Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 17 mars 2015, 14-88.351, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Guérin
ECLIECLI:FR:CCASS:2015:CR01380
CitationSur la compatibilité d'une mesure de sonorisation prévue par l'article 706-76, ordonnée par le juge d'instruction, dans la cellule d'un détenu, avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, à rapprocher :Crim., 1er mars 2006, pourvoi n° 05-87.251, Bull. crim. 2006, n° 59 (1) (rejet). Sur la déloyauté de la preuve rapportée par la sonorisation d'une cellule de garde à vue, résultant d'un stratagème mis en oeuvre par les agents de l'autorité publique, à rapprocher :Ass. plén., 6 mars 2015, pourvoi n° 14-84.339, Bull. crim. 2015, Ass. plén. n° 1 (cassation), et l'arrêt cité
Case OutcomeIrrecevabilite et rejet
Appeal NumberC1501380
Docket Number14-88351
CounselSCP Spinosi et Sureau,SCP Waquet,Farge et Hazan
Date17 mars 2015
Subject MatterINSTRUCTION - Commission rogatoire - Exécution - Interception de paroles prononcées à titre privé ou confidentiel dans des lieux ou véhicules privés ou publics (articles 706-96 à 706-102 du code de procédure pénale) - Sonorisation de la cellule d'un détenu - Régularité - Conditions - Détermination DROITS DE LA DEFENSE - Instruction - Commission rogatoire - Exécution - Interception de paroles prononcées à titre privé ou confidentiel dans des lieux ou véhicules privés ou publics (articles 706-96 à 706-102 du code de procédure pénale) - Sonorisation de la cellule d'un détenu - Régularité - Conditions - Détermination CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 8 § 2 - Ingérence d'une autorité publique - Instruction - Interception de paroles prononcées à titre privé ou confidentiel dans des lieux ou véhicules privés ou publics (articles 706-96 à 706-102 du code de procédure pénale) - Sonorisation de la cellule d'un détenu - Régularité - Conditions - Détermination PREUVE - Libre administration - Etendue - Limites - Atteinte au principe de la loyauté des preuves - Cas - Stratagème par un agent de l'autorité publique - Exclusion - Sonorisation de la cellule d'un détenu - Mesure ordonnée par le juge d'instruction conformément aux prescriptions légales
CourtChambre Criminelle (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin criminel 2015, n° 54
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Saïd X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de DOUAI, en date du 12 septembre 2012, qui, dans l'information suivie contre lui notamment des chefs de complicité de vols avec armes en bande organisée, complicité d'enlèvement et séquestration, détention d'armes aggravée, association de malfaiteurs, a prononcé sur sa requête en annulation d'actes de la procédure ;


- M. Saïd X...,
- M. Fabrice Y...,


- contre l'arrêt de la même chambre de l'instruction, en date du 27 février 2013, qui, dans l'information suivie contre le premier, des mêmes chefs, et contre le second notamment des chefs de vols avec armes en bande organisée, enlèvement et séquestration, destruction de biens par un moyen dangereux, violences, association de malfaiteurs, a prononcé sur leurs requêtes en annulation d'actes de la procédure ;

- contre l'arrêt de la même chambre de l'instruction, en date du 5 novembre 2014, qui les a renvoyés devant la cour d'assises du NORD sous l'accusation, le premier, de complicité de vols avec armes en bande organisée, complicité d'enlèvement et séquestration, association de malfaiteurs, détention d'armes aggravée, et le second, de vols avec armes en bande organisée, enlèvement et séquestration, destruction de biens par un moyen dangereux, violences et association de malfaiteurs, en récidive ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 3 mars 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, MM. Straehli, Finidori, Monfort, Buisson, Mme Durin-Karsenty, conseillers de la chambre, MM. Maziau, Talabardon, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Boccon-Gibod ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire BARBIER, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI ET SUREAU et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE ET HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général BOCCON-GIBOD ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Sur la recevabilité des pourvois formés respectivement les 3 et 4 avril 2013 par MM. Y... et X...contre l'arrêt du 27 février 2013 ;

Attendu que les demandeurs, ayant épuisé, par l'exercice qu'ils en avaient fait respectivement les 27 et 28 mars 2013, le droit de se pourvoir contre l'arrêt attaqué, étaient irrecevables à se pourvoir à nouveau contre la même décision ; que seuls sont recevables les pourvois formés les 3 et 4 avril 2013 ;

Vu les mémoires produits ;

Attendu qu'il résulte des arrêts attaqués et de la procédure qu'au cours de l'instruction menée sur l'attaque, le 17 mars 2011, d'un fourgon blindé par un commando armé parvenu, à l'issue d'une prise d'otage, à s'emparer d'une somme de plus de deux millions d'euros, MM. X...et Y..., à la suite de leur dénonciation, ont été interpellés et placés en garde à vue le 28 juin 2011 puis mis en examen et placés en détention provisoire le 1er juillet 2011 ; qu'entre le 4 juillet et le 10 juillet 2011, la cellule de M. X..., sur autorisation du juge d'instruction, a été sonorisée ; que le juge d'instruction a, par commission rogatoire du 2 septembre 2011, sollicité la saisie en Belgique d'un bien immobilier appartenant à M. X...;

Attendu que M. X...a, par requête déposée le 30 août 2011, saisi la chambre de l'instruction aux fins d'annulation, notamment, de la garde à vue ; que cette juridiction a rejeté ses demandes par arrêt du 12 septembre 2012 ; que le président de la chambre criminelle a rejeté sa requête tendant à l'examen immédiat du pourvoi formé contre cette décision ;

Attendu que MM. X...et Y... ont, par requêtes déposées les 7 mars et 10 août 2012, saisi la chambre de l'instruction aux fins d'annulation, notamment, des actes afférents à la sonorisation et, s'agissant de M. X...seul, à la saisie ; que cette juridiction a rejeté leurs demandes par arrêt du 27 février 2013 ; que le président de la chambre criminelle a rejeté leurs requêtes tendant à l'examen immédiat des pourvois qu'ils ont formés contre cet arrêt ;

Attendu que le 27 juin 2014, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de renvoi de MM. X...et Y... devant la cour d'assises qui a été confirmée par la chambre de l'instruction par arrêt du 5 novembre 2014 ;

En cet état :

I-Sur le pourvoi formé par M. X...contre l'arrêt du 12 septembre 2012 :

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 47 et 48, § 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 6, § 1, et § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, 63 et suivants, 154, 706-88, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale,

" en ce que l'arrêt attaqué du 12 septembre 2012 a dit n'y avoir lieu à annulation d'acte ou pièce de la procédure ;

" aux motifs qu'au visa des pièces de la procédure, M. X...a été placé en garde à vue le 28 juin 2011 à 14 heures 10 dès son interpellation au snack-bar de Villeneuve d'Ascq ; qu'il a été immédiatement informé de sa situation et de ses droits (D197) qui lui ont été notifiés dans des conditions régulières de retour dans les locaux de la police judiciaire à 15 heures ; qu'il résulte des mentions du procès-verbal de notification des droits (D248) dressé entre 15 heures et 15 heures 15, heure de clôture du procès-verbal, que l'information a été portée au juge d'instruction mandant dans ce laps de temps dans des conditions conformes aux dispositions de l'article 63 du code de procédure pénale, en sorte que le moyen sera écarté.

" 1°) alors que le juge d'instruction doit être informé de la mesure « dès le début de la garde à vue » ; que tout retard dans la mise en oeuvre de cette obligation, non justifié par des circonstances insurmontables, fait nécessairement grief aux intérêts de la personne et entraîne la nullité ; qu'une information donnée entre 15 heures et 15 heures 15, alors que le placement en garde à vue est intervenu à 14 heures 10, ne satisfait pas, en l'absence de circonstances insurmontables, aux exigences de l'article 63 ;

" et aux motifs qu'à l'issue d'une première prolongation, une seconde supplémentaire était autorisée pour 4 heures au regard de l'article 706-88 par décision du 30 juin après présentation au juge d'instruction (D248/ 21) devant lequel il déclarait : " ma garde à vue se passe bien, je suis très bien traité, les enquêteurs sont humains, polis et pro ", sans faire d'observations particulières ; que dans le cadre de cette prolongation entraînant un examen médical d'office ainsi que rappelé dans le procès-verbal D248/ 22-23 (page 2), l'intéressé auquel ses droits notamment à un examen médical lui étaient à nouveau notifiés (D248-19) prenait acte à 13 heures 35 de ce qu'il allait " faire l'objet d'un examen médical dès le début de la prolongation " conformément aux dispositions de l'article 706-88 ; que requis dès l'heure de la prolongation de la mesure à 14 heures 10 le 30 juin 2011, en référence exprès à une prolongation exceptionnelle de l'article 706-88 (D246/ 3), le docteur Z...procédait à l'examen du gardé à vue à 15 heures 50 (D246-5) ; qu'en application du dernier alinéa de l'article 63-3 du code de procédure pénale traitant de l'examen médical en cours de garde à vue énonce expressément que les " dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsqu'il est procédé à un examen médical en application de règles particulières ", en référence notamment aux dispositions de l'article 706-88 ; que c'est dès lors surabondamment à ses droits que les policiers ont évoqué au gardé à vue une possibilité d'examen médical supplémentaire à sa demande ; qu'il ne peut dès lors être tiré ni argument de nullité, ni grief du non exercice d'un droit qui n'est pas accordé par la loi et qui au demeurant a été écarté par l'intéressé le 1er juillet 2011 à 14 heures en même temps qu'il refusait de s'entretenir avec son conseil (D247/ 5) ;

" 2°) alors que l'article 706-88 du code de procédure pénale prévoit, en cas de mise en oeuvre de la prolongation de la mesure de garde à vue prévue par ce texte, outre un examen médical d'office, que « la personne est avisée par l'officier de police judiciaire du droit de demander un nouvel examen médical » ; qu'il précise : « ces examens médicaux sont de droit » ; qu'en écartant tout droit à un examen médical supplémentaire à la demande de la personne gardée à vue, la chambre de l'instruction a violé ce texte ;

" 3°) alors que dans la requête en nullité, il était fait valoir que, au moment de la prolongation exceptionnelle de 48 heures, « M. X...n'a pas été avisé de son droit de demander tout examen médical comme l'article 706-88 du code de procédure pénale l'y autorisait (D248/ 18). En fait les policiers ne l'ont avisé que de « son droit à un nouvel examen dans les trois heures qui suivaient le moment où la prolongation devenait effective et à l'issue de la 72ème heure de garde à vue ». Or l'article 706-88 du code de procédure pénale ne mentionne aucun délai de trois heures. Il ne renvoie pas aux dispositions de l'article 63-3. En agissant ainsi, les policiers ont non seulement réduit la portée d'un droit exigé par le législateur. Mais encore, ils ont créé une confusion dans l'esprit de M. X...qui, dans sa réponse, n'a pas perçu la possibilité qu'il avait de solliciter immédiatement un autre examen médical : il n'en voyait pas l'utilité car celui-ci se serait superposé à l'examen obligatoire, faute pour ce dernier d'avoir été effectué dans les temps impartis par le législateur. C'est ainsi que la mesure de garde à vue a été prolongée au vu d'un seul avis qui fait grief à M. X...puisqu'il a validé la durée de la privation de liberté » ; qu'en statuant par des motifs inopérants, qui ne répondent pas à ces écritures, en ce qu'ils se bornent à écarter l'application non revendiquée des dispositions de l'article 63-3 et à retenir que l'intéressé a écarté un...

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