Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 13 novembre 2012, 10-80.862, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Louvel
ECLIECLI:FR:CCASS:2012:CR06773
Case OutcomeRejet
Docket Number10-80862
Date13 novembre 2012
CounselSCP Célice,Blancpain et Soltner,SCP Gatineau et Fattaccini
Appeal NumberC1206773
CourtChambre Criminelle (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin criminel 2012, n° 245
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- La société Advance,
- La société ALT,
- M. Jacques-Alexandre X...,
- M Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3e chambre, en date du 14 janvier 2010, qui, pour prêt illicite de main-d'oeuvre, les a condamnés, les deux premières à 10 000 euros d'amende, le troisième à 5 000 euros d'amende et le quatrième à 2 000 euros d'amende ;


Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, des pièces de procédure et des procès-verbaux, base de la poursuite, que les 11 avril et 11 mai 2006, des fonctionnaires de l'inspection du travail ont constaté au siège de la société de travail temporaire Advance, dirigée par M. Y..., par ailleurs directeur des ressources humaines de la société de déménagement Atlantique de logistique et de transport (ALT), dont M. X...est le président, que, de 2005 à 2006, l'entreprise de travail temporaire avait mis à la disposition de la société ALT soixante-dix intérimaires, représentant plus de quarante-quatre " temps plein ", sur un effectif moyen de deux cent vingt-six salariés en contrat de travail à durée indéterminée, et qu'en particulier, pendant cette période, six travailleurs intérimaires avaient été présents de façon constante au sein de la société ALT pour y effectuer des tâches relevant de l'activité habituelle de cette entreprise ; que les sociétés Advance et ALT, qui appartiennent toutes deux au groupe Axiom, et leurs dirigeants, ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel du chef de prêt illicite de main-d'oeuvre ; que le tribunal ayant dit la prévention non établie, le ministère public a relevé appel de la décision ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour la société ALT et MM. X...et Y..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 1251-35 et L. 1251-36, (ancien article L. 124-2-2 et L. 124-7), L. 8241-1 du code du travail (ancien article L. 125-3), 111-4, 121-1 et 121-2 du code pénal, préliminaire, 459, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré les prévenus coupables du délit de prêt de main-d'oeuvre à des fins lucratives hors du cadre légal du travail temporaire, en violation de leur droit à un procès équitable ;

" aux motifs que, aux termes des articles L. 611-1 et L. 611-10 du code du travail, les inspecteurs du travail sont chargés de relever par procès-verbal les infractions aux dispositions du code du travail, que ces procès-verbaux font foi jusqu'à preuve contraire de ce que leurs auteurs ont vu, entendu et constaté personnellement ; qu'en

l'espèce, l'inspectrice du travail a effectué ses opérations les 11 avril et 11 mai 2006, qu'avant de dresser procès-verbal, elle a effectué un certain nombre de constatations en se faisant communiquer par la société Advance le registre unique du personnel, les contrats de travail et les bulletins de salaires sur les douze derniers mois de neuf intérimaires ; que, par ailleurs, lors de leur audition par les services de police le 20 novembre 2006 pour M. X...et le 20 décembre pour M. Y..., il a été donné lecture à chacun d'eux du procès-verbal de l'inspection du travail préalablement à leur audition, de sorte qu'ils ont pu s'expliquer sur l'ensemble des investigations et constatations qui avaient été faites ; qu'il ressort du procès-verbal établi par Mme Z..., inspecteur du travail le 7 juin 2006, que, lors d'un contrôle effectué le 11 mai 2006 au siège de l'agence d'intérim Advance, elle a constaté, à partir de la consultation des contrats de travail et non des contrats de mise à disposition, que six intérimaires avaient travaillé de façon exclusive, sur des périodes de plusieurs mois consécutifs, pour la seule société ALT à des emplois d'emballeurs, de conditionneurs ou de magasiniers, c'est-à-dire à des postes peu qualifiés correspondant à l'activité normale et permanente d'une entreprise de déménagement ; que l'article L. 125-3 du code du travail interdit toute opération de prêt de main-d'oeuvre à but lucratif dès lors qu'elle n'est pas effectuée " dans le cadre des dispositions du livre 1, titre 2, chapitre 4 du code du travail " ; qu'aux termes des articles L. 124-1 et suivants (applicables à la date des constatations), qu'un utilisateur ne peut faire appel à un travailleur temporaire que pour des tâches non durables, appelées " missions " pouvant notamment consister en un accroissement temporaire d'activité ; que, dans ce cas, le contrat doit être écrit et comporter un terme précis qui ne peut être reporté que dans des conditions strictement déterminées par l'article
L. 124-2-4 ; que pour six salariés pour lesquels des infractions aux dispositions des articles L. 124-7 et L. 124-2 du code du travail ont été relevées, il résulte du procès-verbal dont les mentions font foi jusqu'à la preuve contraire, que les contrats ont été reconduits à de très nombreuses reprises en violation des dispositions légales puisque M. A...a été employé de manière continue pendant un an, avec uniquement des interruptions correspondant à des congés (un mois en août et une semaine en fin d'année), M. B...d'octobre 2005 à avril 2006 au travers de vingt-trois contrats successifs, M. C...de décembre 2005 à avril 2006 au travers de dix-sept contrats successifs, de même que MM. D...et E...du 18 avril 2005 au 3 avril 2006 au travers de trente-trois contrats, de même que M. F...; que les faits sont établis

par les constatations du procès-verbal, sans que les prévenus aient jugé utile de rapporter la preuve contraire, ce qu'ils avaient la possibilité de faire notamment en produisant les contrats de mise à disposition, mais non de simples " fiches de poste ", non datées, dénuées de toute valeur probante ; que, c'est dès lors à tort que les premiers juges sont entrés en voie de relaxe au motif de l'absence de preuve de l'élément matériel de l'infraction ; que le recours massif à l'intérim, tel que pratiqué à l'époque du contrôle, générait un profit au bénéfice de la société Advance, rémunérée par ALT et générait aussi un profit pour ALT dont la masse salariale qui pouvait en permanence s'ajuster à son carnet de commande était au surplus allégée de certaines gratifications telles que les primes d'ancienneté ou de fin d'année ; que le caractère lucratif est ainsi établi, de même que l'élément intentionnel du délit manifesté par le caractère habituel des reconductions irrégulières de contrats qui attestent de leur caractère volontaire ; que, dès lors, le délit est constitué en tous ses éléments ; que la décision devra être en conséquence réformée sur la culpabilité ; que l'infraction de prêt illicite de main-d'oeuvre est imputable tant à l'utilisateur qu'au fournisseur qui ont qualité de coauteur ; qu'il y a lieu dès lors, d'entrer en voie de condamnation à l'encontre des deux personnes morales ; que de même, M. X...a eu qualité d'employeur en qualité de directeur général puis de président directeur-général de la société ALT pendant toute la période visée à la prévention, de même que M. Y...en qualité de président directeur-général de la société Advance, qu'il convient dès lors, d'entrer en voie de condamnation à l'égard des quatre prévenus ;

1°) " alors que, prive les prévenus d'un procès équitable et viole les dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble les droits de la défense l'arrêt qui les condamne sur des faits visés au procès-verbal de l'inspection du travail et repris dans les citations délivrées par le parquet, sans qu'aucun des prévenus n'ait été entendu sur ces faits ; qu'en effet, auditionnés par les services de police sur les seuls faits de recours permanent à l'intérim et non-respect de la règle de tiers temps, MM. X...et Y...n'ont jamais été à même de s'expliquer sur les faits de renouvellement illégal de certains...

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