Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 25 juin 2014, 13-81.471, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Louvel
ECLIECLI:FR:CCASS:2014:CR02996
Case OutcomeCassation sans renvoi
Docket Number13-81471
Date25 juin 2014
CitationSur le droit de la société objet des visites et saisies prescrites par l'article L. 450-4 du code de commerce d'être assistée d'un avocat dès le début des opérations, à rapprocher :Crim., 27 novembre 2013, pourvoi n° 12-86.424, Bull. crim. 2013, n° 241 (cassation), et l'arrêt cité
CounselMe Ricard,SCP Célice,Blancpain et Soltner,SCP Hémery et Thomas-Raquin
Appeal NumberC1402996
CourtChambre Criminelle (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin criminel 2014, n° 170

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- La caisse régionale du Crédit agricole mutuel du Finistère,
- La caisse régionale du Crédit agricole mutuel
d'Ille et Vilaine, - La caisse régionale du Crédit agricole mutuel de Centre France,
- La caisse régionale du Crédit agricole mutuel des Côtes d'Armor,
- La société Crédit agricole, - La BCPE, venant aux droits de la Caisse d'épargne participations, venant elle-même aux droits de la Caisse nationale des caisses d'épargne,

contre l'ordonnance du premier président de la cour d'appel de PARIS, en date du 12 février 2013, qui, sur renvoi après cassation (Crim, 8 février 2012, pourvoi n° 09-86.073) a prononcé sur la régularité des opérations de visite et de saisie effectuées par l'administration de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 14 mai 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, M. Soulard, conseiller rapporteur, Mme Nocquet, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Leprey ;
Sur le rapport de M. le conseiller SOULARD, les observations de la société civile professionnelle CÉLICE, BLANCPAIN et SOLTNER et de la société civile professionnelle HÉMERY et THOMAS-RAQUIN, Me RICARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires en demande, en défense et complémentaire produits ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour la caisse régionale du Crédit agricole mutuel du Finistère, pris de la violation des articles l. 450-4 et l.450-8 du code de commerce, 101 et 267 du tfue, 6 et 8 de la cesdh, 6 de la loi du 31 décembre 1971, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a débouté de toutes leurs demandes les sociétés : - Crédit Agricole SA, Caisse régionale du Crédit agricole mutuel du Finistère, Caisse régionale du crédit Agricole Mutuel des cotes d'Armor, Caisse régionale du Crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine, Caisse régionale du Crédit agricole mutuel centre France, et a refusé d'annuler les visites et saisies qui ont eu lieu à leur siège ou dans leurs agences ;

"aux motifs que sur le droit à la présence des avocats : les requérants qui invoquent le droit à l'assistance juridique dès l'enquête préalable comme un principe général du droit européen, relèvent qu'aucun texte n'interdisait la présence d'un avocat lors des visites domiciliaires. Ils font grief aux agents ayant procédé à ces opérations, d'avoir, en évinçant les avocats présents sur les lieux, contrevenu aux dispositions des articles 101 et 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; qu'il est constant que les fonctionnaires intervenant ont, en l'espèce, fait obstacle à la présence des avocats appelés à assister aux opérations de visite domiciliaire ; qu'il est également patent que les visites domiciliaires sont susceptibles de porter atteinte à la vie privée et familiale, parfois au domicile et à la correspondance, droits protégés par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'Homme, et qu'elles sont de nature à faire grief aux personnes visitées, en permettant le gel provisoire de leurs biens ainsi que le recueil d'éléments de preuve potentiellement préjudiciables ; que c'est pour cette raison que leur autorisation doit être donnée par un juge impartial et indépendant ayant les pouvoirs de suivre effectivement leur cours, d'en régler les éventuels incidents et, le cas échéant, d'y mettre fin à tout moment ; que ce contrôle ne saurait être regardé comme la substitution d'un juge à un avocat, dont l'intervention était, à la date des faits, différée ; que les principes du droit européen, en particulier l'exigence du procès équitable consacré par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, et son corollaire, les droits de la défense, imposent, certes, le droit à l'assistance effective d'un avocat lors de l'audition d'une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction et retenue contre son gré, mais cette exigence ne s'imposait pas, à la date des faits, dès lors que la personne soupçonnée ne faisait l'objet d'aucune mesure de contrainte ; les visites domiciliaires n'entraînant aucune retenue des personnes contre leur gré, elles ne pouvaient être assimilées à des mesures de contrainte nécessitant la mise en oeuvre des principes sus évoqués ; que si l'article L. 450-4 du code de commerce, en vigueur à la date des faits, était muet sur ce point, le principe général selon lequel tout ce qui n'est pas interdit doit être autorisé, trouve cependant sa limite à l'occasion des procédures spéciales nécessitées par certains impératifs ; tel est le cas, précisément, des visites domiciliaires, dont l'objet est de saisir des éléments de preuve préalablement à l'organisation d'un débat contradictoire sur leur contenu ; que quant aux dispositions des articles 101 et 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, relatives aux procédures antitrust engagées par la Commission européenne, elles n'ont pas pour objet d'étendre un régime procédural particulier aux administrations internes des Etats de l'Union ; que les dispositions de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1971 selon lesquelles les avocats peuvent assister et représenter autrui devant les administrations publiques, concernent l'exercice de la profession d'avocat et n'instaurent pas un droit pour les justiciables d'être assistés d'un avocat en toutes circonstances ; dès lors, elles ne sauraient avoir d'incidence sur la procédure de visite domiciliaire ; qu'il n'est plus contesté que la présence de l'avocat est souhaitable dès qu'il y a soupçon, sans qu'il n'y ait nécessairement privation de liberté et les textes postérieurs aux opérations critiquées, qui autorisent la présence des avocats au cours des opérations de visites domiciliaires, en sont l'illustration concrète ; que dès lors, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer sur l'application des principes du droit communautaire ; que cependant, cette évolution ne suffit pas à caractériser, à elle seule, la violation alléguée des principes du droit européen ; en effet, en n'acceptant pas la présence des avocats à l'occasion des opérations de visites domiciliaires, les fonctionnaires intervenants n'ont pas porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense et n'ont violé ni les principes alors en vigueur du droit français, ni ceux du droit européen ; qu'en conséquence, l'interdiction opposée aux avocats présents d'assister aux opérations de visite et de saisie ne saurait avoir été une cause d'annulation de celles-ci ;
"1°) alors que, selon la jurisprudence de la Cour de justice (CJCE) du 17 octobre 1989, le droit d'avoir une assistance juridique doit être respecté dès le stade de l'enquête préalable ; qu'ayant constaté que les fonctionnaires intervenants ont, en l'espèce, « fait obstacle à la présence des avocats appelés à assister aux opérations de visite domiciliaire » autorisées pour la recherche de pratiques prohibées par l'article 81-1 du Traité de Rome, que l'ordonnance du 12 mars 2008 visait expressément, le premier président qui estime que les articles 101 et 267 du TFUE n'auraient pas pour objet d'étendre aux « administrations internes » le régime particulier des procédures engagées par la Commission européenne (p.10) », viole par refus d'application tant les textes susvisés que l'article L. 450-4 du code de commerce ;

"2°) alors que, selon la CEDH (arrêt RAVON) les personnes objet d'une visite domiciliaire doivent avoir la possibilité de faire appel à un avocat pour contrôler la régularité des opérations en cours et doivent en être informées par des mentions à cet effet (§ 24 et 31) ; qu'à défaut de cette mention dans l'acte notifié au début des opérations, l'accès au Juge n'est pas assuré et la visite domiciliaire ne répond pas aux exigences de l'article 6-1 de la CESDH ; qu'en refusant de tenir compte de ces données jurisprudentielles, en en réduisant la portée aux seuls cas où la partie visitée ferait personnellement l'objet d'une « audition » ou d'une « mesure de contrainte », et en concluant qu'en n'acceptant pas la présence des avocats les enquêteurs n'ont pas violé ni les principes du droit français, ni les principes du droit européen (p.11 al.1), le premier président a refusé d'appliquer les articles 6 et 8 de la CESDH ;
"3°) alors, subsidiairement, que plusieurs des sociétés demanderesses à l'annulation avaient fait valoir que certains fonctionnaires intervenants avaient irrégulièrement interdit toute communication avec l'extérieur, isolé les avocats parvenus sur place, saisi des téléphones personnels, confisqué des ordinateurs et fait travailler des personnels d'entreprises ; qu'en faisant abstraction de ces mesures constitutives de « contraintes », et en s'abstenant de rechercher si M. X... avait été employé à des opérations de saisie dans les locaux de Quimper non à l'initiative de son supérieur hiérarchique mais à la requête des enquêteurs (§ 41) le premier président a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs caractérisée au regard des articles susvisés ainsi que de l'article L.450-8 du code de commerce ;
"4°) alors que l'article 6 de la loi du 31 décembre 1971 qui instaure un droit d'assister ou de représenter les clients peut nécessairement être invoqué par les bénéficiaires de cette assistance ou de cette représentation, de sorte que le premier président viole ce texte en en limitant la portée au seul besoin de l'exercice de la profession et en en refusant l'application à ceux qui ont été privés de la présence de leurs conseils au cours des visites du 18 mars 2008 ;
"5°) alors que si l'article 5 II de l'ordonnance du 13 novembre 2008 enjoint au juge d'apprécier la légalité des...

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