Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 22 mars 2016, 15-83.207, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Pers (conseiller doyen faisant fonction de président)
ECLIECLI:FR:CCASS:2016:CR00784
Case OutcomeCassation partielle sans renvoi
Docket Number15-83207
CitationSur le secret des délibérations du Conseil constitutionnel, à rapprocher : Cons. const., 10 novembre 1998, décision n° 97-2113/2119/2146/2154/2234/2235/2242/2243A AN
Date22 mars 2016
CounselSCP Waquet,Farge et Hazan
Appeal NumberC1600784
Subject MatterCONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6, § 1 - Droit à un procès équitable - Indépendance des juges - Secret du délibéré - Atteinte - Conditions - Détermination - Portée
CourtChambre Criminelle (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin criminel 2016, n° 92 ; bulletin d'information 2016, n° 848, chambre criminelle, n° 1131

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Gilbert X...,

contre l'arrêt n° 5 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 2e section, en date du 7 mai 2015, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de recel de violation du secret professionnel et trafic d'influence, a prononcé sur sa demande d'annulation d'actes de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 28 janvier 2016 où étaient présents : M. Pers, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Caron, conseiller rapporteur, M. Castel, Mme Dreifuss-Netter, MM. Fossier, Raybaud, Moreau, Mmes Drai, Schneider, Farrenq-Nési, MM. Bellenger, Stephan, conseillers de la chambre, Mme Harel-Dutirou, M. Laurent, Mme Carbonaro, M. Béghin, Mme Guého, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Cordier ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

Sur le rapport de Mme le conseiller CARON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général CORDIER, les avocats des parties ayant eu la parole en dernier ;

Vu l'ordonnance du conseiller doyen de la chambre criminelle
faisant fonction de président, en date du 2 juin 2015, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;

Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure, que, dans une information ouverte à Paris, notamment des chefs de corruption, blanchiment, trafic d'influence, les juges d'instruction ont ordonné, à mesure qu'elles étaient identifiées, le placement sous surveillance des lignes téléphoniques utilisées par M. Nicolas Y..., successivement par commission rogatoire technique du 3 septembre 2013 pour une durée de quatre mois, cette mesure étant prolongée le 27 décembre suivant, puis, pour une deuxième ligne, par commission rogatoire du 19 septembre 2013, pour une durée également de quatre mois, cette mesure étant prolongée le 10 janvier 2014, le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris étant immédiatement avisé de chacune de ces décisions, en raison de la qualité d'avocat de M. Y... ; qu'à la suite de l'identification par les policiers d'une nouvelle ligne, ouverte au nom de M. Paul Z..., utilisée en réalité par M. Y... et paraissant destinée à ses échanges avec un interlocuteur unique, celle-ci a été également placée sous surveillance le 22 janvier 2014, le bâtonnier en étant à nouveau immédiatement avisé ; que, dans un rapport adressé le 7 février 2014 aux juges d'instruction mandants, l'officier de police judiciaire en charge de l'enquête sur commission rogatoire a résumé des propos échangés entre M. Y... et M. Thierry A..., avocat, entre le 28 janvier et le 5 février 2014, sur la ligne ouverte au nom de M. Paul Z..., laissant supposer que ceux-ci étaient au courant des écoutes téléphoniques ainsi que de perquisitions envisagées par les magistrats, et que M. A... recevait également des informations, dont certaines confidentielles, sur un pourvoi en cassation formé par le premier nommé dans une affaire distincte, en cours d'instruction devant la Cour de cassation ; que ces derniers renseignements pouvaient provenir d'un certain " Gilbert ", paraissant à l'officier de police judiciaire en mesure d'infléchir favorablement le sort dudit pourvoi par ses contacts à la Cour ; que M. A... proposait à M. Y..., en contrepartie des services rendus par " Gilbert ", de l'aider à obtenir le poste de conseiller d'Etat à Monaco, convoité par ce dernier ; que la facturation détaillée de la ligne téléphonique de M. A..., obtenue par réquisition adressée à l'opérateur Orange le 7 février 2014, a révélé divers échanges téléphoniques entre M. A... et M. Gilbert X..., premier avocat général à la Cour de cassation ; que, faisant suite à une ordonnance de soit-communiqué, en date du 17 février 2014, le procureur financier a ouvert le 26 février suivant une information distincte, confiée à deux autres juges d'instruction des chefs de trafic d'influence passif par une personne exerçant une fonction publique, trafic d'influence actif sur une personne chargée d'une mission de service public, complicité et recel de ces infractions, violation du secret de l'instruction et recel ; que les magistrats instructeurs ont ordonné le placement sous interception des lignes téléphoniques de M. A... et ont délivré plusieurs commissions rogatoires, notamment aux fins de transcription des écoutes opérées dans la procédure qui en a été à l'origine ; qu'ils ont procédé à diverses perquisitions, notamment à la Cour de cassation, et auditions, en particulier de magistrats de cette juridiction ; qu'après délivrance, le 1er juillet 2014, d'un réquisitoire supplétif portant sur des faits nouveaux survenus depuis l'ouverture de l'information, MM. Y..., A... et X... ont été mis en examen ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, L. 217-1 du code de l'organisation judiciaire, 80, 705 et suivants, et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué, rejetant l'exception de nullité du réquisitoire introductif du 26 février 2014 et de l'ordonnance de soit-communiqué du 17 février 2014, a dit n'y avoir lieu à annulation d'une pièce de la procédure examinée ;

" aux motifs que la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 entrée en vigueur le 1er février 2014 a institué un procureur de la République financier, qui comme le juge d'instruction et le tribunal correctionnel, exerce une compétence concurrente à celle qui résulte de l'application des articles 43, 52, 704 et 706-42 pour la poursuite, l'instruction et le jugement d'une liste d'infractions précisément énumérées et que sont entre autres visés les délits de corruption, trafic d'influence commis par des personnes exerçant une fonction publique, dans les affaires qui apparaissent d'une grande complexité, en raison notamment du grand nombre d'auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique sur lequel elles s'étendent ; que l'emploi de l'adverbe « notamment » montre que la liste des critères de la complexité n'est ni exhaustive, ni limitative ; qu'en l'espèce, l'ex-qualité ou la qualité de deux des personnes mises en cause pouvait être prise en compte ; qu'il n'était point nécessaire que la loi du 6 décembre 2013 modifie, l'alinéa 3, de l'article 80 du code de procédure pénale qui règle de la procédure à suivre dans l'hypothèse de la découverte de faits nouveaux qui dans un premier temps vont s'inscrire et être régis, une fois dénoncés, par les articles 43, 52 ou 706-42 du code de procédure pénale, et dans un second temps par les articles 704 et suivants, ou 705 et suivants du code de procédure pénale ; que les dispositions des articles L. 217-1 et L. 217-4 du code de l'organisation judiciaire prévoyant l'adjonction d'un procureur national financier auprès du procureur de la République (L. 217-1) et le fait que les dispositions législatives de ce code faisant mention du procureur de la République ne sont applicables au premier que si elles le prévoient expressément (L. 217-4) sont inopérantes en l'espèce ; qu'en adressant leur ordonnance de soit communiqué du 17 février 2014 à au procureur de la République financier, et en évoquant des faits de corruption de la part d'un magistrat de la Cour de cassation, les juges d'instruction ne choisissaient pas le parquet compétent ; que la détermination de la compétence entre le procureur de la République de Paris et le procureur de la République financier appartient à ces deux magistrats, sous le contrôle du procureur général de la cour d'appel de Paris, les articles 705-2 et suivants réglant les conflits de compétence, étant souligné que l'article 705, alinéa 1, du code de procédure pénale met en exergue le principe d'une compétence concurrente, à celle résultant des textes définissant les règles de compétence territoriale du droit commun ; que, dès lors que le réquisitoire introductif du 26 février 2014 satisfait en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale, soit un écrit, daté, signé par un magistrat compétent visant le cas échéant les pièces sur lesquelles sont fondées les poursuites, avec jonction desdites pièces, que ces conditions sont respectées et ne sont pas contestées en l'espèce, qu'il n'y a pas lieu de prononcer son annulation ;

" 1°) alors que l'initiative de la saisine du procureur national financier est réservée au ministère public ; que, dans le cadre d'une information ouverte sur réquisitoire du procureur de la République de Paris, les juges d'instruction ont adressé une ordonnance de soit communiqué du 17 février 2014 au procureur de la République financier aux fins de réquisitions ou avis sur des faits nouveaux non compris dans leur saisine initiale ; qu'un réquisitoire introductif a été pris par ce dernier sur la base de cette saisine ; qu'en validant la procédure nonobstant l'excès de pouvoir des juges d'instruction, au motif inopérant que le procureur de la République financier dispose d'une compétence concurrente à celle du procureur de Paris et que la détermination de la compétence entre ces deux procureurs leur appartient sous le contrôle du procureur général de la cour d'appel de Paris, la cour a méconnu la répartition des compétences entre le juge d'instruction et le ministère public ; que la cassation interviendra sans renvoi ;

" 2°) alors qu'en application de l'article 80, alinéa 3, du code de procédure pénale, « lorsque des faits, non visés au réquisitoire, sont portés à la connaissance du juge d'instruction, celui-ci doit immédiatement communiquer au procureur de la République les plaintes ou les procès-verbaux qui les constatent. Le procureur de la République peut alors soit requérir du juge d'instruction, par réquisitoire...

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