Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 13 novembre 2018, 17-81.398, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Soulard
ECLIECLI:FR:CCASS:2018:CR02547
Case OutcomeDéchéance et rejet
CounselSCP Didier et Pinet,SCP Gatineau et Fattaccini,SCP Thouvenin,Coudray et Grévy,SCP de Nervo et Poupet
CitationSur la responsabilité civile du fait d'une faute commise par le commettant, à rapprocher : Ass. plén., 17 juin 1983, pourvoi n° 82-91.632, Bull. crim. 1983, Ass. plén., n° 8 (rejet), et les arrêts cités ;Ass. plén., 19 mai 1988, pourvoi n° 87-82.654, Bull. crim. 1988, Ass. plén., n° 5 (rejet), et les arrêts cités
Appeal NumberC1802547
Date13 novembre 2018
CourtChambre Criminelle (Cour de Cassation de France)
Docket Number17-81398
Publication au Gazette officielBull. crim. 2018, n° 190
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° C 17-81.398 FS-P+B

N° 2547


FAR
13 NOVEMBRE 2018


REJET


M. SOULARD président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________








LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

DECHEANCE et rejet sur les pourvois formés par M. Jean-Michel X..., Mme Sophie Y...,et La clinique Saint-François, civilement responsable, contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, en date du 3 février 2017, qui, pour harcèlement moral, a condamné les deux premiers à 3 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 octobre 2018 où étaient présents : M. Soulard, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, MM. Straheli, Cathala, Ricard, Parlos, Bonnal, Mme Ménotti, M. Maziau, conseillers de la chambre, M. Barbier, Mme de Lamarzelle, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Croizier ;

Greffier de chambre : Mme Darcheux ;

Sur le rapport de Mme le conseiller Durin-Karsenty, les observations de la société civile professionnelle THOUVENIN, COUDRAY et GRÉVY et de la société civile professionnelle GATINEAU et FATTACCINI, de la société civile professionnelle DE NERVO et POUPET, de la société civile professionnelle DIDIER et PINET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Croizier ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I - Sur le pourvoi formé par Mme Sophie Y... :

Attendu que Mme Y... n'ayant pas constitué avocat ou déposé son mémoire dans le délai prévu à l'article 584 du code de procédure pénale, il y a lieu, en conséquence, de la déclarer déchue de son pourvoi par application de l'article 590-1 du même code ;

II - Sur les autres pourvois formés :

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Mme Myriam A..., embauchée en qualité d'assistante de direction par la clinique Saint-François (la clinique) à compter du 13 février 2006, a porté plainte le 6 novembre 2009 pour harcèlement moral ; que le procureur de la République a fait citer directement devant le tribunal correctionnel, M. X..., directeur général, et la clinique comme civilement responsable ; que Mme Y..., responsable des ressources humaines, a été citée directement par Mme A... devant ladite juridiction, qui a joint les procédures ; que M. X... a été relaxé, Mme Y... ayant été condamnée et la clinique mise hors de cause ; que Mme Y... a formé appel, le ministère public a formé appel principal à l'encontre de M. X..., appel incident contre Mme Y..., et la partie civile, appel en ce qui concerne l'action civile ;

En cet état :

Sur le moyen unique de cassation, proposé pour M. X..., pris de la violation des articles 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-3, 222-33-2 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. X... coupable de harcèlement moral à l'encontre de Mme A... et l'a condamné à une amende de 3 000 euros, ainsi qu'au paiement d'une somme de 3 000 euros à la partie civile à titre de dommages-intérêts, outre une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel ;

"aux motifs que M. X... a été cité pour avoir commis un harcèlement moral à l'égard de Mme A... en refusant des contacts de collaboration directe, en proférant des paroles agressives et humiliantes et en exerçant une surveillance très étroite sur son emploi du temps ; qu'il déclarait, entendu le 16 septembre 2010, qu'il avait obtenu un DESS d'administration des entreprises en 1998 et un DECF en 2004 ; qu'il était marié depuis le 17 juin 2006 et avait trois enfants, de 10, 12 et 17 ans ; qu'il était propriétaire de son logement, acquis avec un emprunt qu'il remboursait à hauteur de 1 200 euros par mois ; qu'il exerçait depuis 2004 la profession de directeur de clinique privée ; qu'il avait quitté ce domaine d'activité en rejoignant, le 1er juin 2010, en qualité de directeur de projet, une société sise à Paris ; qu'il expliquait sur les faits, que Mme A... était déjà en poste quand il avait été nommé directeur de la clinique ; qu'elle lui avait fait part des difficultés qu'elle avait eues avec son ancienne collègue de travail ; que les accusations qu'elle dirigeait contre lui-même le stupéfiaient ; qu'il n'avait jamais fermé la porte de son bureau pour l'empêcher de rentrer ; qu'il lui était arrivé de lui demander de mentionner par mails ses moments de pauses mais uniquement pour couper court à des rumeurs de laxisme de sa part ; qu'il ne l'avait jamais insultée ; qu'il ne lui avait jamais lancé de dossiers à la figure ; qu'il n'avait pas constaté une dégradation de son état de santé ; qu'il ne se rappelait plus si son salaire avait été bloqué, ni si ses heures supplémentaires avaient été impayées ; qu'il ne l'avait à aucun moment "placardisée", et était très affecté par tous les reproches qui lui étaient faits ; qu'il a confirmé ces déclarations aux audiences du tribunal et de la cour ; que sur ce, l'infraction qui lui est reprochée est suffisamment caractérisée au vu des témoignages suivants :
- M. Luc B... : que M. Luc B..., directeur adjoint de la clinique, déclarait le 16 décembre 2009 :
"M. X... avait au départ de bonnes relations avec Mme A... mais il y a eu rapidement des attitudes et des gestes d'agressivité verbale envers elle, voire d'humiliation, il lui criait dessus, il l'insultait. Il lui envoyait des documents au visage quand ça n'allait pas. Il la faisait attendre pour rien à la fin de son service. M. X... voulait savoir quand elle partait déjeuner et quand elle revenait et tout ça par mail car il ne voulait pas lui parler. M. X... fermait à clé la porte communicante de leurs bureaux respectifs. Il ne répondait pas quand Mme A... tapait à la porte. Il n'ouvrait que pour lui dire de lui envoyer des mails si elle avait envie de lui parler" ; que M. Luc B... attestait également, le 26 août 2008 : "Au bout de quelques mois, j'ai constaté que M. X... était un personnage pervers, il manipulait les gens, pratiquait l'humiliation en permanence, était coléreux, et Mme A... s'est retrouvée rapidement sous les feux de sa méchanceté et de son harcèlement (...). Par son attitude immonde, et inhumaine, il a fait partir la directrice des soins, le chef de bloc, le responsable qualité, le pharmacien, et moi-même, directeur adjoint de 30 années d'ancienneté ainsi sans compter un nombre important de personnels soignants ; qu'il parlait à Mme A... brutalement, la terrorisait par une attitude agressive, sans parler de mots grossiers. Quand un document ne lui plaisait pas, il entrouvrait la porte de son bureau en lui jetant au visage le dossier avec pour seule explication "C'est de la m..." Régulièrement, il attendait le soir, au moment où elle allait partir, pour lui demander d'attendre car il avait besoin d'elle. Il en profitait pour s'absenter dans les services sans la prévenir. Il en revenait entre 1/2 heure et 3/4 d'heure plus tard et lui confiait une tâche à faire immédiatement. A chaque fois, cette tâche aurait pu lui être confiée dans la journée, voire même quelques jours auparavant" ;
- Mme Françoise C... : que celle-ci, retraitée après avoir été aide-soignante dans la clinique, déclarait le 1er février 2010, au sujet de M. X... : "Celui-ci a fait installer un verrou entre la porte du bureau de la direction et celui de Mme A... Ils ne se parlaient plus que par messagerie interposée et elle m'a montré des messages où elle indiquait qu'elle allait déjeuner et qu'elle était revenue avec les horaires" ; qu'elle « pleurait beaucoup. Elle avait maigri. J'ai appris son départ après qu'elle ait eu un congé maladie" ;
- Le docteur T... : que ce dernier, qui avait travaillé dans la clinique, attestait, le 9 juin 2008 : "Je peux témoigner des excellentes qualités professionnelles et relationnelles de Mme A... (...) A partir de septembre 2007, elle m'a régulièrement fait part des difficultés relationnelles qu'elle rencontrait avec le directeur : coups de colère, dossiers jetés, portes claquées, propos agressifs" ;
- Mme Hélène D... : que celle-ci, assistante maternelle, déclarait le 3 février 2010 : "Mme Y... a changé de bureau et d'étage. Mme A... allait mieux avec le bureau pour elle seule. M. X... est arrivé à la clinique. Au début, je pense que l'entente était cordiale. Elle a rapidement déchanté. Au fur et à mesure il ne lui a plus confié de missions ni de responsabilités. Il la surveillait de près (...) Je voyais Mme A... qui me disait qu'elle envoyait des mails à X... en permanence pour annoncer son arrivée quotidienne à la clinique et ses prises de repas" ; "Je la voyais pleurer souvent. Elle fumait énormément. Elle était très stressée. Vous m'apprenez qu'elle a eu une maladie de peau due au stress. Cela ne m'étonne pas. Nous avons été nombreux à souffrir de la même chose, moi-même, M. B..., M. E... le pharmacien, Mme U..., chef de bloc. Nous avons tous perdu notre boulot à cause de lui (...) M. X... est un manipulateur et un pervers, une sorte de "killer" à sa façon" ;
- Mme Marie-Claude F... : que celle-ci, réceptionniste, déclarait le 14 décembre 2009 : "Mme A... m'a dit, concernant M. X..., qu'il ne communiquait que par mails et qu'elle en faisait un à son départ pour déjeuner et un à son retour de celui-ci ( ) Mme A... était tendue et stressée...

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