Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 8 avril 2010, 09-85.520, Publié au bulletin
Presiding Judge | M. Louvel |
Case Outcome | Rejet |
Docket Number | 09-85520 |
Citation | Sur l'étendue du bénéfice de l'immunité diplomatique en cas de cessation de ses fonctions par l'agent, à rapprocher :Crim., 12 avril 2005, pourvoi n° 03-83.452, Bull. crim. 2005, n° 126 (cassation) |
Appeal Number | C1002060 |
Counsel | Me Spinosi,SCP Boré et Salve de Bruneton,SCP Gatineau et Fattaccini,SCP Thouin-Palat et Boucard,SCP Waquet,Farge et Hazan |
Date | 08 avril 2010 |
Court | Chambre Criminelle (Cour de Cassation de France) |
Publication au Gazette officiel | Bulletin criminel 2010, n° 62 |
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Bernard,
- A... Bernard,
- Y... Bernard,
- Z... Pierre-Joseph,
- C... Pierre-Philippe,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9e chambre, en date du 29 mai 2009, qui a condamné le premier, pour abus de biens sociaux, à trois ans d'emprisonnement avec sursis, 100 000 euros d'amende, le deuxième, pour recel, à six mois d'emprisonnement avec sursis, 50 000 euros d'amende, le troisième, pour abus de biens sociaux, à quatre ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis, 300 000 euros d'amende, le quatrième, pour recel, à deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis, 375 000 euros d'amende, le cinquième, pour recel, à deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis, 375 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 24 mars 2010 où étaient présents : M. Louvel président, Mme Ract-Madoux conseiller rapporteur, M. Dulin, Mme Desgrange, M. Rognon, Mme Nocquet, MM. Bayet, Bloch conseillers de la chambre, Mmes Slove, Labrousse conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Robert ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
Sur le rapport de Mme le conseiller RACT-MADOUX, les observations de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE de
BRUNETON, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et
HAZAN, de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et BOUCARD
de la société civile professionnelle GATINEAU et FATTACCINI, et de
Me SPINOSI, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général
ROBERT ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la Société française d'exportation de matériels, systèmes et services (Sofremi), société anonyme de droit privé, liée par une convention avec le ministère de l'Intérieur, sous la tutelle duquel elle était placée, avait pour objet de promouvoir les exportations de matériels et de systèmes français, destinés à la police, la défense ou la sécurité civile et négociait avec des Etats étrangers ; que son capital était réparti entre l'Etat et des sociétés industrielles commercialisant ces matériels ; qu'elle a été dirigée, de mai 1993 à octobre 1997, par Bernard X... ; que ce dernier a recruté Bernard Y... qui a exercé les fonctions de directeur général adjoint, de juin 1993 à novembre 1997 ; que Bernard A..., conseiller diplomatique, de mai 1993 à mai 1995, au cabinet de Charles C... , ministre de l'Intérieur, était chargé de suivre les activités de la société ; que, le 27 février 2001, une information a été ouverte des chefs d'abus de biens sociaux et recel, à la suite de la découverte, au cours de perquisitions effectuées dans une autre procédure, de documents faisant présumer que des rétro-commissions avaient été versées par la Sofremi ; qu'à l'issue de l'information, Bernard X... et Bernard Y... ont été renvoyés devant le tribunal, pour avoir, courant 1993, 1994 et 1995, le premier en sa qualité de président, le second, en sa qualité de directeur général adjoint, commis des abus de biens sociaux au préjudice de la Sofremi, en acceptant de régler, à l'occasion de quatre contrats, des fonds ayant permis le règlement de rétro-commissions ; que Bernard A..., Pierre-Joseph Z..., dirigeant de la société Brenco et Pierre-Philippe C... , ayant droit économique d'un compte intitulé Dowman, ouvert dans un établissement bancaire genevois, ont été renvoyés du chef de recel, pour avoir bénéficié de certains des fonds provenant de ces abus de biens sociaux ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Gatineau et Fattaccini, pour Pierre-Joseph Z... et pris de la violation des articles 55 de la Constitution de 1958, 18 § 1 de l'Accord de Siège du 2 juillet 1954 signé entre le Gouvernement de la République française et l'Unesco, 459, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de l'ordonnance de renvoi et d'incompétence invoquée par Pierre-Joseph Z... ;
" aux motifs, s'agissant d'un incident présenté in limine litis et joint au fond par la cour après délibéré, que Pierre-Joseph Z... prétend qu'en la qualité de ministre conseiller au sein de la représentation permanente de l'Angola auprès de l'Unesco depuis le 20 juin 2003, il bénéficie de l'immunité diplomatique instaurée au bénéfice des représentants des Etats membres de cette organisation par l'article 18 § 1 de l'Accord de Siège du 2 juillet 1954 passé entre le gouvernement de la République française et l'Organisation des Nations Unies pour l'Education, la science et la nature ; que ce texte reconnaît, en conformité des dispositions de la section 39 de la convention du 21 novembre 1947 sur les principes et immunités des institutions spécialisées qui autorise la conclusion entre l'Etat et l'institution spécialisée d'accords particuliers permettant l'aménagement de la convention susdite, aux représentants des Etats membres de l'Organisation aux sessions de ses organes, aux membres du conseil exécutif et aux délégués permanents auprès de celle-ci « les privilèges et immunités qui sont reconnus aux diplomates de rang comparable des missions diplomatiques étrangères accréditées auprès du Gouvernement de la République française » ; qu'il est ainsi fait expressément référence au statut général des diplomates, peu importe que la procédure de désignation ne comporte pas de demande d'accréditation auprès de l'Etat siège de l'organisation ; que les privilèges et immunités reconnus aux agents diplomatiques par la France auxquels renvoie l'accord de siège précité, étaient à l'époque des faits reprochés et sont toujours définis par la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques établie sous l'égide de l'Organisation des Nations Unies, publiée au journal officiel par décret du 29 mars 1971, qui, dans son article 31 § 1 reconnaît à l'agent diplomatique une immunité de juridiction pénale de l'Etat accréditaire tout en en limitant la portée dans son article 38 aux seuls actes officiels accomplis par l'agent dans l'exercice de ses fonctions lorsque celui-ci a la nationalité de l'Etat accréditaire ; que l'article 38 § 1 de la Convention de Vienne dispose que « à moins que des privilèges et immunités complémentaires n'aient été accordés par l'Etat accréditaire, l'agent diplomatique qui a la nationalité de l'Etat accréditaire ou y a sa résidence permanente ne bénéficie de l'immunité et de l'inviolabilité que pour les actes officiels accomplis dans l'exercice de ses fonctions » ; que dans son instrumentum de ratification, la France a expressément indiqué « le gouvernement français estime que l'article 38 § 1 doit être interprété comme n'accordant à l'agent diplomatique qui a la nationalité de l'Etat accréditaire ou y a sa résidence permanente qu'une immunité de juridiction et une inviolabilité, toutes deux limitées aux actes officiels accomplis par cet agent diplomatique dans l'exercice de ses fonctions » ; que l'on ne peut déduire de la disposition particulière prise à l'égard des seuls fonctionnaires de l'Organisation ayant la nationalité de l'Etat du siège de l'Unesco telle que prévue par l'article 19 § 3 de l'Accord de Siège pour limiter le champ de cette immunité, la volonté implicite des signataires de l'accord d'exclure une telle restriction à l'égard des représentants et délégués permanents ; que la Convention de Vienne du 18 avril 1961 constitue le droit positif auquel il convient de faire référence sans qu'il y ait lieu d'apprécier l'état de la coutume antérieure alléguée ; que ni Pierre-Joseph Z..., ni l'Etat Angolais n'ont émis de protestation à la suite de la délivrance d'une attestation de fonctions limitant l'immunité aux seuls actes de la fonction ; que les faits reprochés à Pierre-Joseph Z..., ressortissant français accrédité auprès de l'Unesco pour le compte de la République d'Angola depuis le 20 juin 2003, sont antérieurs à sa nomination par l'Etat angolais aux fonctions de ministre conseiller à la délégation permanente de l'Angola auprès de l'Unesco qui est intervenue alors que l'intéressé était déjà mis en examen et placé sous contrôle judiciaire ; que ces faits sont sans lien avec l'exercice des fonctions diplomatiques invoquées et que dès lors ils ne sauraient être couverts par l'immunité diplomatique, laquelle aux termes de l'article 20 de l'Accord de Siège et de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 est accordée dans l'intérêt de l'Organisation et non pas pour assurer des avantages personnels à ses bénéficiaires ; qu'au surplus, la mesure de mainlevée du mandat d'arrêt décerné par le magistrat instructeur à l'encontre du prévenu est sans rapport avec la pertinence des arguments avancés sur le fondement de l'immunité, mais avait pour objectif de favoriser la comparution devant la juridiction correctionnelle ;
" 1) alors que l'Accord de Siège du 2 juillet 1954 conclu entre le Gouvernement de la République française et l'Unesco confère aux représentants des Etats membres de l'Organisation une immunité diplomatique les faisant bénéficier d'une immunité de juridiction absolue dans le but de protéger l'accomplissement de leur mission, conformément au droit coutumier international auquel il renvoie ; que pour refuser à Pierre-Joseph Z... le bénéfice de cette immunité, la cour d'appel se fonde exclusivement sur l'article 38 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961, laquelle limite l'immunité de l'agent diplomatique qui a la nationalité de l'Etat accréditaire aux actes officiels accomplis dans l'exercice de ses fonctions ; qu'en se fondant sur la convention précitée alors même, d'une part, que celle-ci ne lie pas l'Unesco puisqu'elle n'est pas ouverte à l'adhésion des organisations...
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