeté la requête, dit la procédure régulière jusqu'à la cote D 6015 et ordonné le retour au juge d'instruction saisi pour poursuite de l'information ;

" aux motifs que, sur le deuxième moyen, la conformité des actes accomplis à l'étranger par les autorités étrangères, relativement à des faits de leur compétence ne peut être appréciée qu'au regard de la loi étrangère et le juge français n'a pas compétence pour en contrôler la bonne application ; que, par ailleurs, les actes accomplis, selon leurs propres dispositions de procédure, par les autorités judiciaires d'un État étranger échappent au contrôle de la chambre de l'instruction, à moins que soit établie une violation des droits de la défense ou d'un principe général de droit ; qu'il peut être utilement rappelé qu'en matière de coopération pénale internationale, il résulte des dispositions de l'article 3 de la Convention européenne d'entraide judiciaire du 20 avril 1959 que les commissions rogatoires sont exécutées dans les formes prévues par la législation de l'État requis, ce qui implique que la régularité de leur exécution soit contrôlée par les juridictions de cet État, et que les demandes d'entraide judiciaire émanant des autorités judiciaires étrangères sont exécutées selon les règles de procédure prévues par la législation de la partie requise ; que, dans le cadre de la présente procédure, il ne s'agit même pas d'une procédure établie par les autorités allemandes à la demande des autorités françaises, mais de comptes-rendus d'écoutes téléphoniques établis par les autorités allemandes dans le cadre d'une procédure soumise à la seule loi allemande ; que l'Allemagne est signataire de l'acte du Conseil du 29 mai 2000 établissant la Convention relative à l'entraide judiciaire entre les États membres de l'Union européenne, lesquels rappellent en préambule leur confiance dans la structure et dans le fonctionnement de leurs systèmes juridiques et dans leur capacité à garantir un procès équitable ; que l'ordre juridique allemand ne saurait donc être contraire à l'ordre public français et M. X... peine à établir qu'une atteinte fondamentale a été portée à ses droits au seul motif que ne figureraient pas au dossier les décisions autorisant les écoutes litigieuses dès lors, d'une part, que le juge français n'est pas juge de la régularité de l'application de la loi allemande et, d'autre part, que la transcription des écoutes critiquées et la teneur de celles-ci sont soumises au débat contradictoire ; que d'une manière plus générale, la chambre de l'instruction n'a pas à statuer sur la régularité d'une enquête étrangère au dossier qui lui est soumis, aucune disposition légale ou conventionnelle n'interdisant d'annexer à une procédure des transcriptions d'écoutes téléphoniques réalisées dans une autre procédure, et de nature à éclairer le juge sur les faits dont il est saisi ; qu'en tout état de cause, le juge d'instruction a, suivant commission rogatoire internationale du 11 février 2015, sollicité des autorités allemandes la communication des décisions judiciaires d'autorisation des écoutes pratiquées sur la ligne 34 063 ...attribuée à M. X... et dont les enregistrements figurent sur le cd-rom remis au juge d'instruction le 29 juillet 2010 (04315 et s.) ; qu'à ainsi été transmise au juge d'instruction copie de la décision du 10 décembre 2009 du juge du tribunal d'instance de Kempten autorisant la surveillance pour trois mois, et jusqu'au 9 mars 2010, de la ligne en question parmi d'autres (D4604 et s.) ; que la transcription des deux conversations des 1er et 17 janvier 2010 figurant aux cotes D 725 et suivantes a donc, en tout état de cause, un fondement juridique, en l'occurrence une autorisation judiciaire ; que, s'agissant de la critique portant sur la sélection des conversations ayant donné lieu à exploitation, traduction et transcription, la simple affirmation, non articulée, de l'irrégularité d'éléments de moyens de preuve au motif qu'ils ont été recueillis dans des conditions attentatoires aux droits de la défense est inopérante dans le cadre du contentieux de l'annulation dès lors que, là encore, elle porte en réalité sur la valeur probante des éléments contestés ; que, par ailleurs, il résulte de la procédure que le cd-rom remis au juge d'instruction le 29 juillet 2010 a été immédiatement confié par ce magistrat aux enquêteurs aux fins d'exploitation et a été placé sous scellé après qu'une copie de travail en eut été réalisée (D723 et s.) ; que les policiers ont ainsi procédé à l'exploitation de la copie de travail en extrayant " les retranscriptions écrites en langue allemande des écoutes téléphoniques outre Rhin (…) aux fins de remise à interprète en langue allemande assermenté près la cour d'appel d'Aix en Provence » ; qu'il apparaît donc, contrairement à ce qui est soutenu dans la requête, que les enquêteurs ont alors officiellement requis Mme B..., expert inscrit sur la liste de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, aux fins de " recevoir le CD Rom (…), traduire toutes ces retranscriptions, mettre en exergue les conversations pouvant faire état de l'assassinat de I...(…) copie de cette réquisition, en date du 2 août 2010, figurant au dossier de la procédure en cote D724 ; que, le 4 octobre suivant, les policiers ont rendu compte de la réception des traductions qu'ils ont annexées à la procédure (0758 et s.) ; que la référence faite dans ce procès-verbal d'annexe à la réquisition adressée au traducteur ne laisse aucune ambiguïté sur l'authentification de la traduction, aucune disposition légale n'exigeant que le traducteur appose son cachet sur chacun des feuillets ; qu'en cas de contestation sur la qualité et la fidélité de la traduction ou à supposer que d'autres conversations utiles figurent sur le cd-rom litigieux, la défense de M. X... peut solliciter une nouvelle traduction ou un complément d'exploitation dans le cadre d'une demande d'acte sur le fondement de l'article 81 du code de procédure pénale ; que, de la même manière, la critique d'une double traduction, de la langue géorgienne en langue allemande puis de la langue allemande en langue française, ne saurait avoir d'incidence sur la régularité formelle de la procédure, s'agissant en réalité de la remise en cause de la valeur probante de la retranscription, susceptible de déperdition au gré des traductions successives ; que la cour relève en outre que, afin d'éviter toute ambiguïté sur la teneur des propos échangés, le juge d'instruction a sollicité, par commissions...

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