Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 17 janvier 2017, 16-81.821, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Guérin
ECLIECLI:FR:CCASS:2017:CR05843
Case OutcomeRejet
Docket Number16-81821
Appeal NumberC1705843
CounselSCP Capron
Date17 janvier 2017
Subject MatterSANTE PUBLIQUE - Denrées alimentaires - Denrées alimentaires d'origine animale - Viandes séparées mécaniquement - Notion - Interprétation - Interprétation moins stricte par d'autres pays européens - Absence d'influence - Discrimination à rebours - Caractérisation - Défaut
CourtChambre Criminelle (Cour de Cassation de France)
N° S 16-81. 821 F-P + B

N° 5843

ND
17 JANVIER 2017


REJET


M. GUÉRIN président,




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

REJET des pourvois formés par M. Paul-Marie Y , la société Les volailles de Keranna, contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 11e chambre, en date du 25 février 2016 qui, pour détention en vue de la vente et vente, par un établissement non agréé pour la mise sur le marché, de viandes séparées mécaniquement, a condamné le premier à 1 000 euros d'amende avec sursis et la seconde à 10 000 euros d'amende AR ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 6 décembre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Dreifuss-Netter, conseiller rapporteur, M. Fossier, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

Sur le rapport de Mme le conseiller DREIFUSS-NETTER, les observations de la société civile professionnelle YVES et BLAISE CAPRON, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général référendaire CABY ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6, § § 1 et 3, et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, des articles L. 233-2 et L. 237-2 du code rural et de la pêche maritime, des articles 34 et 35 du traité sur l'Union européenne, de l'annexe I du règlement (CE) n° 853/ 2004 du parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 fixant des règles spécifiques d'hygiène applicables aux denrées alimentaires d'origine animale, des dispositions de la directive 2001/ 101/ CE du 26 novembre 2001 modifiant la directive 2000/ 13/ CE du parlement européen et du conseil relative au rapprochement des législations des Etats membres concernant l'étiquetage et la présentation de denrées alimentaires ainsi que la publicité faite à leur égard, des articles 111-3, 111-4, 112-1 et 121-2 du code pénal et des articles préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M Y et la société Les volailles de Keranna coupables du délit de détention en vue de la vente et de vente par un établissement non agréé pour la mise sur le marché de viandes séparées mécaniquement, de viandes gros grains de cous de dinde, a condamné M Y... à une peine d'amende d'un montant de 1 000 euros assortie du sursis et a condamné la société Les volailles de Keranna à une peine d'amende d'un montant de 10 000 euros ;

" aux motifs qu'il est reproché aux prévenus d'avoir commercialisé de la " viande gros grains de cous de dinde ", viande séparée mécaniquement- " VSM "- sans détenir l'agrément sanitaire nécessaire à sa mise sur le marché ; que les poursuites ne concernent pas les autres viandes commercialisées par la société Keranna ; que, sur l'application à " la viande gros grains " de cous de dinde des critères réglementaires de la catégorie " viande séparée mécaniquement " dite VSM ; que le dirigeant de la société Keranna oppose qu'il ne fabrique ni ne vend de la viande séparée mécaniquement, que l'infraction a été retenue sur la base d'un simple constat visuel, sans la moindre analyse, et que les critères réglementaires de la VSM ne sont pas remplis ; qu'à cet égard, il se prévaut de la qualité de son procédé technique d'arrachage pour soutenir que la " viande gros grains " équivaudrait en qualité à une " préparation de viande ", pour laquelle il dispose d'un agrément ; que la notion de VSM a été créée par la directive 2001/ 101 du 26 novembre 2001 sur l'étiquetage et la présentation des denrées alimentaires, dont les considérants 7 et 8 énoncent : 7) " Les viandes séparées mécaniquement diffèrent significativement de la perception de la viande (s) " par les consommateurs. Elles doivent donc être exclues du champ de cette définition ; 8) " En conséquence, elles doivent être désignées par leur nom spécifique " " viandes séparées mécaniquement " et le nom d'espèce ; que le règlement (CE) n° 853/ 2004, fixant des règles spécifiques d'hygiène applicables aux denrées alimentaires d'origine animale, donne en son annexe I diverses définitions de catégories de viandes :-1. 13) les " viandes hachées " sont " les viandes désossées qui ont été soumises à une opération de hachage en fragment et contenant moins de 1 % de sel ",-1. 14) les " viandes séparées mécaniquement ou VSM " sont " le produit obtenu par l'enlèvement de la viande des os couverts de chair après le désossage ou des carcasses de volailles, à l'aide de moyens mécaniques entraînant la destruction ou la modification de la structure fibreuse des muscles ",-1. 15) les " préparations de viandes " sont " les viandes fraîches, y compris les viandes qui ont été réduites en fragments, auxquelles ont été ajoutés des denrées alimentaires, des condiments ou des additifs ou qui ont subi une transformation insuffisante pour modifier à coeur la structure fibreuse des muscles et ainsi faire disparaître les caractéristiques de la viande fraîche " ; que c'est l'existence d'une différence significative entre la VSM et les viandes traditionnelles qui recouvrent les notions de " viandes fraîches ", " viandes hachées " et " préparations de viandes ", qui est à l'origine du régime spécifique d'étiquetage des VSM prévu par la directive 2001/ 101 qui dispose en annexe, s'agissant de la désignation " viande (s) de ", que " les produits couverts par la définition communautaire des " viandes séparées mécaniquement " sont exclus de la présente définition " ; que, sur la matière première, l'expression " viande gros grains ", qui ne figure pas dans le règlement CE n° 853/ 2004, est utilisée en France pour la vente par les industriels ; qu'elle ne correspond à aucune définition réglementaire ; que, dans sa note du 21 mai 2008, la DGCCRF ne fait aucune référence à la matière première du fait qu'elle se réfère totalement au règlement européen, mettant seulement en avant les points faisant discussion en mentionnant que " la définition des viandes séparées mécaniquement (VSM) prévue au point 1. 14 de l'annexe du règlement (CE) n° 853/ 2004 comprend deux notions :- le désossage à l'aide de moyens mécaniques,- la destruction de la structure fibreuse des muscles " ; que, dans une communication du 2 décembre 2010, la commission européenne a rappelé les exigences en matière d'étiquetage pour les deux catégories de VSM à basse et à haute pression, précisant que pour les organisations de consommateurs " l'obligation de mentionner sur l'étiquette l'utilisation de VSM doit être maintenue et aucune VSM présente dans les produits ne doit être dissimulée, parce que les VSM diffèrent sensiblement de la viande telle qu'elle est perçue par les consommateurs " ; que les prévenus ne sauraient valablement soutenir que les cous de dinde s'assimilent à de la viande classique en ce qu'ils comportent leurs muscles entiers ou à tout le moins l'essentiel de leur viande après enlèvement de la peau, au moment de leur mise en oeuvre dans le process de fabrication ; que l'arrêt de la cour de justice de l'Union européenne du 16 octobre 2014 dont ils invoquent les termes, statue sur le critère de la matière première de la VSM en le disant rempli en cas " d'utilisation d'os dont les muscles entiers ont déjà été détachés ou de carcasses de volailles, auxquels de la viande reste attachée " (§ 41, page 16) ; qu'il s'agissait en l'espèce de " produits obtenus à partir de chutes de viande raclée sur les os " (§ 55, page 19) ; que la CJUE a précisé également que "... les viandes séparées mécaniquement [...] constituent néanmoins un produit de qualité inférieure, car composé de restes de viandes, de graisse et de tissu conjonctif restés attachés aux os après enlèvement de l'essentiel de la viande " (§ 63, page 20) ; que dans une instruction technique du 2 octobre 2015, la direction générale de l'alimentation du ministère de l'agriculture, dite " DGAL ", a tiré les conséquences de cet arrêt et établi en annexe 3 une " liste des pièces entières de découpe avec os autorisées " qui, selon elle, constituent de la viande de volaille et non de la VSM : cuisse, haut de cuisse, pilon, aile, filets de poitrine avec clavicule ; qu'elle écrit : " D'ores et déjà, il peut être retenu [...] que le produit obtenu par le désossage mécanique de pièces entières de découpe de volailles et de lagomorphes (lapins …) avec un procédé n'altérant pas la structure de l'os, ni la structure fibreuse des muscles, [...] n'est pas classé en VSM : le produit est assimilé à une préparation de viande " ; que la société Keranna fabrique ces autres viandes, qui n'ont pas été incriminées dans le procès-verbal de la DDPP puisqu'elles ne constituent pas de la VSM ; que comme l'a confirmé M. Olivier Y..., inspecteur de la santé publique vétérinaire, rédacteur du procès-verbal d'infraction, cité devant la cour comme témoin, les cous de dinde sont à qualifier de " carcasses de volaille " au regard de la réglementation européenne ; que, si la viande récupérée ne s'analyse pas en des chutes de viande raclées sur les os après enlèvement préalable de l'essentiel de la viande par désossage, il ne saurait pour autant être soutenu que le produit en cause a été obtenu à partir d'os couverts de leur muscle entier ou de l'essentiel de leur viande, dès lors que le cou de dinde, recouvert de peu de chair, ne figure pas dans la liste des pièces entières de découpe ci-dessus évoquée, qui doit être interprétée strictement ; que, sur la méthode utilisée, le recours à un procédé mécanique n'est pas contesté dès lors que la société Keranna...

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